L’appel à la Paix au Benin : un vain mot ou une évocation par ruse?

Je n’avais pas voulu réagir après la tragédie que les Béninois ont vécue le 1er Août 2012, dans la soirée d’une commémoration du 52ème anniversaire de l’Indépendance de notre pays, voulue sobre et pour cause.

Contrairement à de nombreux compatriotes, notamment les professionnels de la politique, je n’étais pas surpris de la prestation fleuve du champion du changement qui s’est mué en refondation depuis le K.O historique cinq années plus tard. Dans plusieurs de mes contributions à la réflexion sur le mal qui ronge insidieusement notre pays dans sa dignité et son âme tout court depuis ces cinq dernières années, j’avais déjà identifié le Président de la République comme le responsable principal, c’est-à-dire le problème lui-même. N’ayons pas peur des mots, les politiciens peuvent faire toutes les acrobaties possibles, les faits sont têtus et point n’est besoin d’être agrégé en Sciences Politiques ou économiques pour lire la réalité à laquelle les Béninois font face sous l’actuel régime.

Ceux qui ont fait le choix du mensonge et de l’hypocrisie ont le droit de poursuivre dans cette voie, fidèles à leur contrat politique avec celui qui a fait d’eux ses obligés. Mais ils devront concéder à ceux d’entre nous qui avons une lecture différente ou opposée de nous exprimer en toute liberté. C’est le sens de la démocratie et c’est cette option que le peuple béninois a faite à la Conférence nationale et consignée dans la Constitution du 11 Décembre 1990.

Sur cette base, je voudrais laisser l’interview du 1er Août du Chef de l’Etat dont tout le monde -y compris les thuriféraires -s’accorde désormais sur le style comme une ligne de défense contre ses contre-performances au sommet de l’Etat. Ce sont les autres qui sont responsables des échecs économiques et socio-politiques dans la gouvernance de notre pays. C’est aussi la crise qui n’a épargné aucun pays et qui pourtant n’a pas empêché les pays enclavés d’engranger une croissance plus forte que celle du Bénin, pays côtier, doté de ressources humaines de qualité qui ne demandent qu’à servir leur pays. Du reste, j’ai déjà largement démontré dans un article publié en Avril dernier, ma perception de la manière dont le pays est géré

Dans la démarche qui est la mienne ici, c’est plutôt les positions exprimées par des défenseurs zélés de la mouvance après ce qui est désormais convenu d’appeler le « pavé du 1er Août ».qui m’inspirent ces quelques lignes.

1. Quel sens donner à l’appel à la paix et à l’Unité nationale de l’UDS ?

S’il n’est jamais trop tard pour bien faire, il est cependant nécessaire de rappeler que certains compatriotes perdent par moments de vue, ce qui est essentiel à notre pays, à savoir, sauvegarder la paix et l’Unité nationale. Il est curieux qu’aujourd’hui, le Président d’un parti de la mouvance prône la paix et l’Unité Nationale dans une déclaration dont il s’est fendue quelques jours après la bourde du 1er Août au cours duquel de nombreux Béninois nommément interpellés en ont eu pour leur fête de l’indépendance.

On croyait rêver, car le peuple béninois n’a pas encore perdu la mémoire. Il faut en effet avoir la mémoire courte pour digérer un tel discours, un an et demi après l’expédition régionaliste conduite en personne dans la Donga par, la même personnalité, alors Ministre du Gouvernement du changement, en quête d’un nouveau mandat pour son mentor par un K.O imaginaire lors de la présidentielle controversée de Mars 2011. Le document sonore qui rend compte de cette cabale régionaliste contre une certaine partie du peuple et du pays est encore posté sur le réseau internet et pourrait être rediffusé largement si besoin est. Non ! Il faut cesser de prendre les Béninois pour ce qu’ils ne sont pas. Nous ne sommes pas des citoyens qu’on peut facilement opposer les uns aux autres, selon les circonstances et les intérêts du moment. En tant que citoyen de ce pays, j‘ai le droit d’exiger de cet Honorable des excuses publiques devant l’Assemblée Nationale qui symbolise la représentation du peuple. Le fait de chercher à tout prix un second mandat pour son mentor malgré le bilan économique calamiteux qu’on a connu ne saurait autoriser aucun citoyen épris de paix de justice et d’équité à faire ce qu’il est allé faire à Bassila, à la tête d’une importante délégation composée uniquement de personnalités originaires d’une région donnée du pays, avec un message qu’il faut vite oublier et qui selon ses dires lui aurait été confié par le Chef de l’Etat. Est-ce aujourd’hui un hasard que le Chef de l’Etat lui-même parle des « siens » ? Soyons sérieux et arrêtons avec l’hypocrisie en pensant que les autres sont bêtes. Personne n’est dupe et ceux qui brandissent la menace du péril régionaliste pour maintenir le pays dans l’état dans lequel il est aujourd’hui répondront devant l’histoire à leur propre progéniture de ce qu’ils ont fait de ce pays.

