Un acquis de paix et sa gestion : celui du développement et le cas du gaz domestique

Les acquis font la une des préoccupations dans notre pays ces derniers temps et l’on s’en fait un cheval de bataille. En leur nom que de choses revendiquées à bon ou mauvais escient ; que d’actions d’éclat dont on aurait pu faire l’économie dans un climat social apaisé !

 Les magistrats crient justice en réclamant la restitution de leurs acquis ; les hommes d’affaires engagent le bras  de fer avec l’Etat sous le même prétexte et les syndicalistes le traînent  devant les instances judiciaires internationales. Le tout baignant dans une atmosphère lourde au paroxysme d’une tension sociopolitique lancinante alimentée par toutes sortes de choses plus ou moins avouables néanmoins révélées par le Chef de l’Etat excédé et dépité en sa qualité de simple humain d’abord ; choses contestées de quelque manière par les mis en cause ; choses qui devraient en tout état de cause émouvoir et interpeller toutes consciences citoyennes quelque soit le côté où elles se positionnent. Les vieux démons refont surface à pas de velours et sûrement, la fragile  unité nationale se fissure déjà,  tous les ingrédients de mauvais augure sont déjà là.  Et il est grand temps que le Médiateur de la République et autres Sages de la Nation entrent en scène et fassent feu de tout bois  pour  calmer le jeu. Il y a péril en la demeure et chacun d’entre les citoyens que nous sommes tout autant que  les médias devenus si puissants et qui font et défont l’opinion, devraient s’en convaincre ; se garder de titiller et d’exacerber les passions au risque d’envenimer la situation. Dans ces disputes d’acquis somme toutes monétaires nous avons choisi de partager nos réflexions sur un acquis particulier, plus paisible celui-là et qui n’engendre aucun conflit : l’acquis de développement et sa gestion que nous fondons sur le marketing du gaz domestique.

Les acquis le développement : Que voulons-nous dire ?

C’est une évidence que dans nos esprits, la notion d’acquis s’associe naturellement et prioritairement à celle du social. Nous nous figurons les acquis sociaux  principalement en termes d’avantages salariaux obtenus suite à des mouvements sociaux que ce soit par voie de grève, de marche ou de sit-in. A la notion d’acquis s’associe également celle d’avantages politiques ; lesquels  peuvent être obtenus au prix du sang tout autant qu’au prix de la réflexion. La Révolution française réussie  au prix du sang a d’égal  notre Conférence nationale réussie au prix de la réflexion bien qu’ayant résulté, elle aussi, de tensions et de diverses frustrations en rapport avec le  non respect des droits citoyens fondamentaux. La révolution française est intervenue au 18 ième siècle au moment où la force primait en politique ; notre révolution politique est intervenue au 20 ième siècle au moment où la réflexion pouvait déjà conjurer et contenir la force. La révolution française de 1789 a généré des acquis politiques décisifs et la révolution industrielle du 19 ième siècle  des acquis sociaux. A n’en pas douter notre  Conférence nationale a généré des acquis politiques auxquels nous tenons comme la prunelle de nos yeux. Les acquis sociaux sont également loin d’être négligeables mais ce n’est pas le lieu d’en faire état.
Cependant les acquis ne sont pas seulement sociaux et politiques. Les acquis sociaux s’expriment fondamentalement en termes monétaires et accessoirement en termes de mieux-être ; les acquis politiques se définissent en termes de libertés publiques et individuelles. Mais les acquis peuvent également faire référence  tout simplement à des progrès de civilisation et cela ne  parait pas évident à nos esprits C’est le signe que nous avons implicitement et subconsciemment une  idée étriquée et insuffisante de l’acquis. Lorsque, à titre d’exemple, l’Etat a entrepris des actions pour amener la ménagère à utiliser le gaz butane et à délaisser le bois de  chauffe et qu’il a réussi l’opération de quelque manière, ce n’est ni  un acquis social ni un acquis politique, ni du reste un acquis en terme de production de biens; c’est un acquis de développement ; c’est une avancée dans le bien-être du citoyen, c’est un progrès de  civilisation. Cette  catégorie d’acquis qui ne s’exprime pas en termes d’espèces sonantes et trébuchantes mérite cependant que  nous la soutenions aussi  et que nous la préservions au même titre que  les acquis sociaux et politiques.

