Déjà plus d’un mois que les établissements scolaires et universitaires ont fermé leurs portes en république du Bénin. Dans le quotidien des apprenants, les activités pédagogiques régulières ont fait place aux jobs de vacances et autres formes de loisirs dans les différentes villes du pays notamment à Cotonou, la capitale économique
. Distraction et toutes formes de perversion s’invitent à la grande messe des vacances.
Les jobs de vacances
Les traditionnelles tenues kaki et autres généralement arborées par les élèves des cours privés sont délaissés à Cotonou par une frange d’apprenants. Sur les chantiers en construction, ils ont été substitués par de vieux jeans et tee-shirts hors d’usage. Les résultats de fin d’année sont tous connus et chaque élève est fixé sur son sort. La vague des candidats aux examens s’est jointe à celle déjà connue des élèves des classes intermédiaires qui ; quant à elle jouissait d’ores et déjà de ce moment de répit. Pour les apprenants de la Commune de Cotonou, l’heure est à la chasse aux activités génératrices de revenus. Nombreuses sont ces activités et diverses sont les raisons qui motivent les exécutants. Cadjèhoun, ce mercredi 15 Août 2012, un vent glacial souffle sur cette partie de la ville quand l’équipe de la Rédaction a fait son apparition sur un chantier de construction immobilière. Aux premières heures de cette matinée de la mi-août, on peut remarquer la présence de jeunes adolescents emmitouflés dans des accoutrements peu commodes. Ceux-ci, peu habiles au maniement des outils qu’ils tiennent entre leurs mains laissent à tout visiteur l’impression d’un amateurisme professionnel. Ils paraissent évasifs et songeurs. Qui sont ces jeunes gens à la mine grave ? Rodrigue, un jeune garçon de taille courte ne tarde pas à lever le voile qui masque ces personnages mystérieux. « Mon nom est Rodrigue et comme la plupart de mes copains présents sur ce site, je suis élève au CEG1 de Ouidah. Nous parcourons les chantiers de construction d’immeuble en cette période des vacances où nous faisons office de manœuvres » avoua-t-il. Au coucher du soleil, le vendredi 17 août, à la sortie de l’équipe de la Rédaction, devant une scierie située à Suru-Léré, une dizaine d’adolescents (des apprenants) transportait du madrier aux côtés de Donné, chef chantier. Celui-ci expose aux membres de la rédaction le mobile de son recrutement en personnel peu qualifié. «J’ai un déficit en personnel depuis peu et je n’arrive plus à bien répondre aux exigences de mes clients. J’ai décidé alors de faire recours aux apprenants qui, même sans formation viennent solliciter du travail afin de réaliser mes œuvres en un temps record et de les livrer à bonne date» s’empressa –t-il de confesser. Dix heures trente minutes ce lundi 20 août, malgré le diktat d’un soleil décidément plus ardent que d’ordinaire, de jeunes vendeurs ambulants déployaient leurs ailes dans les ruelles du marché Ganhi. Produits cosmétiques dans des sacs à dos, journaux, cartes de recharge ou produits de la loterie en mains, ces vendeurs étaient tous des apprenants en liberté. Anicet et Steve, deux vendeurs du lot et étudiants à l’UAC saisissent l’occasion pour se prononcer sur les raisons qui motivent une telle initiative. Si le premier déclare qu’« Orphelin depuis sa tendre enfance, il a généralement eu recours aux jobs de vacances pour payer ses frais de scolarités et autres », le second affirme que « c’est volontairement qu’il s’y adonne puisqu’il bénéficie du secours financier de ses parents et n’a jamais eu de soucis d’écolage». Aussi, ajoute-t-il : « je me livre à ces jobs pour satisfaire mes besoins secondaires ». Ils profitent également de la situation pour dénoncer le mauvais traitement à eux infligé par les employeurs et pour mettre en exergue l’impact des jobs de vacances sur l’exécutant. « Nous travaillons ardemment mais pour des miettes. Les chefs nous rémunèrent mal et il faudra travailler d’arrache pied toute la période des vacances pour s’en sortir. Ces activités nous épuisent et nous éloignent des cours de vacances. A vrai dire, nous ne profitons pas pleinement de nos vacances».
