Au Bénin, depuis quelques semaines il n’est pas facile d’organiser une activité sur une place publique ou même privée pour critiquer les actions du président de la république. Ses partisans par contre se la coulent douce.
Sans parti pris. Mercredi 1er aout 2012. Le chef de l’Etat accorde dans le cadre de la célébration de la fête de l’indépendance un entretien télévisé dans lequel il se prononce sur les grands dossiers du moment. Réformes, coton, Pvi, dialogues politique et social, gouvernance, affaire harcèlement des hommes d’affaires. Concernant la naissance d’un Front unifié (société civile, syndicats, politiciens) contre le pouvoir, Boni Yayi avait menacé de mobiliser les siens du Bénin profond pour que «les deux camps s’affrontent». La tonalité du discours du chef de l’Etat et certains de ses propos ont créé un tollé général dans le pays. Mais l’exercice des réactions aux propos du chef de l’Etat est vécu de diverses manières selon que l’on veut critiquer ou encenser Boni Yayi.
Samedi dernier, à Parakou une rencontre de Karimou Rafiatou, membre de la majorité présidentielle devenue critique vis-à-vis du pouvoir depuis quelques mois a été empêchée, par, dit-on les forces de sécurité. A la tête d’une coalition de femmes politiques, cet ancien ministre devrait s’entretenir avec les femmes de la localité sur l’actualité politique nationale, notamment l’entretien du 1er août avec le chef de l’Etat. Le week-end d’avant, un meeting de l’opposition à Bohicon n’a pu se tenir faute de la délivrance d’une autorisation par les autorités. La plus marquante de cette série d’empêchements concerne l’Union fait la Nation, la plus grande alliance politique de l’opposition. Sa conférence de presse de réplique à des propos tenus à l’endroit de certains de ses membres par le président Boni Yayi qui devrait se tenir le vendredi 03 août a été empêchée. On se rappelle que des individus se réclamant partisans du président Boni Yayi avaient investi la salle de conférence. Cette conférence de presse s’est tenue quelques jours plus tard avec des mesures sécuritaires. Et tout comme à cette sortie médiatique de l’Union fait la nation, d’autres conférences organisées pour critiquer le discours de Yayi l’ont été avec la présence des forces de sécurité pour empêcher d’éventuelles perturbations.
Pendant ce temps
Il y a comme une discrimination dans la préservation de la liberté d’expression. Pendant que les conférences de presse ou meeting des proches du pouvoir se multiplient, celles des organisations qualifiées de « critiques » ou proches de l’opposition sont empêchées ou perturbées. A Cotonou, au chant d’oiseau au lendemain de la conférence de presse manquée de force de l’Un, un mouvement de jeunes partisans de Boni Yayi, les Jeunes Turcs de la République, avec à leur tête Lucien Médjico a librement réagi sur cette actualité nationale allant jusqu’à menacer de pendaison les opposants au régime Yayi. A Bohicon, les partisans de l’opposition n’ont pas reçu d’autorisation pour leur meeting alors que ceux du pouvoir ont organisé le même jour une marche de soutien. Le samedi dernier à Parakou où l’activité de Karimou Rafiatou a été empêchée, on apprend que les sympathisants de la Refondation ont organisé une marche de soutien au président de la république. Et comme ça le discours tenu par Yayi lors de son entretien, devenu historique du 1er aout, donne naissance à deux Bénin. Un où l’on peut librement prendre la parole. Et l’autre où il faut simplement se taire. Silence, ici on ne fait que l’éloge de Yayi !