Candide Azanaï : décrypter le décrypteur

Mémorable sortie que celle de l’honorable Candide Azanaï. C’était sur Canal 3, le dimanche 27 août 2012. Le député a tenté de décrypter, selon ses propres canons et repères, l’interview que le Chef de l’Etat a accordée à la presse le 1er août dernier. 

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Cette interview n’a pas cessé, depuis, de faire des vagues. Le Bénin est coupé en deux et présente le tableau contrasté d’un pays en noir et blanc. L’opposition dénonce et critique. La mouvance présidentielle soutient et applaudit.

Mais voici que, dans ce qui paraissait entendu et plié à l’avance, un membre de la mouvance présidentielle, député de surcroît, sort du schéma convenu. Il déboule comme un éléphant dans le magasin des conventions et des convenances. Bonjour les dégâts. Ils sont à la mesure d’un coup de force en règle. Un vrai tsunami qui bouscule le théâtre politicien et confond les acteurs.

Candide Azanaï, par cet exploit totalement atypique, loin des sentiers battus, s’offre comme un cas d’étude intéressant. Il se présente à nous comme un porteur de masques, porteur d’un triple masque. D’une part, le masque du marginal. Candide Azanaï clame et proclame sa différence entre tous. D’autre part, le masque du rebelle. Candide Azanaï refuse les catéchismes préétablis et déroge à la discipline de sa famille politique. Enfin, le masque de l’ennemi public N° 1. Candide Azanaï se pose sur la scène publique comme un acteur singulier : l’ami de personne, l’ennemi de tous.

Candide Azanaï, le marginal. Il s’agit d’une personne qui vit en marge de la société. Il en refuse les normes et les règles. La norme et la règle, ici, c’est que quand le chef a parlé, ses disciples, compagnons et sympathisants n’ont plus qu’à dire « Amen ». Candide Azanaï dit ne pas savoir manger de ce pain-là. Le philosophe de formation qu’il est élève la critique ou l’esprit critique au rang d’une vertu, d’une éthique intellectuelle. Qui se positionne ainsi sort du troupeau. Il ne veut pas se laisser compter au nombre des moutons de Panurge, allusion à l’instinct grégaire des moutons.

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Candide Azanaï ne craint pas ainsi de sortir de la scène collective pour se produire en un one man show sur un théâtre individuel et personnel. Il joue en solo et s’assume tel. La trompette qu’il embouche n’est ni celle du pouvoir, ni celle de l’opposition, mais, comme il le dit, celle du peuple. Le grand écrivain nigérian, Chinua Achebe, a écrit un roman titré « The man of the people », traduit en français « Le démagogue ». Le peuple est si large, le peuple est si vague que qui veut s’y confondre, prend le risque de s’y fondre.

Candide Azanaï, le rebelle. Se rebeller, c’est savoir et c’est pouvoir se révolter. Se révolter, c’est montrer sa capacité à s’écoeurer, à se remplir de réprobation, à se soulever d’indignation. Avec un tel état d’esprit, on peut dire non à ses proches, à son groupe d’appartenance, à sa famille politique. Comme pour signifier qu’aucun devoir de solidarité ne peut pousser quiconque à cautionner le faux. Et par rapport à la prestation du Chef de l’Etat, à pendre part à une conspiration du silence ou à une manœuvre de complaisance.

Mais le rebelle, ce faisant, pose de graves questions qu’il n’a pas le droit de laisser sans réponse, au risque de passer pour un brasseur de vent. Qui détiendrait le code secret de la Liste électorale permanente informatisée ? Le dossier PVI-Ng traduirait-il davantage une brouille privée qu’une affaire d’Etat ? L’article 3 de ce que le Chef de l’Etat a signé dans l’affaire PVI-Ng et contrairement à ce qui a été dit, comporterait-t-il les mots Bénin Control SA ?

Candide Azanaï, l’ennemi public N°1. L’homme a le profil de celui qui n’est ni complaisant avec la mouvance présidentielle ni proche de l’opposition. Pourtant, il est censé appartenir à la première. Pourtant, la plupart de ses idées rejoignent celles de la seconde. Il reprocherait à la mouvance un unanimisme mécanique et de façade. Il dénoncerait chez l’opposition une tendance à la dénonciation systématique et aveugle. Dans cette posture, si Candide Azanaï n’est l’ami de personne, ne se fait-il pas, objectivement, l’ennemi de tous ? Il est à cataloguer comme un empêcheur de tourner en rond. Or, mouvance comme opposition tournent en rond. La seule différence entre les deux entités tient au diamètre de leur révolution autour d’un point fixe et commun : le pouvoir. Nous tenons du sage Hampâthé Bâ ces mots que nous proposons à la méditation de Candide Azanaï : « Ne t’entête pas à contredire ; tu en serais aveugle. Cherche à comprendre et tu auras raison. »

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