Défaut de  capitalisation des termes de référence  des acquis de développement

Le développement bien compris s’inscrit dans la durée et dans la continuité ; il ne peut être interrompu ni se faire en dents de scie ; il ne peut être statique ni figé autrement il n’y a pas développement. Engager et réussir des réformes de bien-être n’est pas chose aisée aussi est-il dommageable de laisser les résultats concrets  obtenus  se dégrader et s’envoler sans rien tenter de sérieux pour les retenir ni les capitaliser pour ne pas revenir à la case départ. A titre d’illustration, imaginons tout le travail de sensibilisation qui a été fait pour  amener nos mères à s’éloigner du feu de charbon de bois et pour les conduire vers la  modernité avec l’utilisation judicieuse des bouteilles de gaz butane. Considérons par ailleurs toute la campagne qui avait été menée en son temps en direction de la population et singulièrement en direction des bûcherons pour leur faire admettre les réels méfaits de la déforestation sur l’écosystème. Imaginons encore  le problème de santé que résout le passage du feu de charbon au gaz domestique.  Tous ces éléments ; ce sont des paramètres d’amélioration de la qualité de vie dont les effets devraient être définitifs pour s’inscrire dans la dynamique du développement. Capitalisons le tout  et mettons l’ensemble en balance avec la situation en dents de scie que connaît actuellement l’utilisation du gaz domestique considérée comme l’aboutissement, le résultat concret des paramètres d’amélioration de la qualité de vie telle qu’exposés ci-dessus. Aujourd’hui force est de constater que les augmentations successives du prix de la bouteille de butane laissé à la merci de la loi du marché, rendent ce produit inaccessible à la majeure partie de la population constituant ainsi le premier goulot d’étranglement de cet acquis de développement. A cela viennent s’ajouter les malencontreuses ruptures d’approvisionnement qui désorientent les ménagères. Alors les bûcherons reprennent du service et nos mères retournent progressivement au feu de bois ramenant à elles tous les maux dont elles souffraient : elles reviennent à la case départ. La quadrature du cercle ! Les termes de référence se sont érodés ; les campagnes n’ont pas été poursuivies ;   leur capitalisation n’a donc pas eu lieu et  le développement n’a pas été au rendez-vous comme il se devait ; cela en raison des ruptures incessantes du produit qui devrait concrétiser les termes de référence mais aussi de son coût trop élevé à l’achat pour le citoyen moyen.
Il importe alors, lorsque l’Etat arrive après beaucoup d’effort à un résultat aussi probant et à un acquis de développement aussi significatif de veiller à ce qu’il ne soit pas détruit. Le défaut de capitalisation,  le défaut de suivi est une tare de notre société. L’idée de capitalisation des acquis de développement  n’est pas suffisamment ancrée dans notre culture du développement. Au demeurant c’est  cela qui  explique tous les problèmes d’insuffisance de maintenance de tout ce que nous construisons  dans le pays ; absolument tout ce que nous construisons dans le pays. C’est cela aussi qui explique que les  décisions prises dans les différents rencontres, les Etats généraux ou les forums ne soient pas toujours exécutés. Nous avons franchement une propension à la fuite en avant. Notre jeunesse devrait être éduquée autrement et l’instruction civique, dans sa renaissance, a de beaux jours devant elle. 

Comment capitaliser nos acquis de développement :

