Inconstitutionnalité de la décision de prélèvement par les GSM pour raison d’actions de solidarité nationale ou Le droit versus le social

La Cour Constitutionnelle a déclaré contraire à la Constitution la décision du gouvernement de procéder à un prélèvement de 25 francs CFA  sur les redevances des  abonnés GSM lors de la quinzaine de solidarité de 2011. 

Nous assurons d’emblée le lecteur que nous n’avons ni la compétence ni l’habilité nécessaire pour discourir sur ce verdict de la Cour qui du reste est sans appel. Si nous nous   permettons cependant d’en dire le mot du profane c’est tout juste en raison du fait que  nous crayons que la décision enraye l’élan de solidarité et  ferme  la voie à toute autre action dans ce cadre. Je dois avouer cependant que parler de chose dont on reconnaît ne pas être spécialiste a au moins cet avantage  que l’on peut se faire excuser aisément de toute dérive éventuelle.

Compréhension de profane

 

    A la lecture de la décision de la Cour, ma première réaction  a été de me poser la question de savoir pourquoi l’a-t-on saisi d’un tel sujet ? 25 francs pour soulager la misère de ceux qui souffrent ! 25 francs seulement pour une période déterminée de surcroît : 15 jours. Quelle a donc été la motivation des plaignants ? Ils étaient deux,  tous deux béninois. Simple exercice  d’intellectuel cherchant à se prouver ou volonté de marquer le droit dans un pays de  droit ou encore  intention délibérée de faire barrage à l’opération de solidarité pour une raison autre que d’ordre juridique ? Je me le suis  demandé vraiment avec un sentiment mélangé tout en m’efforçant de respecter l’opinion de  ceux-là mêmes  qui ont saisi la Cour.  Mais peut-être qu’en l’occurrence l’esprit a des raisons que le cœur ne connaît pas. Il s’agissait pourtant de porter assistance à nos frères les plus défavorisés pour 25 francs CFA seulement pendant seulement 15 jours. A quoi rythmait cette saisine ? Lorsque la Cour est saisie d’un requête,  elle nous dit le droit sans plus se préoccuper d’autre chose quand bien  même sociale, et c’est ce qu’elle a fait ; mais ceux qui l’on saisit en pareille circonstance auraient pu considérer la noblesse de  l’objectif et l’impact de l’opération sur la population en difficulté et laisser  le social prévaloir sur le droit  d’autant que la mesure prise est générale et non pas sélective ni discriminatoire et qu’elle ne lèse aucun intérêt particulier ; c’est une question de morale politique. 
       Toujours est-il qu’en lisant les périodiques nous avons compris que leurs argumentations étaient fondées cumulativement sur les faits que : D’une part le gouvernement n’était pas habilité à prendre telle décision de prélèvement dans la mesure où la Constitution stipule que c’est l’Assemblée nationale qui  vote la loi et consent l’impôt ; et que  les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des  impositions de toute nature sont du domaine de la loi. D’autre part que l’Exécutif a, non seulement dans le cas du prélèvement en question, déterminé le montant des taxes mais également les modalités de son recouvrement. Le profane, se grattant la tête, s’est alors posé la question de savoir si le prélèvement en question était une taxe susceptible d’être rangée dans  l’assiette de l’impôt. Dans son entendement tout le problème est là.

Elucubrations de profane

 

Profane que nous sommes, nous pensions  néanmoins que, théoriquement en tout cas, la taxe était  la contrepartie monétaire d’un service rendu par une personne publique. De toute évidence ce n’est pas le cas du prélèvement en question. Il est vrai que lorsque l’on s’enfonce dans les dédales de ce que disent les professionnels du  droit public et sauf mauvaise compréhension toujours possible de notre part, la taxe est définie comme un prélèvement obligatoire perçu d’autorité à l’occasion d’une opération mais qui ne constitue pas la contrepartie monétaire de ce service. Pour le profane c’est à perdre son latin. De plus, ajoutant à ma confusion  mon esprit m’avait  fait penser un instant que les taxes, outre leur caractère obligatoire et leur perception d’office, revêtaient un caractère essentiellement permanent et continu. Outre cela je m’étais mis à me demander si la taxe n’avait pas quelque chose  à voir avec la budgétisation éventuelle des recettes qu’elle procure ; mais c’était certainement pousser le bouchon trop loin. Il est en revanche évident  que l’opération de prélèvement dont il est question a non seulement un  caractère ponctuel mais encore est strictement limitée dans le temps. J’ajouterais qu’en tout état de cause, le prélèvement ponctuel n’est pas prévu spécifiquement dans la Constitution  pour être de la compétence de l’Assemblé nationale qui il est vrai consent l’impôt alors que pour le citoyen ordinaire, le prélèvement en question n’est en aucune manière un impôt ; il n’est pas non plus une taxe par défaut essentiellement  du caractère permanent y attaché. Il y aurait  donc un vide juridique dans ce domaine qu’au demeurant la Constitution n’interdit pas expressément à l’Exécutif de combler s’il estime que ce faisant, il œuvre dans  le sens de l’amélioration du bien-être du citoyen qui somme toute est l’objectif premier de toute politique publique saine. Par ailleurs le citoyen ordinaire, sans culture juridique étendue  aurait été plus sensible à  la décision prise si, nonobstant l’argumentaire juridique exposé, elle avait dénoncé son coté obligatoire et contraignant qui après tout approchait le prélèvement en cause de la taxe sans toutefois jamais  se confondre avec elle. L’abonné n’a pas été consulté et n’a pas donné son accord préalable au prélèvement: il y avait donc violation du contrat  qui le lie tacitement à la société GSM. Peut-être ai-je tout faux dans mon raisonnement ? En tout état de cause et sans  préjudice du respect de l’autorité de la chose jugée particulièrement par la Cour Constitutionnelle, la seule chose qui m’importe et que je crains c’est que sa décision ne  porte un coup fatal à toutes initiatives de solidarité d’autant que j’ai ouî dire  par des communicateurs qu’on n’avait pas besoin de telle action de prélèvement pour raison de solidarité  parce que le béninois serait naturellement généreux ou qu’on aurait pu avoir recours aux telétrons par exemple. Le hic, c’est que ces deux éventualités dépendent de la seule bonne volonté de chacun et qu’elles induisent intrinsèquement  des actions individuelles. Ce qu’il nous faut installer dans notre pays c’est  la notion de responsabilité collective induisant des actions de solidarité nationale comme cela existe déjà dans bien  d’autres pays. Ce que vise le prélèvement, ce n’est pas la  générosité mais  la solidarité nationale. La générosité est un acte individuel qui dépend du bon vouloir de qui le pose ; la solidarité participe de la collégialité et de la responsabilité tant mutuelle que collective. Priver le ministère de la Solidarité des prélèvements de participation à la solidarité équivaut à lui ôter un précieux outil de travail  pour remplir pleinement sa mission de solidarité qui, au demeurant, a une incidence résiduelle politique certaine sur le  renforcement de l’unité nationale.

