Excellence Monsieur le Président de la République,
L’Histoire retiendra que c’est sous votre présidence de l’Union africaine qu’un leadership très fort a été affirmé par les Chefs d’Etat africains pour un nouveau modèle de riposte au sida en prenant conscience que « la dépendance excessive de la riposte au sida de l’Afrique vis-à-vis d’investissements, de médicaments et de solutions provenant de l’extérieur n’est pas viable dans la durée ». En effet, au 19ème sommet de l’Union africaine, les chefs d’Etat africains ont pris l’initiative de transformer la riposte au sida à travers la responsabilité partagée et la solidarité mondiale. Cette initiative est soutenue par une feuille de route qui repose sur trois piliers stratégiques : (i) Modèles de financement plus diversifiés, équilibrés et durables (ii) Accès aux médicaments – production locale et harmonisation des réglementations (iii) Leadership, gouvernance et supervision pour des ripostes durables.
Devant vos pairs et devant les caméras du monde entier, vous avez prononcé cette phrase qui restera dans les mémoires comme un référentiel pour un nouveau départ pour le continent en matière de lutte contre le VIH/sida : « L’Afrique est désormais prête à avancer un nouveau modèle de responsabilité partagée et de solidarité mondiale pour trouver ses propres solutions. »
Excellence Monsieur le Président de la République,
En tant que Béninois et acteurs de la société civile engagés dans la riposte au VIH/sida, nous avons tressailli d’émotion et avons été fiers que ce soit le Chef de l’Etat du Bénin qui ait porté ce nouvel engagement de l’Afrique pour un leadership africain plus responsable dans la riposte au sida.
Nous nous attendions, naturellement, de voir l’affirmation de ce leadership au plan africain opérer au Bénin et impacter votre responsabilité à la tête du Comité National de Lutte contre le Sida. Mais, un mois après le sommet d’Addis-Abeba, aucun signe ne montre qu’au Bénin « un nouveau modèle » sera appliqué pour améliorer la riposte au sida. Pas de déclaration, pas de réunion au sommet, pas d’instructions, rien qui puisse insuffler une nouvelle dynamique à la lutte au Bénin.
Pourtant, vous sembliez convaincu dans la tribune que vous avez ensemble publiée avec le Directeur Exécutif de l’ONUSIDA sur le site de Jeune Afrique le 25 juillet 2012, que «La riposte au sida est un investissement à long terme… » et que «c’est un investissement fructueux à travers l’augmentation de la productivité, la baisse des coûts de prise en charge de frais de santé et d’orphelinat, et la restauration de la dignité et de l’espoir.». Vous avez invité «les leaders africains à adhérer à cette «feuille de route» pour que les enfants du continent puissent grandir dans un monde sans sida».
Excellence Monsieur le Président de la République,
L’appel que vous avez lancé à vos pairs africains pour le continent est tout aussi pertinent que nécessaire pour le Bénin. Car notre pays a également besoin d’un « investissement à long terme » pour réussir sa riposte au sida. Les enfants du Bénin ont aussi besoin de « grandir dans un monde sans sida ». Sous votre leadership, la riposte contre le sida a tout autant besoin d’un souffle nouveau synonyme « d’augmentation de la productivité, de la baisse des coûts de prise en charge de frais de santé et d’orphelinat, et de la restauration de la dignité et de l’espoir ».
Depuis des mois, des acteurs de la société civile rassemblés au sein de la Coalition ARV n’ont cessé de vous envoyer des cris de cœur et des appels pour que vous affirmiez un leadership plus fort dans le cadre de la lutte contre le sida dans notre pays. La presse garde encore les échos de leurs cris de détresse. Mais, aucune suite favorable n’a été donnée à toutes ces complaintes qui vous demandaient de jeter un coup d’œil sur la riposte au sida au Bénin. La Coalition continue d’attendre que vous disiez un mot pour guérir le Comité national de Lutte contre le Sida, CNLS, paralysé et contre-performant du fait de ses problèmes de tutelle administrative et de financement de son fonctionnement. Votre leadership dont nous ne doutons point de la force fait malheureusement défaut à l’instance nationale de coordination de la riposte au sida que vous présidez.
Avec le Directeur Exécutif de l’ONUSIDA, vous avez rappelé les chiffres sur les ravages du sida sur le continent. A l’échelle du Bénin, les chiffres ne sont pas moins alarmants.
65 000 Béninois vivent avec le VIH/sida et près de 25 000 sont en attente du traitement indispensable à leur survie. Chaque année, ce sont 3 500 nouvelles personnes qui sont contaminées et qui rallongent la liste de ceux qui sont en attente de traitement, alors que de ce lot plus de 2 000 meurent chaque année. Pour 2012, le budget national n’a accordé qu’environ 150 millions pour l’acquisition des ARV pour des besoins estimés à 2,5 milliards de francs CFA.
Malgré cette situation alarmante aussi bien au niveau épidémiologique que de la mobilisation de ressources internes, les programmes financés par les partenaires sont contre-performants aux plans opérationnel et financier : pour sa première phase d’exécution, la subvention du round 9 du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est exécutée à moins de 25%.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Pour la riposte au sida, le Bénin a besoin de vous et du leadership que vous affirmez au plan africain. Le Bénin a besoin du nouveau modèle de riposte dont vous faites la promotion auprès de vos pairs africains. Le Bénin a besoin que son Président croit fermement, pour les enfants de ce pays, que « La riposte au sida est un investissement à long terme… fructueux à travers l’augmentation de la productivité, la baisse des coûts de prise en charge de frais de santé et d’orphelinat, et la restauration de la dignité et de l’espoir».
En espérant que l’engagement auquel vous appelez, à bon escient, vos pairs africains pour un nouveau modèle de riposte au sida, soit une réalité au Bénin, nous vous prions de croire, Excellence Monsieur le Président de la République, en l’expression de notre profonde considération.
Fait à Cotonou,
le 21 août 2012
La Direction exécutive de l’ONG CeRADIS