Bénin : série noire au sommet de l’Etat, la rançon du bien mal acquis?

Ou va le Bénin? On peut bien se poser légitimement cette question, à l’heure où les indicateurs socio-économiques sont dans une zone d’incertitude, et que les voyants des libertés sont au rouge, comme en témoigne le recours, en désespoir de cause, des ténors de l’Union fait la Nation a la Justice, pour accéder aux médias publics qui pourtant constituent notre bien commun, et ceci conformément à la Constitution du 11 Décembre 2011.

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Certainement que dans la tête du Président et de ses obligés, une autre Constitution, celle-là virtuelle et de leur rêve, est déjà en vigueur. Pire, et comme une métastase, la gangrène de la corruption étend ses tentacules, avec en prime l’appareil commis à sa surveillance cloué au sol, faute de carburant. Pour ne rien arranger, la cascade de revers que connait le Chef de l’Etat et son régime, depuis quelque temps, s’assimile à une estocade à laquelle la carapace du régime semble s’habituer, pourvu que cela dure. Tant pis pour le pays et le Peuple!

En vérité, il faut être dur de caractère, et même schizophrénique  pour continuer, tête baissée et droit dans le  mur, dans un océan  de contre-valeurs et contre-performances économiques, de revers judiciaires, de rejet de la communauté internationale.  On a coutume de parler du génie béninois. Mais, existe-t-il toujours dans les circonstances actuelles de notre pays? Pourquoi sommes-nous descendus dans l’abîme et comment en sortir pour préparer notre pays à une renaissance durable à partir d’Avril 2016?

Génie Béninois où es-tu?

On a longtemps évoqué la tradition béninoise d’un pays sur lequel Dieu et les mânes veillent quotidiennement, sur une terre où les roitelets et autres chefs  traditionnels ont essaimé, et dont le nombre a connu une inflation depuis l’avènement du généreux régime du Changement et sa “mutation transgénique” en Refondation. Oui, le Bénin est une terre bénie dit-on, l’une des rares au monde où le vaudou, dans sa splendide diversité, se révèle au monde entier, presque comme un patrimoine de l’humanité, vivant sans accrocs en harmonie avec un nombre croissant de religions, sectes et groupes spirituels qui vivent harmonieusement. Loin de moi l’intention de faire l’apologie du vaudou pour le particulariser, mon propos étant simplement, comme déjà chéri et consacré par l’Eglise Catholique sous le Pape Jean-Paul II, de magnifier le dialogue interreligieux et des cultures, comme ferment de la vie en communauté. Et notre pays a de nombreuses raisons de se sentir terre de dialogue. Mais alors, pourquoi dans un tel environnement propice aux prières, aux supplications et aux bénédictions quotidiennes, spontanées, improvisées, commanditées ou parfois stipendiées (suivez mon regard), notre génie a du plomb dans l’aile, et ne nous élève pas vers les sommets permettant à notre Peuple de rencontrer et de vivre durablement dans la félicité ; j’exagère à peine, car c’est possible pour un petit pays comme le Bénin, aux grandes valeurs qui ne cherchent qu’à éclore. Pourquoi à des périodes de joie et de relance, doivent succéder d’autres de mélancolies, de détresse et même de résignation? Notre peuple a cultivé au cours de ces dernières années, une telle résilience et de retenue au plan politique, là où beaucoup d’autres n’auraient pas pu résister, et c’est à notre actif. Mais, pour combien de temps encore?

Un pas en avant, de nombreux autres en arrière

Dans certaines armées du monde, on affectionne des démonstrations majestueuses de marches, fussent-elles prussiennes ou russes. Rien à voir avec l’idéologie  politique de ces pays, qui font leur chemin vers la prospérité en trouvant leur inspiration dans ses marches.  Mais, dans aucune de ces armées, on ne marche à reculons après avoir avoir posé un pas en avant. Si feu Théodore Béhanzin vivait encore (paix à l’âme de cet illustre artiste, ami et frère), il aurait fait œuvre de prémonition, car le jingle d’une des émissions de “la chaine des Evènements” qui nous restitue sa somptueuse voix, qui résonne encore de l’outre-tombe comme un appel à aller de l’avant, ce jingle ne peut pas mieux illustrer la situation actuelle de notre pays. Nous marchons à reculons et c’est peu de le dire ainsi.

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Soyons directs, honnêtes et objectifs. Qui peut oublier le progrès accompli par notre pays, au lendemain de l’historique Conférence des Forces Vives de la Nation de Février 1990? Au plan politique (même si nous n’avons pas eu assez de temps pour conjurer le mal), économique et social, les fondements d’une Nouvelle République  ont été posés, ainsi que le socle qui a servi  de rampe pour la construction d’une économie de marché fondée sur l’initiative privée.

Un quart de siècle après, où en sommes nous? N’avons nous pas l’impression que le Bénin se présente aujourd’hui comme un théâtre où on a méthodiquement démantelé les acquis de cette mémorable Conférence, pour leur substituer un no-mans’ land, une République bananière, un Etat hors-la-loi? Ne sommes-nous pas pire qu’en 1989-1990? Seul le paiement des salaires aux fonctionnaires fait aujourd’hui la différence d’avec cette période pré-conférence.   Peut-être attendons-nous d’en arriver là, avant de nous réveiller. C’est surtout au plan des libertés que le recul de notre pays est prononcé. A l’instar de cette période qu’on n’oubliera jamais, des Béninois ont repris le chemin de l’exil. Comme Maître Adrien Houngbédji qui a dû précipitamment quitter sa terre natale, pour un exil forcé dans le cadre de l’exercice des ses fonctions au sein de l’appareil judiciaire et devant le refus de vendre sa conscience, le jeune Angelo Houssou est aujourd’hui contraint à l’exil forcé, laissant derrière lui famille, parents et amis. Mais, toujours comme Adrien Houngbedji, on lui enlèvera difficilement son attachement à sa patrie. Le pays est dans son cœur, et c’est bien conscient de cela qu’il a posé l’acte qui le grandit aujourd’hui aux yeux des Béninois et de la Communauté internationale. Comme les Idelphonse Lemon et autres taxés de “bourgeois compradores”, Patrice Talon doit vivre malgré lui hors du territoire, et subir les assauts d’un système de privation de libertés, qui est mis en place au Bénin et qui est sourd et insensible à notre Justice, contraint un à un les fils de ce pays, comme Lionnel Agbo, au douloureux choix de l’exil forcé. Quel recul!

