A l’école de la décentralisation

Un siège de maire n’est pas un trône. Le premier officier municipal qu’est le maire est un élu. N’étant pas investi par Dieu, comme dans une monarchie, le maire, au terme de son mandat, s’en remet à ses mandants. 

Il est alors sommé de répondre, tel dans le cadre d’un exercice de suivi évaluation, à la seule question qui vaille : « qu’as-tu fait des talents que je t’ai confiés ? ». Référence à la parabole biblique bien connue.

C’est déjà la veillée d’armes dans les 77 communes de notre pays. Les élections municipales s’annoncent. Elles sont prévues pour se tenir en 2013. Quel bilan après près d’une décennie de gestion communale ? Notre expérience de décentralisation est relativement jeune. Nous n’avons pas encore réussi à établir une solide tradition de gouvernance locale. La décentralisation n’a pas encore ses trente-deux dents. Elle finira, toutefois, par mordre sur la réalité du pays et s’imposer comme le passage obligé de notre développement.

Des communes sans grands moyens ont eu à faire plus et mieux que d’autres communes pourtant nanties et bien loties. Des maires ont su se valoriser, en valorisant leurs communes, grâce à un indiscutable leadership participatif et mobilisateur. D’autres maires ont adopté un profil bas, en rasant les murs. Ils se sont étouffés et ont étouffé leurs localités sous un éteignoir. Pour dire que nos 77 communes ne sont pas à loger à la même enseigne. Ici, diversité rime avec disparité. Et aussi avec inégalités. Quelles leçons convient-il de tirer, aujourd’hui, de notre expérience de décentralisation ?

La première leçon que nous tirons tient au fait qu’il n’y a pas eu de super maires. Dans le sens des maires qui savent tout et qui peuvent tout. La tendance générale est à l’apprentissage. Connaître les textes de la décentralisation est une chose. Connaître le terrain de la décentralisation en est une autre. Tous nos officiels qui s’affairent dans l’espace du développement à la base sont des apprentis. Le maire et ses adjoints. Les chefs d’arrondissement et les conseillers municipaux. Sans oublier les membres du personnel technique et administratif. Les uns et les autres ont encore un statut d’apprentis. Ils sont à l’école de la gouvernance locale.

Peut-il en être autrement dans un pays fortement centralisé comme le Bénin ? Un pays encore bien à l’aise dans le moule de l’héritage colonial français. Plutôt être au centre, à Cotonou, dans une position subalterne, que d’être en pole position à la périphérie, dans le Bénin profond. Qu’on s’en souvienne : le Bénin n’est pas allé à la décentralisation de gaîté de cœur. Il s’est trouvé de bonnes âmes pour le pousser dans le dos.

La deuxième leçon que nous tirons, c’est que la conscience citoyenne à la base est à naître. Les populations, dans les nouveaux cadres et espaces de responsabilités de nos communes, sont aussi en apprentissage. Elles n’ont pas encore suffisamment appréhendé leur rôle dans le veille citoyenne et dans le contrôle citoyen de l’action publique. Beaucoup se sont limités au rituel des élections sans se poser de questions sur le sens de leur suffrage. Savent-ils au moins qu’ils ont le droit d’être informés par leurs mandataires ? Ceux-ci ont vis-à-vis d’eux un devoir de reddition des comptes. Savent-ils au moins qu’ils ont un droit de regard sur la gestion communale ? Il leur revient de contrôler ce qui est fait et ce qui se fait en leur nom. Savent-ils au moins qu’ils ne peuvent se limiter à faire faire, côtoyant dans l’indifférence ce qui les concerne, ce qui les touche ? Ils doivent se résoudre à mettre la main à la pâte. Pour faire court : ils doivent participer.

La troisième et dernière leçon que nous tirons, c’est que la politique politicienne reste encore prépondérante, là où le développement devrait être le souci dominant. C’est vrai que la décentralisation n’a été, pour l’essentiel, au départ, qu’une simple délocalisation de nos querelles et rivalités. En lieu et place des compétences, nous avons transféré nos contradictions du centre vers nos communes. Les vieux routiers de la politique n’y ont vu que de nouveaux espaces à conquérir. Le complot permanent pour destituer les maires a occupé plus que l’effort permanent pour assurer le développement et vivre la démocratie au quotidien. Il reste qu’en dépit des retards et des ratés, nos espoirs sont intacts. Nous avons l’avantage du diagnostic. Nous avons le bénéfice du remède. La guérison nous sera donnée de surcroît. 

Première publication (24 Août 2012)

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