Allégeance d’Issa Salifou au chef de l’Etat : les interrogations sur une étrange coïncidence

Longtemps perçu comme un « ennemi juré » du président de la République, le député Issa Salifou rejoint la mouvance présidentielle à un moment où certains de ses investissements sont dans l’œil du cyclone (gouvernemental). Questions?

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Allégeance

La mouvance présidentielle vient d’avoir un allié de taille. Issa Salifou, plus connu sous le sobriquet Saley président du parti l’Union Pour la Relève (UPR), député non inscrit à l’Assemblée nationale, mais reconnu depuis plusieurs années, pour son opposition au président de la République, vient finalement de lui faire allégeance.  Son « soutien aux actions du président Boni Yayi », il l’a déclaré le samedi 06 septembre à Bohicon,  sa ville natale. Comme pour donner du crédit à son retournement de veste, le promoteur de la compagnie de téléphonie mobile Bell Benin et du groupe de presse Fraternité (la télé Canal 3 Bénin, le quotidien Fraternité et la radio Fraternité Fm à Parakou), a annoncé la nouvelle en présence des notables, têtes couronnées et responsables religieux de la ville de Bohicon. Pour se justifier, il déclare ne pas vouloir désobéïr à ses parents et au Roi, qui lui en ont fait la demande. Sans trop vite aller en besogne, on peut voir dans cette volte face, un événement heureux pour la mouvance présidentielle, le chef de l’Etat en premier. A la tête d’un groupe parlementaire dénommé G13, il faisait partie des députés qui ont mené la vie dure, au Parlement au chef de l’Etat pendant son premier quinquennat (2006-2011). On le compte parmi l’un des meneurs du blocage, il y a quelques mois, du projet de révision de la Constitution, un projet cher au président de la République.  Mais au-delà des leçons politiques, l’allégeance de Saley suscite des commentaires au regard du contexte dans laquelle elle intervient. Ses investissements dans la téléphonie mobile (Bell Bénin) et dans les medias (Canal 3 Bénin) seraient impliqués dans une supposée affaire d’usage « frauduleux » des installations des sociétés d’Etat Ortb et Bénin Télécom. Le gouvernement évoque un montant de 8 milliards de Fcfa que cet homme d’affaires-politique devrait rembourser à l’Etat. 

Questions

Dans l’opinion, cette  affaire Canal3-Ortb, qui a causé la mise hors tension à deux reprises et pendant plusieurs jours de la chaîne de télévision privée, est perçue comme un acharnement contre les intérêts économiques d’un opérateur privé qui a choisi de faire l’opposition en politique. Mais curieusement, c’est au moment où le gouvernement affiche sa ferme volonté à élucider cette affaire que l’honorable Saley décide de faire allégeance. Cette coïncidence des faits suscite des questionnements. L’allégeance de Saley est-elle le fruit d’un deal entre le chef de l’Etat et lui ? Qu’adviendrait-il des supposés 8 milliards que Canal 3 et Bell Bénin devraient rembourser à l’Etat ? Seront-ils passés par perte et profit? La chaine de télévision Canal 3 s’est montrée très critique envers le pouvoir depuis plusieurs mois. Mieux,  des trois chaines de télévision privées les plus en vue qui existent, elle est la seule à donner véritablement la parole à l’opposition, avec souvent de véritables débats contradictoires comme on n’en trouve plus sur les autres. Avec ce changement de camp de son promoteur, les citoyens lambda et même les observateurs se demandent, sans doute, l’impact sur la ligne éditoriale de la Canal 3 Bénin. Canal 3 va-t-elle cesser d’être la tribune des déballages et des propos acerbes d’hommes politique envers le régime Yayi ? Est-ce la fin de l’expression plurielle dans le pays. Ce sont là autant d’interrogations que soulève cette coïncidence. Le cours des événements permettra de juger.

Extrait des propos tenus par Issa Salifou ce samedi à Bohicon

«  Quand l’honorable Malèhossou qui est le jeune frère de ma mère est venu me voir, et surtout qu’il est envoyé par le roi Agoli-Agbo, je me suis dit que cette fois, le président Yayi Boni tient le bon bout, parce qu’il a touché là où il doit toucher pour que je puisse lâcher, pace que vous savez en réalité que la politique est un jeu d’intérêt. En politique, il n’y a pas une affaire de famille, il n’y a que les intérêts. Et je voudrais que tous ceux du plateau d’Abomey, surtout ceux qui sont nés à Abomey, parce qu’il n’y a pas que les Aboméens, quand bien même, notre histoire remonte à 1500 ans, Dieu a fait que c’est des gens qui sont intelligents. Ils n’ont pas besoin d’être docteurs pour être intelligents.(…) Dada, ce que vous m’avez demandé en m’envoyant Malèhossou, je voudrais vous dire que ça se fera. Je sais que ce n’est pas parce qu’il y a des emplois à sauver que vous me demandez de rejoindre Yayi. Tout le monde connaît votre rapport  avec le Président  depuis 2006.  Alors moi j’accepte de faire ce que vous m’avez proposé. Vous êtes ceux qui ont accepté que nos parents viennent rester ici et c’est ainsi que nous avons vu le jour et partagé l’intelligence et toute la grâce que Dieu a accordées à Abomey. Donc je ne vais pas  désobéir au roi ni à mes  parents maternels. (…) Au sujet  du contentieux qui oppose Bel Bénin communication (Bbcom)  à l’Ortb :  En dehors des opérations des 5milliards dus au Bénin télécom annoncé  dans la déclaration du ministre, tout le reste n’est pas fondé . (…)

Je prends le cas de Bell Bénin qui a une valeur de près de 110 milliards. Si on vient dire que je dois 8 milliards, cela ne devait inquiéter personne, parce que c’est une affaire qui a une valeur de moins de 110 milliards. En plus, aujourd’hui, qu’on m’aime ou qu’on ne m’aime pas, on sait que Canal3 est devenue même plus importante que l’Ortb. Parce qu’en réalité, je n’ai pas créé Canal3 pour gagner de l’argent, je l’ai créée pour m’appuyer là-dessus et faire grandir mon réseau. C’est pour cela que j’ai des journalistes et des techniciens indépendants au niveau de Canal3, parce que je ne m’appuie pas sur cela pour vivre et j’ai mis cela pour que ça serve tout le monde, la mouvance et l’opposition. »

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