La fierté foireuse des maliens

Les islamistes qui occupent le nord Mali ne coupent guère dans la dentelle. Depuis l’invasion et le contrôle de cette zone, ils charcutent, sous l’œil des caméras du monde, des mains accusées d’avoir chapardé moutons ou volaille, massacrent à la pierre des femmes suspectées d’avoir commis l’adultère, égorgent des couples constitués en union libre.

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A côté de ces amabilités, les coups de cravaches administrés aux soulards et autres habitués des débits de boissons relèvent de la plaisanterie. Même les destructions répétées des mausolées et des lieux saints qui appartiennent au patrimoine mondial de l’UNESCO sont devenus anecdotiques. En réalité, ces intégristes qui promènent sous leurs djellabas les kalachnikovs aussi longues que leurs barbes, dont les responsables viennent des oueds oubliés de l’Algérie, sont en train d’humilier le peuple malien, de narguer les Africains en installant au milieu du Sahara et du Sahel l’enfer, le vrai, tel que l’ont toujours décrit les livres saints.

Mais l’existence de ce « criminal land »  ne semble pas émouvoir les maîtres de Bamako. Que les peuples de ces contrées subissent l’acharnement violent, bête et méchant de ces tueurs ne les préoccupe guère. Propulsées au devant de la scène publique par la médiocrité affligeante du régime ATT (Amadou Toumani Touré), les nouvelles autorités maliennes sont plutôt absorbées par la course au pouvoir. Que ce soient le capitaine Sanogo, le chef des putschistes, Dioncounda Traoré, le présent intérimaire, Cheikh Diarra, le Premier Ministre, ils se livrent tous une bataille féroce tout en donnant l’air de coexister pacifiquement. Rien ne les intéresse plus que les rentes, les prébendes et les avantages liés à la jouissance du pouvoir. Les images macabres de bras coupés, de femmes lapidées, d’hommes égorgés peuvent leur arracher de temps à autre des larmes hypocrites, mais ils sont à mille lieux de s’en soucier. D’ailleurs, ils contrefichent royalement.

En réalité, tous s’entendent pour ne rien faire. La reconquête des territoires perdus, brandie au départ comme un impératif non négociable, est devenue accessoire. La guerre déclarée incontournable il y a quelque temps relève désormais de la « solution ultime ». D’ailleurs, pour justifier l’éternité que prend le déclenchement de cette action, le triumvirat au pouvoir (Traoré-Diarra-Sanogo) affirme que le pays n’a nullement besoin de troupes étrangères pour reconquérir le nord et que, forts de leur connaissance du terrain, les braves soldats maliens n’ont besoin que de l’appui et de la logistique de la communauté internationale pour faire le travail. Mais tout le monde sait, à commencer par eux-mêmes, qu’il ne s’agit ni plus, ni moins que de la rhétorique sahélienne. Car l’armée malienne, complètement désossée, humiliée par les rebelles, mal entrainée, n’a que son corps d’élite pour être à même d’apporter une réponse conséquente à la crise. Mais cette élite est faible en nombre et est composée essentiellement de bérets rouges – les para-commandos longtemps chouchoutés par l’ancien président et aujourd’hui tombés en disgrâce. Accusés d’avoir orchestré une tentative de contre coup d’Etat, ils continuent d’être traqués et massacrés.

Les parachutistes éliminés, il ne reste désormais sur le terrain que les fantassins. Regroupés autour du capitaine Sanogo, ils sont déterminés à défendre les avantages qu’on leur a octroyés. Dans ce cas, on ne peut guère compter sur leur patriotisme pour aller sur le front. D’ailleurs, pourquoi le feraient-ils ? Depuis neuf mois que les choses sont en l’état, ils participent, sous l’impulsion de leurs chefs, aux différents business qui alimentent désormais l’économie de la guerre.

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Dans cette logique, la présence d’une armée étrangère au Mali ne serait que catastrophique. Non seulement, elle risquerait de tout mettre à nu, mais elle provoquerait la fin du statut quo. Or, une telle perspective n’est pas inscrite dans l’agenda élastique des nouveaux maîtres de Bamako. De nouveaux maîtres calculateurs, égoïstes, cyniques, complices du massacre d’un peuple, qui, depuis des décennies, était déjà le souffre-douleur des différentes politiques de…sous-développement.

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