Lettre à mon frère (07 sept 2012)

Mon cher, on évoquait dernièrement la tristement célèbre Liste électorale permanente informatisée (Lepi), pour constater avec amertume que les «experts électoraux», comme des vautours, se sont agglutinés autour de ce qui à l’évidence, a vécu et ne mérite qu’une sépulture discrète. 

On raconte chez nous ici dans une forme de style singulière que «le cadavre attire la foule». La foule et les mouvements de foule, c’est justement ce qu’il faut craindre avec les manœuvres de nos experts-maison qui exigent comme la dépouille de cette Lepi, pour en constater véritablement le décès ou la vacuité du contenant qui était censé nous procurer de la poudre d’or en matière électorale. La démarche peut s’expliquer par la nécessaire précaution rendue incontournable du fait de l’exception de la bonne foi chez l’une des parties en présence. Seulement, cette Lepi là est un macchabé qu’on tient à faire passer pour de l’existant. Alors, mon cher frère «l’expert», tu dois t’attendre à ce qu’on te colle le cadavre puisque tu l’auras découvert pendant que l’auteur du crime soutient de façon cynique que sa victime vit toujours.

En effet, mon cher frère, «l’expert», lorsque par extraordinaire on accepterait de t’ouvrir le placard de la Lepi, pour que tu fasses tes «vérifications» ou «corrections» comme tu les appelles, elles déboucheront irrémédiablement sur un contentieux que les juridictions compétentes n’ont pas les capacités de gérer avant les élections municipales qui sont dans moins de sept mois. Pour mémoire, notons que des contentieux nés des municipales de 2008 demeurent encore pendant devant la Cour suprême à cette date. Or comme on doit s’y attendre avec le contentieux de la liste électorale qui implique la question préjudicielle de l’état-civil que le seul juge administratif ne peut trancher entièrement, on s’achemine de façon inéluctable vers des délais encore plus longs.

Oif

Devra-t-on alors attendre le règlement du contentieux électoral avant l’organisation du scrutin ou prendre la décision de radier de la liste tous ces 2,2 millions d’individus qui sont inscrits sans aucun document et que relève le rapport de la mission d’évaluation de l’Organisation internationale de la francophonie (Oif)? Qui prendra alors la responsabilité de l’une ou l’autre de ces mesures? Qui sera responsable des troubles qui pourraient découler de cette situation? Certainement pas le pouvoir qui pourtant aurait pu l’éviter en faisant simplement appliquer les dispositions de l’article 64 de la loi 2009-10 en réponse à cette remarque de la mission d’évaluation sus citée qui constate que «le minimum aurait été La présence d’un officier assermenté (officier d’état civil) pour certifier l’identité des personnes se présentant sans document d’identification ou l’organisation d’audiences foraines pour leur fournir des documents au préalable»

Cela n’a pas été fait et nous avons une Lepi qui compte 2,2 millions d’individus inscrits sans aucune pièce d’état-civil alors que la même mission de l’Oif souligne par ailleurs ce qui suit : «Ainsi on note que les effectifs de personnes recensées lors du Recensement porte-à-porte sont supérieurs à l’estimation nationale de la population des 8 ans et plus, des 12 ans et plus et des 18 ans et plus ; ils représentent respectivement 106, 108 et 111 % de la population estimée en 2011. Ce constat est signe :

• soit d’une sous-estimation des projections de population de l’INSAE,

• soit de la présence d’inscriptions multiples lors du RPP provenant de la population ou provenant d’erreurs lors de la saisie des données,

• soit de personnes recensées lors du RPP mais non béninoises.»

Non Béninois

Sans aller dans les considérations statistiques, comment peut-on seulement envisager ou qui plus est, admettre les deux dernières et surtout la dernière hypothèse avec tous les mérites qu’on nous chante sur la Lepi, un machin qui nous a coûtée plus de 44 milliards de nos francs?

Mon cher frère, on n’a pas perdu le Nord. La Lepi a pu exister le temps d’un rêve. Au plan juridique, elle n’existe pas au regard de la loi 2009-10. La dite loi qui n’est pas abrogée en détermine les conditions d’existence. Et c’est justement cette loi qui nous apprend au terme de ses articles 4, 6, al 1er, 11, 23, 24, 25, 26 27, 28, 29, 30, 31, 32, 64 et 65 que la Lepi n’existe pas. Il est vrai, mon cher frère, qu’avec l’adoption de cette loi et la mobilisation de fonds subséquents pour sa réalisation, on avait des raisons de penser que la Lepi ne pouvait que voir le jour. Mais c’était en fait compter sans son plus proche détracteur que tu connais comme tout le monde d’ailleurs. La Lepi n’aura donc jamais été qu’un éléphant blanc, un gouffre à sous, une occasion de plus pour gaspiller nos maigres ressources dans un pays où nombre d’enfants se rendent à l’école pieds nus, à peine vêtus de loques censés tenir lieu de vêtements qui naturellement ne les protège ni du vent sec de l’harmattan, ni de la brise du matin.

Mon cher frère, il faut laisser dans son placard, cette Lepi fantôme et passer rapidement et de façon réaliste au regard de nos moyens, comme le soulignent des frères qui ont encore la tète sur les épaules, à l’établissement d’un fichier d’identification national à vocation multiple, y compris naturellement électorale. On peut en reparler si tu le veux bien.

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