Les cours de vacances
Les vacances n’ont en réalité pas, sonné le glas des activités académiques. A Cotonou, les apprenants n’ont eu droit qu’à quelques jours de trêve. Les examens de fin d’année n’ont même pas encore livré leur verdict qu’on a assisté à l’ouverture tous azimuts des centres de cours de remise à niveau. La lune de miel aura donc été de courte durée. Etablissements scolaires réguliers, ainsi que des locaux de fortune assurent à présent au cœur de la ville de Cotonou la pérennité de l’instruction. Nombreux sont les établissements secondaires et les écoles primaires qui ont sacrifié à la tradition, à l’exception des centres universitaires. Dans les établissements réguliers, les cours de vacances sont animés par les professionnels du métier que sont les enseignants. Tandis que sous d’autres cieux, ils restent l’apanage des aspirants à la fonction enseignante, généralement des étudiants en fin de formation. Comme le cas à l’école primaire de Xwlacodji-A où l’amicale des étudiants du quartier s’est organisée pour prêter son concours aux élèves. « Les cours de vacances permettent de rehausser le niveau des apprenants qui ont accédé aux classes supérieures avec une moyenne à la limite de la passable. Aussi favorisent-ils la familiarité des apprenants avec les chapitres élémentaires. Il est donc de notre devoir d’aider nos jeunes frères à mieux préparer la prochaine rentrée des classes », confia M. Calixte, un organisateur des cours de vacances au quartier Vêdokô. Il renchérit :« La maîtrise des chapitres de base étant un levier indispensable à la compréhension efficace de toute discipline, je trouve que tout apprenant devrait y prendre part pour se perfectionner ». Selon M. Moussiliou, professeur à Allada, « les cours de vacances sont bénéfiques pour les apprenants en ce qu’ils leur évitent les longs efforts sporadiques durant la période scolaire en les ménageant au quotidien et en les empêchant de sombrer dans l’oisiveté ». Dans la plupart des collèges d’enseignement général de la ville, les apprenants n’ont pas manqué à l’appel de leurs encadreurs. Ces derniers renouent avec la routine et mettent les petits plats dans les grands pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Seulement, les cours ont lieu ces instants-ci uniquement dans la matinée, de huit heures à midi. « Il serait immoral de confisquer tout le temps d’un apprenant en vacances. Ces moments ont été institués pour souffler et le cerveau a besoin d’être décongestionné. Raison pour laquelle nous occupons nos participants de façon partielle et rationnelle » a laissé entendre M. Ignace, un encadreur. Quant à M. Ibrahim, professeur et encadreur aussi, « Nous avons généralement moins de problèmes en début d’année pour faire passer le message. C’est là l’avantage de l’organisation des cours de vacances ». Invitée à se prononcer sur le motif de sa participation, Berthe qui passe en classe de troisième répond « j’ai choisi de venir aux cours de vacances pour anticiper sur la compréhension des racines carrées et surtout pour maximiser mes chances de réussite au BEPC ». Dans certains centres, l’équipe de la Rédaction a eu également droit à la rencontre de jeunes turbulents, inscrits dans le seul dessein de distraire l’assistance.
Les distractions
Alors que certains élèves et étudiants s’échinent à préparer avec beaucoup d’entrain la future rentrée scolaire, d’aucuns financièrement, et d’autres en se perfectionnant par le biais des cours de vacances ; nombreux sont ceux qui s’investissent dans les distractions. Pour cette catégorie d’apprenants, l’heure de la récréation et autres formes de relaxation a sonné. Instructifs et parfois très distrayants, la liste de ces distractions est exhaustive. Certains apprenants prennent d’assaut les bibliothèques. Institut français le mercredi 25 Juillet, l’équipe de la Rédaction visite les locaux de l’une des plus grandes bibliothèques de la ville. Il est dix sept heures et il y a du monde à la bibliothèque jeunesse. Beaucoup de gens parcourent les rayons à la recherche de livres pendant que d’autres baissent la tête dans des livres ouverts devant eux avec une concentration certaine. Junior, étudiant en lettres modernes, présent sur les lieux trouve que « les vacances sont les moments privilégiés des recherches estudiantines. Il y a assez d’ouvrages à étudier et le temps imparti pendant la période académique est insuffisant ». « Je fais de la recherche mon passe-temps favori pendant le temps des vacances » ne manque-t-il d’ajouter. Pour Honorine B., élève en classe de terminale au CEG Gbégamey qui, pour sa part porte son attention sur la lecture de “Tribaliques“ d’Henry Lopez, « la lecture est un moyen sûr d’échapper à l’ennui et aux vices ». Elle affirme par ailleurs que « La lecture lui permet de découvrir des expressions et mots nouveaux et de s’outiller pour la dissertation française ». Une passion autre que la lecture et la recherche prend de l’ascendance pendant ces moments de vacances : c’est la fréquentation des plages. Fidjrossè le 26 Août 2012, c’est le week-end à Cotonou. Il est dix sept heures vingt minutes. Nous sommes descendu sur la plage de ladite localité où une foule de jeunes gens et de jeunes filles déambule. La berge est transformée en aire de jeux, en piste de danses voire en reposoir. «La mer est bleue et donne envie d’être contemplée. Ici l’environnement est moins contraignant qu’à la maison et facilite la méditation», lâche Fourrier, un étudiant assis à même le sol. Le lendemain à Sègbèya, dans une ruelle non loin de la Pharmacie, on remarque une affluence inhabituelle. Des apprenants s’adonnent soit aux jeux de scrabble et autres jeux de mots ou de société soit aux jeux de cartes ou aux jeux vidéo. Que dire des fanatiques du sport qui, quant à eux, multiplient leurs passages sur les terrains de sport, dans les gymnases et autour des piscines avec pour slogan “ le sport c’est la santé“ ; à l’image de ces apprenants apostrophés au stade René Pleven le 18 Août courant. Les inconditionnels de la musique prennent également part au festin. Dans les ruelles et sur les trottoirs, ils sont facilement repérables avec leur casque à l’oreille. Enfin, viennent pour fermer la marche, le flot des férus du cinéma qui s’arrange pour ne laisser en ces lieux aucun espace vide.
