L’unité africaine à petits pas

Ils sont tous morts les Pères fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine. Leurs héritiers que nous sommes, par la force des choses, célèbreront, l’année prochaine, le cinquantenaire  de l’entreprise panafricaine.

 Le 25 mai1963, en effet, à Addis Abeba, en Ethiopie, un bel arbre a été mis en terre. Il était accompagné de l’espérance que l’Afrique entière, dans la diversité de ses peuples, trouverait, à  son ombre, l’espace et les conditions de  sa renaissance.

Cinquante ans après cette belle profession de foi, l’Afrique n’a pas peu changé, dans un monde en mutation rapide. De grandes et belles idées ont pris corps. Elles ont  accompagné et rythmé la marche de tout un continent. Du Plan d’Action de Lagos à la Nouvelle politique de développement de l’Afrique (NEPAD) en passant par la Charte culturelle de Port-Louis, les Africains ont fouillé dans leurs têtes et ont secrété des concepts audacieux. Mais qu’en est-il de la force opératoire, de la capacité opérationnelle de ces concepts ?

Ne mâchons pas nos mots. Ne faisons pas non plus dans un optimisme béat. En cinquante ans, les grands-messes annuelles des Chefs d’Etat africains n’ont pas beaucoup fait progresser l’Afrique. De bonnes intentions, emballées dans de beaux discours, ont tout l’air d’un beau feu d’artifice. Et après ? La concentration de Chefs d’Etat, en un lieu, fait toujours grand bruit. Le  tam-tam des médias du monde ponctue de sa voix grave ces grands rassemblements. Mais sans plus ! 

Les politiques, les cadres techniques peuvent trouver leur compte à ce jeu qui fait d’eux des voyageurs au long cours. Ils sont toujours entre deux avions. Ils passent plus de temps dans une chambre d’hôtel que dans leur lit. Les peuples africains ne se retrouvent point dans l’unité africaine des cols blancs. Vision différente. Intérêts divergents. Objectifs contraires.

Les peuples africains sont d’un pragmatisme pur et dur. Ils ne se laissent ni émouvoir ni impressionner par des discours flamboyants, des va-et-vient incessants. Ils veulent des résultats. Les peuples africains sont des écorchés vifs. Ils ont été si souvent trompés et bernés qu’ils ont développé des anticorps contre les mensonges des politiciens, le prêchi-prêcha des bonimenteurs et charlatans en tous genres.

Reconnaissons-le : la première mi-temps du match de l’unité du continent est infructueuse. L’Afrique, au cours des cinquante dernières années, n’a point bougé. Les sommets des Chefs d’Etat n’y ont rien pu. C’est beaucoup de bruit pour rien. L’Afrique n’a pas enregistré d’avancées significatives, malgré les grandes déclarations et pétitions de principe. L’Afrique n’a pas su dégager un leadership visionnaire, nonobstant les projets pharaoniques et à milliards qui s’affaissent vite telles des pyramides en papier.

Abordons la seconde mi-temps, celle du prochain cinquantenaire avec un état d’esprit nouveau. Et c’est la nature qui nous tend généreusement la main, nous offrant les ficelles et les recettes nécessaires pour mener à bien cette nouvelle aventure. La nature, en effet, à travers ce proverbe bien connu, prescrit ce qui suit (Citation) : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières » (Fin de citation) Alors question : sur quelles petites initiatives pouvons-nous compter pour créer, à la fin, un courant  puissant, capable d’entraîner l’Afrique dans la dynamique irréversible d’un continent uni et fort ?

Cela n’a l’air de rien : supprimons tous les barrages inutiles sur les axes routiers interafricains. C’est la libre circulation des idées, des personnes et des biens. Ce sont tous les nids de rackets et de rançonnements  qui sautent.

Cela n’a l’air de rien : supprimons les visas pour tous Africains qui voyagent en Afrique. C’est l’Africain qui cesse d’être un étranger en Afrique. C’est un acte de reconnaissance symbolique qui réconcilie l’Africain avec son continent.

Cela n’a l’air de rien : institutionnalisons des colonies de vacances à l’échelle de tout le continent. C’est un nouvel Africain qui parle désormais d’une Afrique qu’il connaît et  d’Africains devenus ses frères et ses sœurs.

Cela n’a l’air de rien : promouvons, après études et sur la foi du consensus le plus large, une ou deux langues africaines. C’est l’Afrique qui se parle, clair et net, hors de tout non-dit et de tout  malentendu, consciente, comme l’indique l’un de ses proverbes  que « La langue qui fourche fait plus de mal que le pied qui trébuche».

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