Le phénomène sectaire non catholique de Banamè-Sovidji interpelle les chrétiens en cette année de la foi.
Malgré la gravité et la complexité de la problématique de cette réflexion, je m’y engage avec humour et sérénité.Il s’agit du « phénomène Parfaite » de Banamè qui continue d’attirer un certain monde, même s’il y a de moins en moins de monde qui y va régulièrement ou occasionnellement. Mais c’est un fait que « Parfaite » draine du monde de nos chrétiens dits catholiques au cours de ses descentes à grande pompe dans certaines villes telles que Cotonou, Abomey, Ouidah, Lokossa. L’humour est que si j’avais les moyens et les autorisations nécessaires, j’aurais installé un poste de péage-pesage sur la voie de Naogon-Banamè, passant non loin de l’imposante église Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Nous sommes à moins de 10 km de Banamè. Nous voyons et entendons les véhicules passer.
Un mouvement religieux sectaire de provocation
Banamè Sovidji, c’est de lui qu’il s’agit, avec son mouvement religieux et social non catholique, avec ses sous-marins d’hommes d’affaires, d’hommes politiques et des ennemis de l’Eglise catholique. Sans rien prendre au tragique, eu égard surtout à la Parole de Dieu et à l’histoire de l’Eglise, ce mouvement sectaire d’une certaine fascination d’une part, de provocation, d’arrogance et de violence verbale surtout d’autre part, nous interpelle cependant. Mouvement de provocation et d’irritation parce que bien des catholiques fidèles en sont agacés et la redoutent à juste raison comme la peste au point que le seul nom de Banamè suscite chez eux une grande méfiance voire de la répugnance.
L’Eglise catholique romaine à Banamè
Mais Banamè n’est pas que Sovidji. La paroisse catholique demeure et subsiste à Banamè. C’est la paroisse Sainte Odile avec son curé qui exerce son ministère sous l’autorité de l’évêque d’Abomey et en pleine communion avec l’Eglise catholique romaine. Mais j’avoue qu’il lui faut un courage spécial pour exercer sa triple fonction d’enseignement, de sanctification et de gouvernement dans cet environnement social et religieux.
Banamè ! J’y vais en visite fraternelle au curé. Agents pastoraux, nous y allons en réunion du doyenné de Zagnanado ou en journée de formation permanente des prêtres. Mais jusqu’à présent, j’ai résisté à la tentation d’aller à Banamè Sovidji par curiosité. Des personnes sages me l’ont déconseillé. Je n’y suis donc pas allé (encore) non par peur de la prétendue puissance de fascination du site et de son « idole », Parfaite de son vrai prénom Vicentia, mais pour tenir compte de la faiblesse des faibles et ne pas donner libre cours à l’exploitation médiatique et autres de mon passage à Sovidji. Car, rien ni personne ne pourra me séparer de l’amour du Christ et de son Eglise une, sainte, catholique et apostolique.
Evangéliser à temps et à contretemps
Mais je parle de Banamè Sovidji à temps et à contre temps avec patience et avec le souci d’instruire surtout en un temps où « l’on ne supportera plus l’enseignement solide, mais, au gré de leur caprice, les gens iront chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques » (cf. 2 Tm 4,1-4). M’entendre parler ainsi de Banamè Sovidji inquiète des parents et des amis qui ont peur pour moi, pour ma vie. Ma réflexion, intitulée « Témoigner par l’intelligence et la foi » faisait allusion à l’engouement défiant tout bon sens vers cette terre prétendue sainte de Sovidji qu’il suffirait de fouler pour être sûr d’aller au ciel même si, malade en quête de guérison, on y meurt sur place ou de retour à la maison. (Cf. La Croix du Bénin n° 1146 du 18 mai 2012).
