Bénin: le défi de l’inflation

Quand ils entendent inflation, les économistes s’arrachent les cheveux. Et pour cause ! L’inflation se caractérise par une hausse généralisée et continue des prix. Par extension, on désigne par inflation toute augmentation jugée excessive, justifiant par là que l’excès en tout est un défaut. 

Le Bénin a à gérer quatre postes inflationnistes. Le Bénin traîne, de ce fait, quatre défauts dont il doit guérir. Ce sont les partis politiques, les taxi-moto dit «Zémidjan», les vendeurs de l’essence de contrebande appelée «Kpayo», les journaux enfin.

Près de 200 partis politiques pour 9 millions de Béninois, c’est un comble! Cela se rapporte à un parti pour 45 000 Béninois. Cela suppose 200 visions différentes du devenir du Bénin. Cela représente 200 manières de faire le bonheur des 9 millions de Béninois. Et pour être tout à fait complet dans l’invraisemblance : tous les Béninois, sans exception, devraient être membres d’un parti. Ceci, de leur naissance à leur mort, du berceau à la tombe. Que dire après? Tout ce qui est excessif est insignifiant.

Le secteur des taxi-moto dit «Zémidjans» offre, sur la foi des chiffres les plus sérieux, 185 000 emplois aux jeunes béninois. Est-on diplômé sans emploi? Veut-on fuir son patelin, charmé par les chants des sirènes de la grande ville? Est-on retraité et tenté d’arrondir ses fins de mois? On se fait «Zémidjan» C’est le rush continu vers un secteur où la débrouille est le maître-mot, où précarité rime avec fragilité.

Ce développement anarchique du secteur ne soulage pas moins les autorités à divers titres. Elles se dédouanent à bon compte du souci de pourvoir à l’insertion sociale de jeunes qui arrivent, chaque année et de plus en plus nombreux, sur le marché du travail. L’inflation qui affecte le secteur est à l’image du cancer, à tenir pour la prolifération anormale, anarchique des cellules. Tout ce qui emprunte une telle pente devient difficile à contenir. Le phénomène «zémidjan», ne s’impose-t-il pas à nous comme un mal devenu nécessaire? Alors, peut-on vivre avec son cancer? Les «Zémidjan» rendent d’immenses services à leur société. On ne peut mieux les remercier en retour qu’en les organisant mieux.

Avec la nébuleuse des vendeurs de l’essence de contrebande, 270 000 emplois occupent les Béninois. 244 984 926 litres d’essence entrent, chaque année, au Bénin, à partir de notre grand voisin de l’est. Contre seulement 91 104 581 litres par les circuits officiels. L’Etat, ici, est le dindon de la farce. 55 milliards de francs CFA de bénéfice annuel sont ainsi captés par l’informel au nez et à la barbe de l’Etat.

Une réflexion audacieuse est à engager au plus tôt. Il convient de trouver les bonnes recettes pour parer au plus pressé, avant d’espérer arrêter définitivement l’hémorragie. Henri Doutétien, ingénieur de son état, vient d’engager une telle réflexion. Quel brio! «Et si nous osions formaliser le «Kpayo»? C’est le titre d’une remarquable étude qu’il a publiée dans l’hebdomadaire catholique « La Croix du Bénin » N° 1159 du 17 août 2012. Cette contribution de qualité en appelle d’autres. Nous avons des cadres qui ne demandent qu’à libérer leur expertise et qu’à partager leur expérience.

Quant à la presse, ce sont les quotidiens qui tiennent la palme de l’inflation : 100 quotidiens sont offerts aux Béninois. 100 quotidiens pour des Béninois analphabètes à 70%. 100 quotidiens, dans un pays où l’on lit de moins en moins. 100 quotidiens dans un pays où l’écrit est distancé, chaque jour, par l’audiovisuel, avec l’incontestable succès des feuilletons venus de loin. 100 quotidiens dans un pays où l’on va de moins en moins dans les bibliothèques, mais de plus en plus dans les cybercafés. 100 quotidiens dans un pays où le marché de la publicité est encore des plus étroits et des plus instables. 100 quotidiens dans un pays où les plus hauts cadres, payés pour lire, tapissent les murs de leurs salons de livres qu’ils ne lisent jamais. 100 quotidiens dans un pays où l’édition fonctionne encore au carburant du système D.

Voilà autant de données objectives que bouscule tranquillement la presse écrite avec la centaine de quotidiens offerts à ce lecteur introuvable ou devenu une espèce rare en voie de disparition rapide. Toute inflation est un défi qui secoue nos carcasses humaines. Mais tout défi est une opportunité à saisir pour secouer nos intelligences ainsi mises à rude épreuve. Ce n’est jamais facile. Mais ce n’est pas impossible. La solution est toujours dans le problème.

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