La figure du père est une réalité prégnante du psychisme humain. Contrairement à la maternité dont le rôle dans la reproduction de l’espèce se situe avant tout à un niveau charnel, la paternité n’a pas la même évidence biologique :
pendant longtemps, on n’avait aucune conscience et même une preuve empirique sur le lien entre la sexualité du mâle et la grossesse de la femelle, aucune certitude du lien entre un homme et l’enfant dont il est censé être le père biologique ; sauf qu’en tant que conjoint de la mère de par la loi du mariage, il lui revient d’assumer le rôle de soutien, de tuteur, donc de sécurisation de sa conjointe et de leur supposée progéniture commune. Le père est donc un bouclier indispensable à la survie de la mère et de l’enfant, et ce dernier bien sûr le perçoit comme tel. C’est la principale raison qui explique que dans toutes les religions païennes, le dieu tout-puissant (Zeus ou Jupiter chez les Gréco-romains, Tchango chez les Yoroubas et Hêbiosso chez les fons) épouse l’archétype de la foudre et du tonnerre, symboles par excellence de la puissance paternelle. Le Dieu Père du judaïsme prophétique et du christianisme n’est-il pas lui aussi l’archétype du père éternel, tout-puissant, terrible ou miséricordieux ? Or, tous les monarques pensent incarner cette figure du père, du dieu terrible et miséricordieux. Inutile de montrer la filiation entre les monarques impériaux ou royaux et le Président de la République contemporain, surtout dans l’Afrique des régimes présidentialistes. Aussi n’est-il guère acceptable que le roi dans nos anciens royaumes fon ou yorouba ou le président de la République de notre renouveau démocratique se mette en colère. C’est en l’occurrence le dieu-tonnerre qui tonne, et cela effraie et traumatise les sujets ou les citoyens ! Qu’on ne se consume pas ! Met-on généralement en garde le roi dans l’ancien royaume du Danhomê. Qu’on ne se consume pas ! Devrait-on dire au Président Boni YAYI quand ce premier août, il lui est arrivé de perdre son sang-froid et de se mettre à invectiver ses adversaires. Conséquence : il s’est déclenché une atmosphère de panique, de désarroi où tout le Bénin s’est plongé dans l’émotion, c’est le cas de le dire. Ceci dit, les citoyens béninois ont un devoir de révérence et de respect vis-à-vis de leurs Présidents de la République. Ce ne sont pas des punching balls ! En effet, nous avons tendance à oublier ce que représente l‘institution Président de la République, surtout dans un régime présidentiel comme le nôtre. C’est un véritable monarque qui dispose de pouvoirs régaliens : chef de l’Etat, chef du gouvernement, chef des armées, premier magistrat ! En plus toute une pléiade de prérogatives non écrites mais issues de la tradition, accompagnent la fonction présidentielle: premier citoyen, père de la nation, et j’en passe. Son épouse est la première dame. Comme il bénéficie de la dévolution du pouvoir qui relève de la souveraineté nationale dont le peuple est le seul dépositaire, nous devons prendre l’habitude de traiter avec déférence et révérence cette haute autorité qui est le symbole de toutes les autorités de la nation, aussi bien dans le domaine privé que dans celui des institutions publiques. Accepteriez-vous que vos enfants vous appellent à tout bout de champ par votre prénom ou votre patronyme ? SOGLO, SOGLO, YAYI Boni, YAYI Boni, KEREKOU, KEREKOU, voilà des appellations seulement indécentes. Monsieur le Président de la république ou le Chef de l’Etat, s’il vous plaît ! Car, toute autorité qui n’en respecte pas une autre et la détruit se détruit elle-même. Et toutes ces désinvoltures sont évidemment contraires à toutes nos valeurs endogènes et à celles que nous avons héritées de notre ancienne puissance colonisatrice : la France. Le respect et la révérence, ce sont les normes les plus généralement répandues dans ces deux milieux socioculturels. N’avons pas du mal à appeler un aîné par son prénom ? N’est-ce pas ce qui fonde chez nous l’appellation courante de doyen ou fofo ? Nous continuons d’appeler dada ou maman nos femmes d’un certain âge! Alors pourquoi, cette impolitesse lorsque nous parlons de (ou à) nos Chef de l’Etat ? Evidemment quand excédé, l’intéressé veut rappeler à l’ordre les impertinents et les irrévérencieux en leur disant de ne pas oublier à qui ils s’adressent (au Président de la République, s’il vous plaît), on sort le même carton rouge : c’est un dictateur ! Voire ! Pour être l’archétype de la paix sociale, version Général KEREKOU, le Président de la République devrait-il se murer dans un silence de Sphinx ? Alors là tout le monde l’apprécierait comme le père de la nation, rassurant et sécurisant. Sinon, panique dans la bergerie, pas vrai ?