Tous interpellés dans l’Eglise
Comme la désertion des catholiques vers les sectes, le « phénomène Banamè » nous interpelle, nous membres de l’Eglise, dont le Pape Benoît a fait une inédite nomenclature dans son exhortation apostolique post-synodale Africae munus qu’il a signée et rendue publique dans notre pays en novembre 2011. Cessons d’attendre ou de n’attendre que les interventions des évêques en nous déchargeant de nos responsabilités sur la hiérarchie catholique qui a du reste ses méthodes d’intervention et de gestion ou de règlement des crises. Avec vous tous, membres de l’Eglise catholique donc, évêques, prêtres, missionnaires, diacres permanents, personnes consacrées, séminaristes, catéchistes et laïcs, je voudrais partager quelques questions et préoccupations.
Ne demeure-t-il pas vrai qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, et que beaucoup de chrétiens ne veulent pas passer par la porte étroite, se servir de l’échelle de la croix pour entrer dans le Royaume des cieux ? Les quatre évangélistes n’attestent-ils pas que Jésus n’a point voulu drainer derrière lui la foule des affamés miraculeusement nourris par la puissance de sa divine miséricorde ? Le Messie, marchant vers sa glorification sur la croix à Jérusalem, n’a-t-il pas plutôt voulu à sa suite des disciples qui mangent sa chair, recherchent la nourriture qui demeure pour la vie éternelle, mettent sa parole en application, renoncent à eux-mêmes et prennent leur croix ? Comment faire pour avoir parmi les baptisés beaucoup de disciples du Christ se nourrissant de la Parole divine et de l’enseignement de l’Eglise ? Quel accueil réservons-nous à l’option pastorale « Catéchèse Bible en mains » des évêques de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest francophone ? Quel budget et quel temps consacrons-nous aux documents du Magistère, aux lettres et messages de nos évêques, aux bulletins diocésains, aux journaux catholiques, aux radios et chaînes de télévisons catholiques de chez nous et d’ailleurs ?
En dehors des assemblées dominicales, des séances de prière de certains groupes et mouvements, beaucoup de fidèles laïcs ont-ils vraiment une vie de prière en famille ? En dehors des grandes affluences du temps de carême pour les confessions avec la fameuse signature de « communions pascale » du confesseur dans le livret de catholicité, très peu de chrétiens célèbrent de façon régulière le sacrement de réconciliation, ce « sacrement de résurrection » comme l’appellent aussi certains théologiens ? De façon plus cruciale, les sacrements sont-ils recherchés, célébrés et reçus comme des célébrations de la foi chrétienne catholique en vue d’une vie chrétienne ordonnée à l’éternité bienheureuse ? De quelle adhésion du cœur bénéficie la proclamation des vérités de notre foi catholique à travers le « credo », notre profession de foi du symbole des Apôtres ou celle du Concile de Nicée-Constantinople, forme développée ?
Tout en respectant le mystère de toute vocation à la vie sacerdotale ou religieuse, les formateurs sont-ils suffisamment instruits en cette matière et sont-ils toujours écoutés, suivis dans leurs appréciations et délibérations ? Les ministres ordonnés qui ont souscrit librement à l’obligation de l’Office divin tirent-ils assez profit des richesses de la Prière du Temps Présent pour leur vie et leur ministère ? J’en passe, les interrogations.
De la nécessité d’un triple réarmement
Les réponses à ces questions m’ont fait penser et même adopter en matière de pastorale à Naogon en l’occurrence, ce que j’appelle un triple réarmement des chrétiens catholiques en ce contexte de prolifération des sectes et de mouvements religieux ou ésotériques dont la plupart des adeptes sont issus de l’Eglise catholique.
