Convoqué au commissariat pour ses propos à l’endroit du pouvoir : Me Lionel Agbo libéré après 11 heures de garde à vue

(Il  est devant le procureur ce lundi) Convoqué au Commissariat central de Cotonou dans le matinée de ce vendredi pour offense au chef de l’Etat, Me Lionel Agbo, avocat, ancien conseiller du chef de l’Etat et ancien porte-parole du président de la république, est resté aux mains des policiers jusqu’à 19heures. Récit d’une folle journée à suspense.

 «Ohohohohohohoh, victoire, victoire, victoire !!!… »Comme des supporters manifestant leur joie après une épreuve victorieuse de leur équipe c’est là,  le cri poussé par la foule présente devant le Commissariat central de Cotonou dans la soirée de ce vendredi 21 septembre à la libération de Me Lionel Agbo. Il sonnait 19 heures 34, heure de Cotonou, quand Me Agbo, arrivé au commissariat ce même jour peu avant 8 heures du matin, est apparu à l’entrée principale du Commissariat central, tout de noir vêtu (pantalon et chemise), sourire aux lèvres. En sa compagnie, le commissaire central, Louis Philipe Houndégnon et Me Patrick Tchiakpè. Sur le terre-plein central de la route à double voie qui passe devant le commissariat, il s’accorde un bref  bain de foule, quelques accolades, puis embarque à bord d’une voiture de marque Peugeot 3O7 immatriculée AN 9665. Destination :son cabinet d’avocat rouvert de puis sa démission de son poste de conseiller  du président de la république, sis à Sikècodji où il a donné rendez-vous à la foule. (un quartier en plein cœur de Cotonou). Au démarrage de la Peugeot, des applaudissements frénétiques de la foule en liesse. Devant l’imposant immeuble  qui abrite son cabinet, en présence de ‘ses partisans’ qui scandent « victoire, Agbo président… », la presse, et d’autres curieux, Me Agbo, l’air essoufflée sort un «grand merci». Dans une brève intervention, plusieurs fois interrompue par des appels téléphoniques de félicitations et d’encouragement, il «remercie tous ceux qui l’ont soutenu.», s’excuse et promet à ses ‘’partisans’’ une rencontre dans les jours à venir. Quelques accolades, il remonte à bord de la Peugeot. Direction? Sa résidence familiale, informe un des ses proches.

Vice de procédure

De sources concordantes, on apprend que cet avocat-politique a été convoqué pour s’expliquer sur une plainte déposée contre lui par le palais de la présidence de la république pour offense au chef de l’Etat. S’étant senti touché par des propos tenus par Me Agbo au cours de sa conférence de presse du mardi 18 septembre, le chef de l’Etat et son entourage (ses conseillers) auraientt décidé de porter plainte contre l’avocat pour offense au chef de l’Etat. Se prononçant sur l’actualité nationale face à la presse au Codiam, Me Lionel Agbo avait dénoncé la «grande corruption autour du chef de l’Etat» et affirmé le président Yayi «sait que je sais qu’il sait que je sais qu’il sait». Sur le plateau de la télévision nationale ce mercredi, Joseph Tamégnon, Conseiller spécial à l’économie du président de la république a martelé que Me Lionel Agbo devrait fournir les preuves de ses déclarations. Et Me Agbo a reçu dans la soirée du jeudi 2O septembre une convocation du commissariat central lui demandant de se présenter le lendemain matin. Approché après sa garde à vue, Me Lionel Agbo évoque un vice de procédure. « Je n’ai rien déclaré. La procédure est viciée », a déclaré l’avocat. Parlant de procédure, des observateurs font remarquer qu’en matière d’offense au chef de l’Etat, le commissariat de police n’est pas compétent. Il faut une citation directe avec présentation du présumé coupable au juge. Et les plaignants de Me Lionel Agbo entendent reprendre la procédure ce lundi, apprend-on de sources proches de l’avocat.

En direct !  

