Dans son interview accordée à la presse le 1er Août dernier, le Chef de l’Etat a rassuré ses concitoyens sur la bonne santé financière du pays et s’est même vanté du satisfecit décerné au pays par les institutions de Breton Woods.
Mais la vérité paraît tout autre. Le Bénin, en plus du fait qu’il est le dernier de la zone Uemoa avec un taux de croissance économique de 3,5%, est aussi un pays très endetté. En 2012, il a déjà emprunté 176 milliards par des bons de trésorerie.
«Nous n’avons aucun problème de trésorerie aujourd’hui qui nous empêche de faire face au payement de salaires. Pour être plus clair, si aujourd’hui, la douane arrête de travailler, le Bénin arrête de travailler, nous sommes en mesure de payer les salaires pour plusieurs mois. Je veux rassurer les Béninois ». Ainsi parlait le Chef de l’Etat le 1er Août dernier lors de son interview alors qu’il répondait à une question sur l’état de l’économie nationale. Il ne faisait que confirmer les assurances données quelques jours avant par le ministre de l’économie et des finances Jonas Gbian dans un exercice médiatique identique. Le Chef a parlé, qui peut encore le contester ? Personne, lorsqu’on sait que la parole du Chef est sacrée puisqu’elle ne s’embarrasse pas de propos douteux, de mensonges et autres frivolités du grand monde. Pourtant, celle du Chef de l’Etat est bien contestable au sujet de l’Etat de notre trésorerie. Ce sont les chiffres qui émanent de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest(Bceao) qui le montrent. En effet, selon la situation du marché des titres de créances de l’Union monétaire ouest africaine(Uemoa) publié ci-contre, le Bénin est le seul pays(le Sénégal dans une moindre mesure) de cette zone économique qui « achète » de l’argent chaque mois pour faire face à des besoins de trésorerie. Or, on le sait, ces charges de trésorerie rassemble les charges de dépense courante : le fonctionnement du gouvernement et des institutions, le paiement des salaires… Il s’agit donc des dépenses de souveraineté auxquelles l’Etat ne peut déroger. Et même si, au nom du principe de la fongibilité des fonds publics, on ne peut dire avec certitude que ces prêts appuient le gouvernement à payer les salaires des fonctionnaires, on peut au moins affirmer qu’ils servent à régler des charges qui reviennent par mensualité. Les bons de trésor qui sont à différencier des emprunts obligataires (comme ceux de la Caisse autonome d’amortissement) dont l’échéance est souvent de cinq et servent à investir dans des projets de développement sont institués par le règlement N° 6/2001/Cm/Uemoa qui permettent à des banques et établissements financiers de prêter de l’argent aux Etats en difficulté. C’est un instrument de dette qui bénéficie de la garantie indirecte de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest(Bceao). Les banques sont assurées par une disposition dudit règlement qui permet le refinancement aux guichets de la Bceao. C’est-à-dire que lorsqu’elles ont besoin de leur argent, elles peuvent obtenir les fonds auprès de la le Bceao en garantie de titres. Depuis le début de l’année 2012, le Bénin est le seul pays de l’Uemoa qui a fait recours chaque mois à cet instrument pour faire face à des problèmes de trésorerie. Soit 8 fois déjà. Au total, 176 milliards de prêt ont été consentis par l’Etat béninois. Le Sénégal, dont l’économie est exsangue à cause de la gabegie de Wade est à 177,53 milliards avec 7 prêts. Le Mali malgré la crise, n’a fait recours à ça que trois fois. La Côte d’Ivoire, 2 fois. Le Togo, le Niger et le Burkina une seule fois.
Les causes de l’endettement
Alors, il convient ici de poser une question. Comment un pays qui n’a aucun problème de trésorerie, comme le dit le Chef de l’Etat, peut-il emprunter chaque mois de l’argent ? L’endettement est toujours la preuve qu’on a des difficultés financières. Imaginez un fonctionnaire qui, chaque mois, va voir des amis à lui ou des usuriers pour emprunter de l’argent. Cela est une preuve basique qu’il a des difficultés de trésorerie ou qu’il vit au dessus de ses moyens. En effet, depuis l’embellie économique que le Bénin a connue dans les années 2006, 2007 et 2008, le gouvernement en a profité pour multiplier les charges de l’Etat, croyant que cette augmentation de recettes de l’Etat(que l’on sait maintenant qu’elle n’est pas due à l’assainissement des finances publiques mais au boom pétrolier qu’a connu le Nigéria et qui a influencé positivement les recettes du Bénin) allait continuer. Depuis ce temps donc, le Bénin a augmenté ses dépenses, surtout salariales, en reversant massivement des enseignants dans la fonction publique, en multipliant les institutions budgétivores et en augmentant les salaires des enseignants du supérieur. Face à cette augmentation de la masse salariale, les recettes qui se sont amenuisées à cause des déboires connus dans la mise en œuvre des réformes, ne suffisent plus pour combler le vide. D’où le recours permanent au bon de trésor. Chaque mois, le Bénin lance des avis d’appel d’offres pour l’émission des bons de trésor. Il suffit d’être un peu attentif aux annonces dans les journaux pour le constater. On peut donc comprendre, comment et pourquoi, le Chef de l’Etat d’un pays à économie fiscale comme le nôtre, peut continuer à payer les salaires pendant des mois même si la douane ne fonctionne pas. Avec un tel instrument de grande solidarité économique, le régime révolutionnaire de Kérékou n’aurait jamais tombé en cessation de paiement de salaires.