Une affaire de non respect d’un contrat de vente de plusieurs tonnes de riz entre une société américaine et deux sociétés béninoises pourrait faire perdre au Bénin son éligibilité pour un second compact Mca.
Querelles
Voici un différend commercial entre une entreprise américaine et deux entreprises béninoises qui pourrait coûter au Bénin l’aide financière américaine, notamment le Millenium challenge account (Mca). La société américaine est une entreprise de commerce et de traitement des grains opérant à travers l’Afrique depuis cinquante ans. Les deux sociétés béninoises opèrent dans le domaine de l’importation de riz. Selon des sources proches de l’entreprise américaine, le différend entre eux porte sur des « contrats non honorés » de vente de riz. Cela remonte aux années 2007, 2008 et 2009. Il s’agit d’environ cinq milliards de Fcfa, l’équivalent de plus de 100.000 tonnes de riz. En effet, ce serait, expliquent ces sources, au cours de ces années que deux sociétés béninoises ont convenu d’acheter auprès de la société américaine une grande quantité de riz. Mais au moment du paiement de la créance, les responsables des deux sociétés béninoises ont refusé de payer bien qu’elles aient reconnu les dettes. Mieux, la société américaine aurait gagné deux jugements favorables, en arbitrage et devant les tribunaux béninois.
Procédures
La première société béninoise concernée dans cette affaire serait dirigée par une dame qui aurait des entrées dans les arcanes du pouvoir. A son niveau, l’entreprise américaine revendique environ deux milliards de Fcfa, majoré des intérêts. Et pour le recouvrement de sa dette, la société américaine informe qu’elle a engagé une procédure d’arbitrage auprès de la Gafta, une organisation internationale du commerce basée à Londres et en charge des litiges portant sur le riz. Les deux parties auraient accepté de se conformer aux décisions de ce tribunal arbitral en matière de commerce de riz. « La Gafta a accueilli la revendication de la société américaine que celle du Bénin lui devait environ 2,1 milliard de Fcfa», indique une source proche de la partie américaine. Et pour le recouvrement judiciaire de sa dette au Bénin, l’entreprise américaine a saisi les tribunaux béninois. Ces tribunaux auraient appuyé la décision arbitrale de la Gafta. Malgré cela, les différentes tentatives de la société américaine pour recouvrer sa dette ont été vaines. Elle a alors commis des huissiers de justice pour saisir des biens appartenant à la société béninoise. Cela n’a pu être effective et arrêtée la promotrice béninoise a été aussitôt relâché. Dans le second cas, l’acheteur béninois a confirmé à plusieurs reprises sa dette de plus de 2 milliards de Fcfa. « Mais il a simplement et constamment refusé de payer », informe la société américaine. Qui constate que «dans cette affaire, les jugements en arbitrage et devant les juridictions béninoises sont mystérieusement sapés par ce qu’elle croit être un ‘protecteur’ haut placé, supposé être un fonctionnaire gouvernemental de haut rang.»
Médiation et menaces
Selon des sources proches du gouvernement béninois, le ministre du commerce a réuni récemment les différends protagonistes en vue du règlement de l’affaire pour préserver l’image du Bénin en matière d’affaires et de sécurité juridique. Mais cette entrée en cette de la ministre du commerce aurait été précédée par des menaces du congrès américain. Informés de la tournure que prend ce différend, des membres du Congrès américain auraient écrit à Daniel Yohannes, président du Millenium Challenge Corporation (Mcc) ainsi qu’au département d’Etat. A ce niveau, on apprend que le représentant américain du commerce intérieur se serait interrogé de savoir si «l’octroi d’une seconde subvention Mca au Bénin serait opportun. » Les membres du congrès auraient noté « des irrégularités qui se produisent au sein du système judiciaire du Bénin ». «La bonne gouvernance, la règle du droit et un engagement manifeste à lutter contre la corruption semblent faire défaut au Bénin.» Le Mcc, pour rappel, est un programme d’aide étrangère de l’Etat américain. Le Bénin a bénéficié d’un premier compact à travers le Mca Bénin. D’un montant d’un peu plus de 300 milliards, le gouvernement béninois avait mis en oeuvre ce programme à travers quatre volets que sont l’accès aux services financiers, l’accès au marché, l’accès à la justice et l’accès au foncier. En séjour au Bénin quelques semaines avant la fin de ce premier compact pour constater de visu les réalisations, Daniel Yohannes avait « déclaré qu’au Bénin, le Mca a trouvé un bon partenariat», comme pour marquer sa satisfaction. A juste titre, le Bénin a été déclaré éligible pour un second compact avec 11 points sur 20. Une éligibilité que le Bénin pourrait perdre s’il donne l’image d’un pays où l’environnement des affaires n’est pas assaini, où la sécurité juridique et la lutte anti-corruption n’est pas effective.