Le Bénin a-t-il changé d’option économique pour faire face à la crise? Si officiellement depuis 1990, c’est le libéralisme économique, le Chef de l’Etat semble s’accommoder à une autre qui se glisse furtivement dans les manières de faire et les discours.
Depuis quelques mois, le Bénin donne l’impression de s’engager sur une impasse économique. Le pays fait semblant de mettre de côté le libéralisme économique choisi à la conférence nationale de Février 1990 et s’engage dans les sentiers tortueux du socialisme. Si cela n’est pas dit officiellement, le discours tenu ces derniers temps-ci par le Chef de l’Etat lui-même semble bien faire la promotion d’une nouvelle économie où les opérateurs économiques ne sont plus les bienvenues. Les déboires connues par Patrice Talon, Sébastien Ajavon et consorts en sont des illustrations patentes de ce que le président Boni Yayi voue aux gémonies les opérateurs économiques taxés de gagner trop d’argent sur l’Etat. Tous deux ont été persécutés de diverses manières par le gouvernement. Pour le premier, c’est une résiliation unilatérale de tous les contrats commerciaux qui le lient à l’Etat alors que le second est victime d’un harcèlement fiscal. Que dire aussi des nombreux autres opérateurs économiques anonymes qui, persécutés fiscalement ou sevrés de marchés ou endettés par l’Etat ont mis la clé sous le paillasson et laissé des milliers d’employés aller grossir la masse des chômeurs de la république. Et comme si cela ne suffisait pas, le Chef de l’Etat, lors d’une cérémonie de pose de première pierre d’une école à Dogbo le dimanche dernier, déclare officiellement que la construction des écoles et des infrastructures sociocommunautaires revenait trop chère à l’Etat et que désormais, ce sont les populations elles mêmes qui vont contribuer à la construction des écoles et des infrastructures communautaires par leurs dons en nature et la mise en disponibilité en ressources humaines. Dans une telle architecture économique, les entrepreneurs et les opérateurs économiques ne sont plus trop sollicités. Ce sont les communautés elles mêmes qui vont s’occuper de leur développement. En récapitulant, on peut percevoir les caractéristiques de ce régime où l’Etat et les communautés ont une forte emprise sur les activités économiques. Les entreprises privées seront sacrifiées.
Le bis repetita de la révolution
Aux temps forts de la révolution, l’Etat a tout nationalisé : les sociétés, les entreprises, les domaines…Aucune place n’était accordée à l’initiative privée. Il fallait « compter sur nos propres forces », sur les « masses laborieuses de nos villes et de nos campagnes ». Le discours qui se tenait faisait passer les opérateurs économiques pour des « commerçants véreux ». Aujourd’hui, ils sont qualifiés de « non vertueux ». Les actes du Chef de l’Etat tendent à nous ramener à cette époque et à ce modèle économique qui a fait long feu et dont on a proclamé le requiem à la conférence nationale en optant pour le libéralisme économique. Cette attitude est pourtant paradoxale lorsqu’on sait que le Chef de l’Etat, le premier ministre et bon nombre de ses ministres sont issus des institutions financières internationales et connaissent bien les notions basiques de l’économie de marché. Sinon, on se demande comment un pays à économie fiscale comme le Bénin peut trouver les ressources lorsqu’il travaille pour torpiller les initiatives privées. Tout se passe aujourd’hui comme si le Bénin a choisi un nouveau modèle économique qui s’apparente au capitalisme d’Etat prôné en Chine et dans certains pays socialistes. Comment dans ce cas, peut-on mobiliser les impôts lorsque l’Etat lui-même travaille pour priver les entreprises de travail ou même pour les empêcher d’exister ? Comment pourra-t-on gérer le problème de chômage lorsque les rares créateurs d‘emploi sont contraints à fermer leurs structures ? Autant de questions qui amènent maintes personnes à se demander si le gouvernement a simplement choisi de liquider le libéralisme économique au profit d’un nouveau système politique dont les contour son encore flous.
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