Suggestions de profane

 

Avant toute chose il convient de savoir gré à la Ministre de la Famille d’avoir pris l’initiative de telle mesure  participative au niveau nationale. Peut-être devrait-on revoir la manière dont elle a procédé qui n’enlève rien à la noblesse de l’action. Peut-être le législateur pourrait  prendre l’option de faire de ces prélèvements une taxe régulière pour acte de solidarité nationale. L’on pourrait alors suivre la même procédure que pour la taxe levée  sur notre consommation d’électricité pour raison d’électrification rurale. Cette dernière taxe est collectée par la SBEE pour le compte d’une société tierce qui réalise l’objet pour lequel la taxe a été créée. Dans ce cas de figure le ministère de la Solidarité ne procéderait plus de son propre chef à des opérations de prélèvements ponctuels et limités dans le temps par le truchement d’un organisme tiers comme il l’a fait en 2011. La loi chargerait un organisme pour le faire à sa place et pour son compte  sur une base permanente après en avoir fixé le montant ; ce qui  lui donnerait de facto le caractère d’une vraie et régulière  taxe. Cet organisme pourrait être l’ensemble des GSM mais il s’agit de sociétés privées dont les activités peuvent prendre fin à tout moment et mettre à mal toutes les prévisions. Nous pencherions  plutôt pour une société stable et d’activité pérenne telle  la Société nationale des eaux du Bénin (SONEB) qui collecterait les prélèvements devenus taxes pour alimenter un Fonds national de solidarité sous la tutelle du ministère en question. Si nous nous inspirons du schéma suivi pour la taxe sur l’électrification rurale, la SONEB ou la société collectrice devrait reverser les taxes au ministère de la Solidarité par le truchement du Fonds de solidarité. La loi devrait alors permettre  au ministère d’en disposer de façon spécifique par décret pris en Conseil des Ministres. Dans cette éventualité il serait indiqué qu’elle   précise que le Fonds de solidarité ainsi constitué ne sera pas soumis au principe sacro-saint des financiers qu’est la non affectation des ressources autrement il se trouvera encore un malin plaignant  qui en saisira la Cour Constitutionnelle. De plus le législateur pourrait commettre la Cour des Comptes pour vérifier l’utilisation des fonds et rendre compte aussi bien à l’Exécutif qu’au Législatif. Nous faisons cette dernière proposition parce que l’on aura beau jeu d’objecter qu’il est hasardeux de laisser la gestion du Fonds à un ministère  qui n’est peut-être pas techniquement outillé pour le faire convenablement.  Peut-être  que pour éviter de  se disputer sur ce qui est taxe ou n’est pas  il suffirait tout simplement que la loi des finances autorise les prélèvements et précise qu’il seront réglementés par décret.  En tout état de cause il  conviendrait que ce genre d’opération de prélèvement initié par le ministère de la Solidarité soit autorisé d’une manière ou d’une autre, par une procédure ou une autre car outre son objectif premier, il entretient la solidarité nationale et la notion de responsabilité collective nécessaire à un développement authentique.  Le ministère de la Solidarité est le seul à jouer ce rôle résiduel dans la Nation et il convient de ne pas négliger cet aspect des choses car les forces politiques centrifuges ne sont jamais bien loin surtout par les temps qui courent. Au total  et à vrai dire c’est moins la décision de la Cour Constitutionnelle que sa saisine par deux plaignants nationaux qui ont crée la surprise et l’émoi dans mon esprit. Affaire de morale politique.

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