D’abord nous avons besoin de réarmement spirituel pour que la quantité des baptisés et des pratiquants de la messe du dimanche, des grandes cérémonies d’ordination ou de profession religieuse, des pèlerinages ne nous distrait pas de la qualité des disciples du Christ dont l’Eglise au Bénin doit se soucier davantage. L’objectif de ce réarmement spirituel sera de passer d’une foi dans le culte, comme l’a constaté et déploré l’un de nos évêques, à une liturgie d’adoration en esprit et en vérité. Car la véritable célébration liturgique n’est-t-elle pas différente de l’animation religieuse souvent tapageuse entendu, avec le pape Benoît XVI, que « la liturgie est une source précieuse pour grandir dans la prière ; le lieu où Dieu parle à chacun et attend sa réponse. » (Cf. Catéchèse de l’audience générale du mercredi 26 septembre 2012). En outre, l’indispensable réarmement spirituel personnel devra s’acquérir par la prière ordinaire et régulière au lieu de rechercher et de se contenter des occasions de prières exceptionnelles, de neuvaines à relent parfois magique, de chemin de croix et de chapelet peu méditatifs.
Mais puisqu’il s’agit de fidèles chrétiens, le réarmement spirituel est indissociable du réarmement évangélique pour ne pas dire biblique. Si la réforme liturgique du Concile Vatican II a largement enrichi des Saintes Ecritures les diverses célébrations, nous avons encore beaucoup d’efforts à fournir pour nous approprier et faire passer dans notre vie, ne serait-ce que ce que nous connaissons de la Parole de Dieu proclamée, entendue et acclamée le dimanche que, l’on soit analphabète ou non. Et ceux qui ont échappé au fléau de l’analphabétisme que Benoît XVI considère comme « une forme de mort sociale » (cf. Africae munus n° 76), ne consacrent pas beaucoup de temps à la lecture des Saintes Ecritures et à la culture biblique.
Ce serait formidable si chaque chrétien pouvait sincèrement faire sienne cette conviction de foi du Psalmiste : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. » (Psaume 118,105). Autrement dit, nous devrons acquérir ce que j’appelle le recours existentiel à la Parole de Dieu. C’est sans doute l’un des objectifs de l’option pastorale « Catéchèse Bible en main ». Mais l’expérience en cours a déjà besoin d’être évaluée, soumise à l’analyse critique pour viser à l’adhésion du cœur à travers la sensibilisation persuasive. Car ne risquons pas de provoquer des réactions du genre : « Après la confirmation, adieu la Bible ».
Enfin, puisqu’il s’agit d’armer le fidèle catholique pour qu’il mène jusqu’au bout le combat de la fidélité à la foi de son unique baptême (je crois en seul baptême) et aux exigences qui en découlent, abordons à présent la dimension ecclésiale du réarmement.
Ce réarmement ecclésial pourrait s’articuler autour des trois fonctions dans l’Eglise : l’enseignement, la sanctification et le gouvernement. Ces trois fonctions dont les évêques unis au Pape assument la responsabilité première avec les prêtres, leurs proches collaborateurs, requièrent aussi la coopération responsable des autres membres de l’Eglise. Cette coopération a sans doute besoin d’être expliquée à travers une catéchèse sur l’Eglise, dans la dynamique de la complémentarité du sacerdoce commun des fidèles et du sacerdoce ministériel. Certes, par la catéchèse et la liturgie, beaucoup de laïcs et de personnes consacrées participent avec zèle et dévouement à la charge d’enseignement et de sanctification. Mais il reste à faire percevoir l’importance de l’autorité ecclésiastique qui détermine, coordonne, garantie l’exercice de ces charges. Car l’Eglise n’est ni une démocratie ni une dictature parce qu’elle ne relève pas d’un système politique, ce qui n’est pas évident chez nos fidèles laïcs en général.
Je vais devoir conclure par une requête sans doute audacieuse. Nous savons que tout l’épiscopat béninois se sent concerné pas le phénomène de Banamè. Sans contredire ce que j’ai affirmé plus haut, nous attendons cependant de la Conférence des évêques du Bénin un message et une démarche auprès des hautes autorités de l’Etat.
Père André KPADONOU
CURE DE NAOGON
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