Comment en sommes-nous arrivés là?

Nous y sommes depuis que les leaders politiques, dans leur ensemble, sauf quelques rares parmi eux, ont décidé de confier le destin de tout un peuple à des amateurs de la politique, bardés disait-on de diplômes, et affublés de titres académiques ronflants, la plupart sortis des serails de la profession bancaire. Comme s’il suffisait d’avoir travaillé pour une banque, pour couvrir un pays de billets de banque, le facteur « homme nouveau » a servi de vernis à cette illusion servie au Peuple, dans une ambiance acquise au prétendu Changement,  pour justifier le plébiscite de 75% qui allait s’opérer deux jours plus tard.

Personne ne veut la mort du pécheur, mais le devoir de se repentir est en marche, si l’on s’en tient aux actes que posent ces leaders depuis que la roue des dérives a commencé à tourner, illustrant leur degré de prise de conscience de l’erreur monumentale qu’ils ont commise, même si le chantier ouvert très tôt en 2008, pour mettre un terme à cette dérive, a été plombé par le K.O. de Mars 2011. Nous les encourageons à aller de l’avant, pour offrir à ce Peuple qui a tant souffert, une alternative crédible, afin que notre pays apporte enfin, comme une entité nationale, sa contribution au concert des pays contraints à la globalisation.

Il faut à tout prix tourner la page de l’imposture et de la division

On ne peut pas dresser  une liste exhaustive des actes posés par le régime en place, pour diviser les Béninois et créer les conditions où les valeurs comme le mérite, la justice et l’équité sont constamment mises à mal, ou simplement inversées. Tenez, est-il juste que des opérateurs économiques qui ont créé des milliers d’emplois pour soutenir l’économie, pussent faire l’objet de tant de contraintes et de persécution? Quelle est la vision que Boni Yayi et ses sbires ont de l’économie d’un pays?  Est-il juste que dans un pays où la Constitution consacre l’égalité de chances, qu’un concours d’accès aux emplois publics, soit organisé pour favoriser des personnes d’une certaine région du pays? La rumeur indique que certains candidats n’auraient même pas mis les pieds dans la salle de composition; si cela est vrai, ne sommes-nous pas en train de confirmer notre statut d’Etat-voyou, tricheur et imposteur? Et, quand malgré les récriminations et la clameur publiques, malgré les réactions vite étouffées des jeunes qui se sentent victimes d’une telle fraude d’Etat, le Conseil des ministres, organe délibérant de notre Exécutif ne trouve d’autres recettes que d’ordonner la mise à disposition des candidats frauduleusement proclamés admis, y a-t-il encore un Etat qui garantit la justice, l’équité et l’égalité à tous les enfants du pays?

Les Assises Nationales: Seule porte de sortie

Le régime Yayi a épuisé ses cartouches. S’il était sur un champ de bataille, l’ennemi l’aurait déjà capturé et fait prisonnier de guerre. La question de moralité personnelle qui se pose alors, est entière? Pourquoi prendre le destin d’un pays en main, quand tout sur vous et en vous démontre l’incompétence, l’incohérence (suivez  les discours improvisés du Président) et le manque criard de Leadership? Même si la politique, telle que conçue par les Africains, à tort d’ailleurs, n’a rien à voir avec l’éthique et la morale, il est important de s’évaluer et de soupeser ses forces, ses qualités et ses faiblesses, avant de s’engager à s’emparer du destin des Peuples. Se comporter autrement, nous amène là où nous sommes aujourd’hui, au Benin. Et quand on a passé cinq années sans bilan concret et défendable, à moins de vouloir faire de la gestion de son pays un patrimoine personnel, il est dans l’intérêt de soi-même de laisser les choses, pour éviter d’écrire de sa propre main, des pages sombres de son histoire personnelle. Le K.O. de Mars 2011 était une atteinte audacieuse contre notre édifice démocratique, une violation du Peuple et un mépris pour les valeurs, qu’en tant qu’individu ayant rencontré la civilisation universelle à travers l’école, un leader  doit à tout prix embrasser. Mais, n’est pas leader qui veut!

Maintenant que nous sommes dans le pétrin, et que les ressorts du système en place sont cassés, la moindre humilité recommande que nous créions les conditions pour que les filles et fils de ce pays se parlent. Nous devons nous asseoir pour parler le langage de vérité. Il n’y aura pas d’autres rites expiatoires que de se retrouver pour faire le diagnostic, sans complaisance, de nos maux récurrents. Pourquoi alternons-nous des pas de géants admirés par nous-mêmes et dans le Concert des Nations, avec  des reculs spectaculaires? Il est temps de prendre le temps de la réflexion collective, pour trouver l’antidote.

Telle est ma conviction, et j’ose espérer que, venant de partout, les appels aux Assises Nationales seront entendues par qui de droit. Autrement, et puisque c’est d’une nécessite incontournable, elles se tiendront avec les vraies Forces Vives.

Coffi Adandozan

Economiste-Planificateur

Lille France

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