Peut-on s’habituer au mal ? Malheureusement oui. Nous sommes formels. On s’habitue au mal quand il finit par passer pour une chose ordinaire et vécue comme telle. On s’habitue au mal quand on finit par s’en accommoder sans se poser trop de questions.
On s’habitue au mal quand on chemine avec le mal, de jour et de nuit, comme on le ferait avec un fidèle compagnon.
Le mal, ici, ce sont les coupures intempestives de courant électrique. Nous avons appris à nous en accommoder, voire à les anticiper. C’est quand nous ne sommes pas privés d’électricité que nous nous interrogeons. Quand on vit sous l’état d’urgence de l’électricité, la norme fait problème, ce qui aurait dû aller de soi tient alors de l’exception.
Mercredi 26 septembre 2012. Il sonnait un peu plus de 21 heures quand survint une panne d’énergie électrique à l’aéroport international Bernardin Gantin de Cotonou, aussitôt plongé dans le noir. On peut s’étonner qu’une zone ultra sensible comme l’aéroport, le seul que nous ayons, ne soit pas une zone d’exception. Une zone affectée de zéro panne d’énergie électrique. Un mal constant et permanent est à l’image d’un cancer. Il se métastase, c’est-à-dire qu’il se dissémine de sa localisation initiale vers d’autres tissus.
Dans un tel contexte de mal général et généralisé, l’aéroport ne peut être une exception. Il est un espace comme un autre. Il est logé à la même enseigne que tous les autres espaces. La lumière peut lui être retirée à tout moment. Tout comme on vous en prive, partout où vous êtes, à n’importe quelle heure du jour comme de la nuit.
Mais l’abomination de la désolation, c’est que l’aéroport lui-même, bien que sous menace permanente, n’a apparemment pris aucune disposition pour parer au plus pressé et contrer le mal. La panne a duré quelque 10 minutes. Mais aucun générateur, aucun groupe électrogène n’a été ou ne s’est mis en route. Tous ceux qui se trouvaient sur place, dans les halls « Arrivée » et « Départ », dans la salle d’embarquement, dans les bureaux, dans l’espace « Free Shop », bar et restaurant étaient contraints de prendre leur mal en patience. Ils ont dû boire le calice de leurs malheurs jusqu’à la lie.
Passe pour la Société de distribution de l’électricité. A force, il n’a plus mal de nous faire mal. Nos habitudes les mieux ancrées sont à l’image de nos mauvaises odeurs : nous ne les sentons plus. C’est le premier degré du mal. Mais voilà que l’aéroport qui aurait dû se prémunir contre le mal, s’en fait le relais actif. C’est que la force de contagion du mal est sans égale. Elle agit comme un aimant puissant qui vous fait aimer puissamment le mal. Et c’est ce qui est arrivé ce mercredi 26 septembre 2012 à l’aéroport international Bernardin Gantin de Cotonou. C’est le deuxième degré du mal.
Il y a un troisième degré du mal. A tenir pour le stade suprême de la gaffe. Les sièges sociaux de cette tare trouve souvent à se loger dans les Républiques bananières, dans les contrées sous-développées.
• Gaffe, parce que depuis ce malheureux incident, il n’est venu à l’idée de personne de manifester une quelconque forme de regrets en rapport avec le préjudice causé à des tiers. Ni la Société de distribution de l’électricité, ni la Société commise à la gestion de l’aéroport de Cotonou n’ont présenté la moindre excuse. La politesse et la bienséance ne s’allient que pour faire bon ménage.
• Gaffe, parce que depuis ce malheureux incident, aucune démission d’un quelconque chef, en relation avec la gravité du mal, n’a été ni annoncée ni enregistrée. Ici, on rechigne à mettre tout le poids de sa fonction dans la balance quand les circonstances l’exigent. Ailleurs, quelqu’un aurait déjà rendu son tablier, en démissionnant avec perte et fracas. Ici, on ne connaît ni ce sursaut d’orgueil ni ce sens des responsabilités. On préfère faire un pied de nez au bon sens, comme pour dire qu’on ne change pas une équipe qui gaffe !
• Gaffe, enfin, parce qu’il semble qu’on n’a tiré aucune leçon de l’incident. Que nous sachions, aucune résolution n’a été prise pour que l’incident fâcheux de ce 26 septembre 2012 ne se renouvelle plus. Dans le pays où l’on est rendu à cette extrémité, la gaffe est banale, la gaffe est banalisée. La gaffe d’aujourd’hui appelle la gafe de demain, dans un cycle répétitif sans fin. Rendez-vous est pris. A nous revoir donc à la prochaine gaffe.
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