Des ‘‘salséro’’ béninois se retrouvent le samedi 15 septembre prochain à Cotonou pour un concert hommage au maestro Gnonas Pédro. Kèmi, Tata Grâce, Jospinto, Bayo Agonglo sont conviés par Gille Gnonas pour célébrer la mémoire de son père arraché à leur affection le 12 août 2004.
Ce n’est pas nouveau. Autrement, il n’y aura pas d’hommage ou d’évènement en mémoire du célèbre musicien béninois et membre du groupe Africando.
Depuis huit ans, les célébrations de l’anniversaire de la mort du “Salséro national“ Gnonas Pédro ont souvent –pour ne pas dire toujours- été sur initiative des membres de sa famille et de ses pairs musiciens. Ces derniers se plaignent toujours de ne se retrouver que tous seuls dans l’initiative, sans soutien de l’Etat béninois. «Huit ans après la mort de Gnonas Pédro, rien n’est toujours fait pour célébrer la mémoire de ce grand homme. De par ses mélodies, il a réconcilié des couples, renforcé l’harmonie des familles, instruit les populations au civisme et à l’engagement citoyen. Ses enfants sont livrés à eux-mêmes et rien n’est entrepris pour les aider ou tout au moins pour valoriser l’héritage de leur père. [..], au cours des funérailles du maestro, ses collègues musiciens avaient proposé l’attribution de son nom, soit au théâtre de verdure du Hall des arts, soit au Palais du Stade de l’amitié afin de l’immortaliser. Mais malheureusement, cela ne semble intéresser personne.» regrette une fois encore le président du comité d’organisation du concert du week-end prochain dans un quotidien de la place.
Malheureuse situation généralisée
Le cas Gnonas Pédro n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Les dates anniversaires de décès de ces Hommes de culture qui ont vraiment fait la fierté du Bénin à une époque donnée, passent pour la plupart sous silence outre les souvenirs en famille. C’est une situation générale au Bénin. Apparemment, les autorités béninoises en charge de la culture ont choisi de jouer la carte de la sourde oreille face aux nombreux mots de désolation au sujet de la célébration de la mémoire des acteurs culturels disparus notamment les artistes du Bénin. Certains artistes membres d’associations culturelles ont, à défaut d’une commémoration individuelle par artiste – ce qui serait d’ailleurs difficile à gérer-, proposé l’institution d’une journée nationale en mémoire des artistes disparus au Bénin. Mais là encore, c’est toujours un silence de cimetière qui règne dans le rang de ceux-là qui sont habilités à concrétiser ce rêve.
Que faire de la charte culturelle ?
Plus grave encore, c’est que c’est de leur vivant que les artistes béninois vivent dans les oubliettes. Leur mérite, leur talent ne sont jamais reconnus. Et pourtant, c’est un sort qu’ils ne méritent quand même pas. Que sera la culture béninoise sans des artistes béninois motivés pour leurs recherches et leurs œuvres combien instructifs? Nos artistes méritent plus d’attention. Une attention au-delà des soutiens financiers pour les festivals et autres activités culturelles événementielles. Le combat de reconnaissance que mènent bon nombre d’entre eux demeure depuis des années, est toujours sans suite favorable de la part de l’Etat béninois via le ministère de la culture, bien qu’il en soit un devoir pour le gouvernement. «L’Etat doit stimuler et encourager la recherche par l’octroi de subventions, de bourses, de crédits de recherches, d’aides à l’édition et par l’attribution périodique de prix spéciaux ou de distinctions honorifiques aux acteurs des travaux les plus méritoires» stipule la charte culturelle en République du Bénin. Cette charte sur ce plan semble être mise en veilleuse. Triste n’est-ce pas ?
Médecin après la mort
Pour mémoire, c’est seulement en avril 2008 que le gouvernement à travers le ministère de la culture a pris l’initiative de recevoir dans différents ordres de mérite national une cinquantaine d’auteurs, compositeurs et créateurs d’œuvres de l’esprit, et autres acteurs intervenant dans les activités artistiques et culturelles en République du Bénin. Malheureusement, l’initiative n’a pas été pérennisée. Aussi, deux artistes béninois ont-ils eu la chance d’être décorés de leur vivant par l’Etat en octobre 2011. Ils sont Vivien Gustave Gbénou alias Gg vickey et Théophile do Régo (El Régo).
La reconnaissance du mérite des artistes béninois n’est pas chose effective au Bénin si ce n’est que seulement dans les discours où l’on confesse leurs talents après la mort. Il y a de ces artistes béninois qui ont souffert dans leur lit de maladie sans aucun soutien de l’Etat. L’on semble attendre que la bibliothèque brûle avant de témoigner de sa richesse et de son importance dans la machine de valorisation et de promotion de la culture béninois. Trop tard !
Statut de l’artiste
Pour dédouaner l’Exécutif, certains partisans évoquent l’inexistence encore du statut de l’artiste au Bénin. Car, le statut de l’artiste est ce texte qui permet dans un pays, de reconnaître l’artiste comme un travailleur devant bénéficier d’un certain nombre de droits dont la protection sociale. Depuis bientôt deux ans, des actes officiels sont en train d’être faits pour disposer de ce document au Bénin. Entre autres, le conseil des ministres, en sa séance du mercredi 23 mars 2011, a adopté le projet de décret portant statut de l’artiste en République du Bénin. Un outil destiné à assainir le secteur des arts et de la culture au Bénin et à améliorer les conditions de vie et de travail des acteurs culturels. C’est un début de cette reconnaissance que méritent l’art et l’artiste dans la société. Seulement, le document, tel qu’il est rédigé ne fait pas l’unanimité au sein des artistes. Aussitôt sorti, le contenu du texte a suscité beaucoup de controverses dans le rang des artistes. Si certains pensent que c’est une coquille vide, d’autres avancent que le texte aurait été inspiré du statut de l’artiste d’un autre pays et ne tiendrait pas compte des réalités du monde culturel béninois. Et même si, on balayait du revers de main toute critique, le texte a encore du chemin à parcourir avant son application. Mais en attendant, il serait nécessaire que les voix les plus autorisées accordent un peu plus d’attention aux créateurs d’œuvres d’esprit.