2. L’absence de guerre ne signifie pas la paix.

Des milliers de nos concitoyens passent la journée aujourd’hui sans pouvoir prendre les trois repas recommandés par jour, faute de les avoir pour eux-mêmes et pour leur famille. Se soigner est un véritable calvaire dans les formations sanitaires publiques dénuées d’équipement au point où le gouvernement a dû faire appel au secteur privé et autres bonnes volontés pour équiper les hôpitaux. Les résultats scolaires sont ce qu’ils sont, à la limite de la médiocrité sous un régime qui prône pourtant l’émergence. Malgré ce reculavéré dans l’histoire de notre pays, on clame que tout va bien et dénie aux Béninois qui ont une autre vision de la gestion des affaires publiques, le droit de critiquer la gestion chaotique en cours et de donner leur point de vue. Les nombreux décès infantiles et maternels dus à l’extrême pauvreté, la malnutrition, la faim, les milliers de jeunes sans emplois, des dizaines de milliers d’autres qui quittent prématurément l’école pour la rue ou pour rester des années encore à la charge de leurs parents, ne sont-ils pas victimes de la mal gouvernance et de l’écart qui se creuse entre eux et les nouveaux riches qui accaparent les deniers de l’Etat? C’est une guerre qui est livrée aux groupes vulnérables quand la mal gouvernance sévit à la dimension déplorée chez nous. Soutenir autre chose, signifie qu’on n’évoque la gouvernance que pour se satisfaire de la bonne consonance du terme ou pour faire plaisir aux partenaires techniques et financiers qui ont désormais tout compris.

3. Le KO, un « bis répétita placent »

Lorsque l’on soutient , comme le fait ce ministre important du gouvernement que l’opposition veut empêcher le président de la république de travailler, cela sonne comme un aveu d’échec . Ceux qui insinuent cela pour justifier leur piètre performance ,peuvent-ils nous expliquer comment les formations politiques de l’opposition qui tirent le diable par la queue, la société civile qui se cherche parce que largement divisée, des citoyens qui mangent difficilement et qui arrivent à peine à entretenir leur famille dans un contexte de morosité économique et de cherté de la vie, réussissent-ils à empêcher le pouvoir de travailler. Tout le monde sait que le Chef de l’Etat dispose dans notre pays de la plénitude du pouvoir exécutif, et exerce au vu et au su de tous, une influence incompréhensible sur toutes les institutions de contre-pouvoir pourtant bien consacrées comme séparées par la Constitution du 11 Décembre 1990. Une large partie de la presse serait sous contrat depuis des années pour chanter les louanges du régime et déifier son champion. Alors, par quelle magie des partis, associations, groupes ou individus pourraient-ils parvenir à empêcher le Président de la République de travailler. « La femme qui danse mal accuse sa poitrine trop forte » , dit l’adage populaire.

4. Le sursaut salutaire

Que soit acceptée ou non la proposition d’un dialogue national opportunément faite par différentes chapelles politiques associations ou individus, il est nécessaire que les citoyens épris de paix, de vérité, de justice sociale et de progrès pour leur pays maintiennent la veille et rejettent toute forme de compromission avec un régime en difficulté et incapable de formuler une réponse claire et satisfaisante aux préoccupations des Béninois. Un régime qui ne reconnait même pas qu’il y a crise et qui se satisfait d’un rapport du (FMI) doit être combattu avec les idées alternatives pour lui démontrer à quel point il a failli.et qu’une autre manière de gérer notre pays est possible.

C’est pourquoi les initiatives comme celles du Front Uni pour la sauvegarde de la démocratie doivent être encouragées, soutenues et multipliées pour que notre pays, ceux qui aspirent à exercer les plus hautes fonctions de l’Etat sachent qu’on ne peut s’amuser avec le destin de tout un peuple et revenir après un premier quinquennat de faillite sur tous les plans, lui dire que : « l’Homme propose, Dieu dispose ».

Coffi Adandozan
Economiste planificateur Lille France

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