En fait les acquis de  développement dans notre système économique devraient  être vus en double partition : celle du secteur  public et celle du secteur privé. Qu’est-ce à dire ?  Lorsqu’il a été question de soustraire nos ménagères des inconvénients majeurs de l’exposition prolongée au  feu du bois de chauffe, les démarches préliminaires relevaient du domaine de l’Etat d’autant que la situation impactait dangereusement la santé des ménagères et qu’elle  posait à ce titre  un problème de santé publique. Discursivement il lui appartenait de faire le travail de sensibilisation tant auprès des ménagères qu’auprès des bûcherons : c’était sa  partition et il l’avait bien joué. Encore que dans les pays plus outillés que le nôtre le secteur privé  entrerait directement en  scène, déjà à ce stade,  pour créer chez le consommateur, tout à la fois et de concert, le dégoût du bois de chauffe en même temps que  le besoin du gaz domestique. Une fois  l’étape de la sensibilisation assurée  et les mesures  connexes prises par l’Etat, le secteur privé se devait de prendre la relève.  C’est lui qui  commercialise  et vend le gaz ;  il convient donc qu’il entretienne le besoin  et l’utilisation permanente du produit que finalement l’Etat l’a aidé à mettre sur le marché.  Il lui revenait alors d’éviter tout  goulot d’étranglement du marché. N’est-ce pas bel exemple du partenariat Public-Privé que prône le Chef de l’Etat ?
Dans le cas d’espèce le goulot qui interpelle la responsabilité du secteur privé est la rupture de stock de réserve commerciale  et à plus forte raison, de réserve stratégique dans tout pays qui se respecte et se prémunie contre toute éventualité. Pour faire digression quelque peu mais à bon escient, je dirai bien  qu’il n’est pas normal que dans un pays où nous sommes déjà en proie à des difficultés d’approvisionnement en énergie électrique, l’on se trouve encore confronté à la pénurie de gaz domestique pour cuire nos aliments. Si nous souffrons en silence et en situation de résignation citoyenne  du manque d’énergie électrique, c’est qu’en définitive nous avons compris que  l’approvisionnement de cette énergie  ne relève pas de la société qui la distribue. Mais il est difficile d’accorder la même circonstance atténuante et de faire preuve de la même compréhension envers la société qui est maîtresse et le l’approvisionnement et de la distribution du gaz domestique. Il est vraiment pénible de s’entendre dire aujourd’hui que la  société en question en charge du secteur depuis si longtemps manque de bouteille a gaz à telle enseigne qu’elle soit obligée de s’approvisionner chez son seul et direct concurrent qui lui, en revanche, a besoin de son gaz. Situation rocambolesque, détruisant toute règle de seine concurrence que nous recherchons dans une société comme la nôtre. La résultante de tout cela c’est que le citoyen est par moments complètement privé de gaz domestique et la situation est d’autant plus dramatique  qu’il arrive qu’aucune des deux sociétés ne soit à même de lui  fournir le produit  en raison de leurs insuffisances réciproques.
Le second goulot d’étranglement est le  prix élevé qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Que faire en pareille circonstance ? D’abord l’on devrait comprendre que pour implémenter, pour asseoir durablement  un acquis de développement il faut le temps de l’adaptation ; le temps de  rendre le consommateur psychologiquement dépendant du résultat obtenu ; le temps que le réflexe de penser gaz lorsque l’on pense cuisson d’aliments soit acquis définitivement. Pendant ce temps le prix du produit  qui consacre et concrétise le progrès et partant, le développement devrait être fixé de telle manière qu’il soit abordable pour la majeure partie de la population en rupture avec l’imperturbable loi du marché de l’équilibre de l’offre et de la demande qui détermine le prix. Pour résoudre ce paramètre la collaboration des deux parties, public et privé, serait souhaitable.

Une subvention limitée et partagée

L’on pourrait imaginer que pendant ce temps d’adaptation soit appliquée une mesure de subvention pour compenser la différence  entre ce que serait le prix du marché et celui que les deux  parties estimeront convenables pour attirer et fidéliser le consommateur. Cette subvention devrait se faire en partage entre l’Etat et tous les importateurs du produit en question de façon solidaire à hauteur minimale pour l’Etat et maximale pour les importateurs. Disons dans les proportions de  10 et 90%. La contribution de l’Etat devra être perçue comme simple participation symbolique d’encouragement d’autant que la subvention que nous prônons participe en fait du marketing du produit et de la fidélisation du consommateur qui tous deux  relèvent de la société qui commercialise le produit; elle sera toutefois  limitée dans le temps pour ne pas porter atteinte au principe de la vérité des prix.
Au cours de son allocution du 31 Août veille de la fête nationale et de son  dramatique et controversé entretien  ‘’ A coeur ouvert’’ avec les journalistes le 1er Août , le chef de l’Etat, évoquant le partenariat Public-Privé a réitéré la constitution d’un cadre juridique dans lequel ce partenariat devrait se faire et pourrait faciliter une concertation permanente. Naturellement il appartiendra aux juristes et aux économistes émérites de se pencher sur la question. Nous nous permettons seulement d’ébaucher quelques uns des cas de figure qui pourraient, de notre point de vue,  entrer dans ce cadre. Aussi avons-nous déjà proposé  récemment dans ces mêmes colonnes deux articles intitulés respectivement : ‘’Une stratégie alternative de développement : la méthode du relais’’ et ‘’Contentieux commerciaux : enseignements et suggestions’’ avec comme point de mire le forum économique annoncé. Nous mettions alors l’accent sur les apports financiers respectifs des deux parties pour créer un produit  et sur les modalités qui devraient les régir. Dans le présent article nous avons mis l’accent sur la gestion concertée des acquis de développement  entre le public et le privé en amont et en aval de la création du produit. Vivement que ce partenariat voie le jour et surtout que l’on pense à y inviter, tout au mois avec le statut d’observateur, les grandes centrales syndicales afin que le citoyen béninois  puisse vivre en paix !!!

 

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