Août 2012 : Un tournant critique pour la démocratie béninoise ?

La commémoration du 52ème anniversaire de la Fête nationale du 1er Août va – t- elle être un tournant dans l’histoire des rapports entre les forces en présence sur la scène politique ? 

 Pourquoi ce brusque accès de fièvre  s’est – il emparé de la classe politique à l’occasion d’un événement  historique dont le caractère  fédérateur du sentiment national devrait l’emporter  sur toute autre  considération d’appartenance partisane ?   Que faut-il, en définitive, retenir  de toutes les déclarations  des différents camps  en présence ?  Que penser  des différentes déclarations, marches  et autres manifestations  dont les initiateurs se présentent comme des soutiens inconditionnels  du président Boni Yayi  pendant que lui-même multiplie les discours d’apaisement ? Faut –il craindre que les  premiers  jours du mois d’Août 2012  ne constituent un point de rupture entre les principaux  protagonistes  du processus démocratique béninois, après plus de deux décennies où le consensus  a été pratiquement érigé au rang de principe constitutionnel  dans le débat politique ?

Autant de questions que suscite l’actualité nationale depuis le début de ce mois d’Août.
L’actualité de la Fête de l’indépendance ne finit pas de faire des vagues. Les développements auxquels elle donne lieu suscitent des sentiments variés et mitigés au sein des populations ; selon que l’on se définit comme un soutien inconditionnel du pouvoir, ou que l’on affirme son appartenance ou sa sympathie pour l’opposition. Mais le contexte met en exergue cette assertion qui souligne que : « en politique, il n’y a pas de génération spontanée. »En d’autres termes, la politique ne peut être une activité, une pratique que l’on peut exercer sans un minimum d’acquis.

En effet , ce qui se passe depuis le 1er Août ne peut s’apprécier sans se poser des questions sur les qualités des animateurs de la vie politique .L’ assertion sus- citée mérite examen à la lumière des pratiques qui caractérisent l’ animation de la vie politique béninoise depuis plus de deux décennies , c’est – à –dire depuis que les Béninois ont cru avoir définitivement tourné le dos «  aux démons » d’une vie politique qui a plus que fragilisé le tissu social au cours des trois premières décennies de l’indépendance nationale . Le «  nous avons vaincu la fatalité » du rapport général de la Conférence nationale de Février 1990 résume bien ce sentiment général de catharsis réussi au sortir de cette assise historique.

Depuis, plus d’une centaine de partis – pour ne pas dire près de 200 – sont apparus sur la scène politique. A l’approche et au lendemain de chaque échéance électorale, on assiste à de véritables kermesses où des personnes ou groupes de personnes se découvrent un destin national. Des partis sont ainsi créés en l’espace d’un weekend.

A l’exception notable du Parti communiste du Bénin(PCB)- 35 ans en Décembre- l’histoire de l’écrasante majorité des formations qui animent aujourd’hui la vie politique reste encore à écrire. En effet, la plupart ont été créées au lendemain de Février 1990, et même pour certains partis, qui peuvent prétendre à une existence plus ou moins clandestine pendant le règne du Parti de la Révolution populaire du Bénin, le recrutement  ou  l’adhésion  de membres ne sera effectif qu’au cours de ces vingt dernières années. Vingt ans d’existence – pour ceux qui peuvent se prévaloir d’une certaine représentativité du fait de leur présence régulière l’Assemblée nationale de 1991 à nos jours -, c’est peu dans la vie de partis qui ont assumé, assument ou veulent assumer les plus hautes charges de l’Etat.

Ainsi , la dernière décennie de la vie nationale a vu l’irruption sur la scène politique d’acteurs dont l’expérience et le parcours ne constitue pas encore un gage rassurant pour les prétentions qu’ils nourrissent pour les hautes fonctions de l’ Etat ; ou , quand ils sont déjà dans les hautes sphères , leurs pratiques de la direction des hommes et leurs méthodes de gestion de la cité souffrent de lacunes et insuffisances dont les effets peuvent rejaillir sur la qualité de la gouvernance à tous les niveaux .

C’est de cette réalité qu’il faut tenir compte, face aux développements de la situation depuis la polémique née de l’entretien du chef de l’Etat avec la presse à l’ occasion de la célébration de la Fête nationale du 1er Août. Et c’est là tout le paradoxe de la situation : une occasion de communion, le moment privilégié des 365 jours de l’année où les Béninois doivent affirmer leur sentiment d’appartenance à une même nation, au-delà des divergences politiques et idéologiques est en train de devenir le point de cristallisation des antagonismes.

Eviter un débat tronqué

Depuis, les contrefeux nécessaires ont été allumés par le président de la République lui-même, qui a saisi plusieurs occasions pour apaiser les craintes qu’avaient fait naitre certains de ses propos. Mais dans le même temps, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la stratégie de la majorité présidentielle qui multiplie les déclarations et marches de soutien, comme pour maintenir les braises sous la cendre. En effet, après la déclaration du coordonnateur des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), on aurait dû assister à une décrispation de la situation. Mais depuis, on assiste plutôt à la montée au créneau de chaque composante des FCBE, pour donner sa vision particulière de la situation ; ce qui ne contribue pas à créer les conditions d’un réel débat démocratique. Car dans le même temps, l’Union fait la Nation (UN) et ceux qui estiment que l’entretien télévisé du chef de l’Etat du 1er Août contient des propos à polémique, sont les tirs de feux croisés qui les contraints faute d’avoir accès aux médias publics.

En démocratie, la fonction fondamentale du débat est d’assurer non seulement le fonctionnement harmonieux de la société, mais aussi de réguler la vie politique, économique et sociale. La régulation d’un débat démocratique doit se mesurer à la capacité des parties en présence de faire prévaloir des arguments qui emportent l’adhésion sans verser dans la surenchère et la diabolisation de l’adversaire. La qualité d’un débat dans un système de démocratie multi partisan est tributaire du degré d’organisation des différentes composantes de la classe politique d’une part , et d’ autre part de la qualité de la formation que chaque parti se donne la mission d’inculquer à ses adhérents pour leur permettre de jouer efficacement leur rôle d’avant-garde de la société.

En ce mois d’Août 2012, les Béninois retiendront que la célébration de la Fête nationale de leur pays a montré l’animation de la vie politique comporte encore de graves risques pour le débat démocratique vingt deux ans après le « nous avons vaincu la fatalité » de Février 1990.   

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