Deux générations, une seule chaîne

Arrêt sur image : Léhady Soglo, le premier adjoint au Maire de Cotonou et Mathieu Kérékou, ancien Président de la République côte à côte, la main dans la main. C’était le 27 août à Cotonou, à la cérémonie de lancement du transport urbain collectif par bus. 

Cette image forte a retenu notre attention. Bien au-delà de la cérémonie qui en a servi de cadre et dont il convient, cependant, de souligner l‘importance pour notre capitale économique.

Léhady Soglo et Mathieu Kérékou, c’est la juxtaposition de deux générations d’hommes politiques de notre pays. Léhady Soglo appartient à la génération de ces jeunes béninois qui ont déjà pris place dans l’antichambre du pouvoir. Ces jeunes piaffent d’impatience au portillon. Ils ne souhaitent qu’à atteindre le sommet de la montagne. Ils veulent marquer de leur sceau distinctif le destin du pays.

En Mathieu Kérékou se reconnaîtront tous ceux et toutes celles de la génération des hommes et des femmes qui, au terme de bons et loyaux services, quittent la scène publique. Ils ont été hier et à divers titres des acteurs majeurs. Ils ne sont pas devenus pour autant, aujourd’hui, de simples spectateurs.

Mais la question reste posée. Par rapport à la symbolique de la jarre trouée du roi Ghézo, quel degré de collaboration, de coopération entre ces deux générations ? Autrement dit, que font-elles ou que devraient-elles faire ensemble pour sauver le pays, en bouchant de leurs doigts les trous de la jarre ?

Beaucoup de jeunes déboulent sur la scène publique, avec la prétention de tout savoir et de tout pouvoir. Ils se montrent sévères envers les aînés, estimant qu’ils n’ont pas fait grand-chose, trouvant leur héritage maigre, sinon nul. Qui a dit que c’est au bout de la vieille corde que l’on tresse la nouvelle ? Pour nombre de jeunes, on ne saurait parler de vielle corde, du moment où, selon eux, il n’y a pas eu du tout de corde. C’est la tabula rasa des Latins, la table rase qui désigne l’esprit vide et nu avant qu’aucune connaissance n’y soit inscrite. Le Bénin à construire, c’est le désert à faire fleurir

Dans ces conditions, les aînés ne sauraient trouver grâce aux yeux de leurs cadets qui les accusent de tous les péchés. Entre deux générations, le divorce semble ainsi consommé. S’installe un pesant dialogue de sourds plein de non-dits et de sous-entendus. C’est la reconduction, à notre échelle et dans notre contexte, de la querelle des « Anciens et des Modernes ». Bref, c’est l’incommunicabilité totale.

Du reste, avant qu’on en n’arrive à ce bras de fer, des aînés se sont désolés de l’impatience, de l’impertinence de certains jeunes qui se croient sortis de la cuisse de Jupiter. Prêts ou non, bien préparés ou non pour assurer la relève, ces jeunes crient sur tous les toits que leur tour est arrivé. Une seule obsession les habite : dégager ceux qui, pour eux, n’ont plus rien à faire aux commandes. Ils doivent faire place nette et laisser le gouvernail aux nouveaux maîtres du temple.

C’est vrai que dans cette guéguerre entre anciens et nouveaux, certains aînés ne sont pas exempts de tout reproche. Parce qu’ils s’accrochent, bec et ongle, à leur siège. Parce qu’ils oublient de préparer la relève. Parce qu’ils refusent d’accompagner et de faire éclore les ambitions des plus jeunes. Parce qu’ils ferment la porte derrière eux, comme pour appeler le malheur sur leur suite : après nous le déluge !

Cet état des lieux des relations entre la génération des aînés et celle des cadets n’est ni forcé, ni caricatural. C’est la fidèle photographie d’une empoignade apparemment muette et silencieuse, mais aux conséquences incalculables pour le présent et pour le futur. Que nous resterait-il d’idéal, de valeur si nous devions vivre dans des sociétés dans lesquelles aînés et cadets se tapent dessus et se battent comme des chiffonniers ?

Revenons à l’image de Léady Soglo et de Mathieu Kérékou. Image rassurante de deux générations. La première, celle de l’ancien Président, en bout de course. La deuxième, celle de l’actuel Premier adjoint au Maire de Cotonou, Président de la Renaissance du Bénin (RB) sur la ligne de départ. La première passe le témoin à la deuxième qui poursuit la même course, en attendant, à son tour, de passer la main. Nous formons une chaîne. La force de celle-ci dépend de la solidité de chacun de ses maillons. Le contraire est tout aussi vrai.

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