Après ses propos du 1er août dernier et le tollé suscité dans l’opinion, l’attitude et le discours du chef de l’Etat laissent entrevoir son intention de reconquérir sa popularité et de reconnaitre, tout en se déculpabilisant, l’échec du changement qu’il a promis à son arrivée au pouvoir en 2006.
Boni Yayi est-il sincère ou fait-il une simple opération de charme pour colmater les brèches après «ses gaffes» du mois d’août? C’est bien la question que se posent plus d’un observateur de la vie socio-politique béninoise au regard de l’attitude du président de la République depuis son entretien du 1er août et les propos qu’il a tenus dans un champ de coton au nord quelques jours plus tard. Rappel. 1er août 2012. Dans le cadre de la commémoration du 52ème anniversaire de l’accession à l’indépendance du Bénin, le chef de l’Etat accorde un entretien dénommé «à cœur ouvert». Il se prononce sur des grands dossiers du moment. Ce sont notamment les reformes, le coton, la gouvernance, le dialogue politique. Mais au cours de cet entretien d’environ trois heures, fortement médiatisé, le président Boni Yayi tient à l’encontre de certains opérateurs économiques et d’une partie de la classe politique, des propos jugés « dangereux et indignes d’un chef d’Etat » par l’opposition, certains de ses propres partisans et la société civile. Conséquence, violence verbale entres acteurs politiques. Anti et Pros discours du 1er août se sont attaqués par déclarations interposées. Mais comme pour donner tort à ses partisans qui, à travers des déclarations ça et là et en cascades, ont tenté d’expliquer et de justifier ses propos, le chef de l’Etat récidive quelques après le 1er août. En tournée dans des plantations de coton dans le nord- Bénin, il reprend certains de ses propos qui avaient suscité la tension dans le pays après son entretien du 1er août.
Sacré Yayi!
Pendant que les commentaires fusaient de part et d’autres sur la gravité de certaines de ses déclarations, le président Boni Yayi semble déjà dans une autre tendance. Il multiplie ses descentes sur le terrain, au contact des «populations» à la base. Les élans populistes qu’il a affichés quelques mois après son arrivée au pouvoir en mars 2011 semblent refaire surface. En tournée dans l’une des localités de production de coton, comme il en a l’habitude depuis le début de la campagne en cours, le chef de l’Etat surprend une fois encore par son attitude. Sur les images de l’une de ses tournées diffusées par la télévision nationale, on voit le président de la république, en t-shirt Lacoste, casquette sur la tête, danser avec les producteurs, taper à tam-tam, monter à moto qu’il conduit lui-même. A Dogbo, le samedi dernier, pour le lancement du projet « Construisons et gérons nos écoles nous-mêmes», le président Boni Yayi, flanqué de certains de ses ministres, surprend encore plus. Une fois encore sur les images diffusées par la télévision nationale, on le voit, truelle en main, monter des briques de l’école en construction. On le voit tenailles en main, attacher les barres de fer. Et pour ne pas faire passer le chef pour un « comédien », tous les ministres présents se mettent aussi à l’œuvre. L’équipe gouvernementale présente s’est offerte, sous la direction du premier des Béninois, une partie de «maçonnerie».
‘’ bouc’émisseration’’
L’attitude du chef de l’Etat peut donner lieu à deux hypothèses. Primo, conscient de l’impact qu’ont eu ses déclarations du 1er août sur sa côte de popularité, le président Yayi veut mettre les petits plats dans les grands la remonter. Et pour le faire, il sort son atout populiste. Qui semble avoir eu raison de l’opinion dans bien d’autres circonstances. Certains observateurs affirment d’ailleurs que le populisme de yayi fait partie des éléments ayant contribué à sa mémorable victoire au premier tour, le K.O, à la présidentielle de mars 2011. Secundo, à un peu plus de trois ans de la fin de son dernier mandat, le président de la république est conscient de l’échec du Changement. Le changement, annoncé en grande pompe, qu’il a voulu apporter à son élection en 2006. Et dans ce cas, ses attitudes sur le terrain contribueraient à préparer psychologiquement les populations à la base à cette éventualité. Objectifs, montrer qu’il (lui Yayi) n’est pas responsable de l’échec du Changement qu’il pourtant promis en 2006. On peut lire à travers ses actes et ses discours, l’intention de montrer sa détermination de changer en vain les choses. Le tort est très vite jeté sur les cadres. On en a pour preuve que le discours que le président Yayi a tenu à Dogbo. « Il faut aller au-delà des cadres et venir vers vous les cadres », « le président Yayi seul ne peut rien faire dans ce pays, rien…pour ce que j’ai vu depuis avec ces cadres, c’est la déception », « le président seul ne peut pas emmener le changement, si vous voulez changer l’avenir, changez vous-mêmes», a entre autres déclaré le président de la république. Ainsi, avant la fin de son mandat, il semble se blanchir de «l’échec du changement». C’est encore la stratégie de la « bouc’émisseration », pour parler comme la camerounaise Axelle Kabou, qu’il a toujours utilisé pour se dédouaner des différents scandales de son régime. Il est simplement entre l’exercice de reconquête de sa popularité et celui de l’aveu de l’échec, sans sa responsabilité, changement.