La dépravation des mœurs
Engueulades des parents et prises de bec incessants au cœur du cercle familial, fréquentation de lieux peu éducatifs, embrassades en plein air et port d’habits sexy. Tout est organisé pour pervertir les mœurs en ces moments de vacances à Cotonou. La capitale économique est témoin d’un théâtre peu ordinaire en période scolaire. Les valeurs morales y sont foulées au pied. Les sorties à la plage et de nuit occupent désormais une place prépondérante dans la vie de certains apprenants en liberté. La promiscuité des boîtes de nuit et autres lieux recevant habituellement la visite des filles de joie est préférée aux bibliothèques et autres endroits éducatifs. Il est monnaie courante de croiser au cours des diverses sorties des garçons toujours jeans tirés sur les cuisses laissant découvrir leurs dessous ; et les filles en mini jupes ou petites culottes, le tout couronné par une chemise indécente mettant à nu leur poitrine. Lors de la visite de la plage de Fidjrossè le 26 Août courant, l’équipe de la Rédaction est restée sur sa faim. De jeunes apprenants sans pudeur et sans souci des réalités endogènes sont maladroitement engoncés dans des accoutrements indécents. Angéline, élève habillée d’une petite culotte surplombée d’un débardeur transparent révèle : « Je me sens plus à l’aise dans ces vêtements que dans les robes de grand-mère ». Olivier, étudiant assis au bord de l’eau embrasse sa jeune compagne. « C’est ma fiancée et ce n’est pas encore bien grave de s’embrasser en public. En Europe, c’est même le principe. Cet acte prouve que je suis branché » se défend-t-il. Telle la cerise sur le gâteau, certains apprenants dont le désir de grande évasion se heurte à l’hostilité des parents s’insurgent et n’hésitent pas à saper l’autorité parentale. Les filles de joie doivent également accepter partager temporairement le trottoir avec de nouvelles amies. De jeunes élèves et étudiantes se livrent au plus vieux métier du monde. Gbégamey le 1er Septembre, la pendule de notre horloge vient d’indiquer vingt trois heures. Entre le CEG Gbégamey et le Collège catholique Notre Dame des Apôtres, il y a une forte présence féminine. Négativement vêtues, elles interpellent les rares passants qui se dépêchent pour rejoindre leur logis. La gente féminine nocturne reste sourde et muette. Elle s’abstient de se prêter aux interrogations des curieux. Ashley, une étrangère, ne fait pas cependant économie de vérité. « Ces élèves sont ici pour des raisons différentes. Certaines ont évoqué des raisons de scolarité alors que d’autres biaisent les motifs de leur entreprise. Même si leur présence diminue nos revenus, le trottoir est un bien commun et nous capitulons à cette coexistence » se contente-t-elle de dire. Non loin de ce site, des voix s’élèvent dans une ruelle. Chose curieuse, un enfant, une jeune fille d’environ la vingtaine d’âge hurle sur son père. M. Césaire, le père est sans voix. « Ma fille voudrait se rendre en boîte de nuit avec ses amies et mon plus grand péché est de m’y opposer. Nous laissons notre monde entre de mauvaises mains. Les chances de développement de notre pays s’amenuisent face à une jeunesse béninoise en perte de repères moraux » a-t-il fait comprendre.