Selon des témoignages, c’est un peu avant 8 heures, 07 h 50 selon un témoin « oculaire » que Me Lionel Agbo est arrivé  au Commissariat central de Cotonou ce vendredi 21 septembre 2O12. La nouvelle de sa convocation ayant été annoncée par la presse, de nombreux citoyens se sont déplacés vers le commissariat central pour ne pas ce faire conter l’évènement inédit. Dans la foule, à l’entrée du commissariat, des personnes de tous âges et de divers catégories socio-professionnelles. Femmes, hommes, enfants, jeunes, vieux, personnalités politiques de l’opposition, députés de l’opposition, responsables de centrales syndicales, journalistes –pour traquer l’information- zémidjans, mécaniciens etc. « Pour des raisons de maintien de l’ordre », la police ferme la chaussée la plus proche du commissariat et renvoie la foule au côté opposé. Conséquence, embouteillage sur la seule chaussée ouverte à ce niveau. Les heures passent. Le soleil monte progressivement au zénith,  la fraicheur de la matinée commence à laisser place à la chaleur de la mi-journée. Il est 11heures. Déjà trois heures que Lionel Agbo est au commissariat. Impatiente, la foule se met à scander «libérez Agbo, libérez Agbo, libérez Agbo.» Très vite, elle est calmée par des agents de la police.  

On meurt ensemble

Pendant ce temps, un autre scénario se joue à l’intérieur du commissariat. On apprend que le commissaire central, les services compétents du commissariat et Me Lionel Agbo ont ensemble ont visionné la vidéo de la conférence de presse objet de l’interpellation.. Ils n’auraient entendu propos graves dans les déclarations faites par l’ancien proche collaborateur du président Yayi. Il est 13 heures. Cette vidéo aurait été envoyée au procureur pour avis. La chaleur s’installe. La foule est moins  impressionnante que celle de la matinée. Parmi ceux qui sont restés sur place, chacun prend ses dispositions pour se protéger du soleil. Certains se sont abrités sous les hangars, d’autres sous un arbuste. Ceux qui n’ont pu trouver un endroit pour se mettre à l’ombre, sont restés sous le soleil. Par petits groupes, ils s’adonnent aux débats et commentaires. Sur les visages, on peut lire diverses expressions. Fatigue, incompréhension, indignation. Quelques unes des personnalités présentes, ont leur cercle à eux. Dans le lot, entre autres personnalités importantes, le professeur  Antoine Détchénou ,(78 ans fêtés récemment) président du Front citoyen uni pour la sauvegarde des acquis démocratiques, Eric Houndété, Basile Ahossi  tous deux ,  députés de l’Union fait la Nation, Richard Senou, ancien ministre, d’un des gouvernements de Yayi I,  Amissétou Affo Djobo, ancienne députée, membre de l’alliance Abt, Dieudonné Lokossou, Secretaire général de la Csa Gaston Azoua de la Cstb et Laurent Mêtongnon secrétaire général de la Fesyntra.  Il avait là aussi, l’ancienne directrice de cabinet du président Kérékou, Célestine Zanou, la Perle rare des Collines ; celle dont le portrait physique, (teint noir, légèrement en embonpoint, bassin…comme on aime chez nous au Bénin) donne raison à ceux qui soutiennent que les plus belles femmes du monde sont en Afrique, A leur niveau, tantôt sous le soleil, tantôt à l’ombre, on fait quelques commentaires. En milieu d’après-midi,  on voit apparaître d’autres parlementaires comme le bouillant député  Fikara Sacca. L’ex bâtonnier Afred Pognon. A 14 heures, des bruits circulent faisant état de ce que Me Agbo sera libéré « dans les 20 minutes qui suivent». Plus de trois heures après, c’est le statu quo. A partir de 18 heures, le soleil disparaît progressivement dans son périple quotidien de l’est vers l’ouest. La foule s’agrandit à nouveau. Mais sur certains visages, le désespoir s’installe. Le moment des supputations et des rumeurs. « Agbo va passer le week-end au violon », prédisent les oiseaux de mauvais augure. Puis la rumeur enfle, avec son cortège d’exagérations : « le procureur qui devrait donner l’ordre de le libérer aurait disparu » ou , « le procureur aurait donné l’ordre mais Yayi l’aurait convoqué d’ urgence au Palais où se tiendrait un conseil extraordinaire de ministres» ou « non on dit qu’il sera libéré tout à l’heure» sont entre autres commentaires qui circulent dans la foule.  On se rend compte a posteriori que la police et les commanditaires de cette  interpellation qui ne dit pas son nom ont joué la montre. Avec un double objectif : user les nerfs du « détenu » et  le dissuader de récidiver  dans son élan critique à l’égard du pouvoir et avoir la foule à l’usure. Plus tard  on  relaxera Me Agbo, moins il ya aura de gens pour l’acclamer à sa sortie. Pari perdu , puisqu’ à 19 heures 34 « pile », Me Lionel Agbo sort «en triomphe» du Commissariat central de Cotonou. C’est la fin d’une longue et folle  journée de garde à vue.

 

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