Bénin : Un pays en quête de médiateur

Un clergé catholique affaibli et discrédité, des rois soumis et corrompus, des anciens présidents déçus, un médiateur de la république cadenassé par la loi…Visiblement, le Bénin ne dispose plus de personnalité de charisme et de grande notoriété morale pour désamorcer la bombe sociopolitique  actuelle.

Face à un Chef de l’Etat resté sourd à tous les appels, plus personne ne reste. Pendant ce temps, le front social gronde, la situation pourrit et un orage s’annonce sur le Bénin.

Depuis le 27 décembre 2013, le Bénin gère une des plus graves crises sociales de notre ère démocratique. Elle vient malheureusement se greffer à une autre, plus vieille et plus insidieuse : la crise politique. L’administration publique est paralysée. La justice, troisième pouvoir de notre édifice démocratique est en panne depuis plusieurs mois. Les hôpitaux, partiellement en grève, ont été sauvés de justesse d’une paralysie générale. Ce tableau qui est bien celui de notre pays actuellement s’apparente à celui des pays qui sortent à peine des conflits ou qui, du fait de l’autocratie se sont enlisés dans la misère. Le Bénin ne fait pas partie de cette engeance pourtant, elle vit une tension inquiétante du fait des actes et des paroles de ses dirigeants. Nous voici  donc dans la crise. Que faire ? Ce qui se fait souvent c’est de s’asseoir et de parler. Depuis des mois, les forces politiques de l’opposition, ayant fait le constat que nous sommes en crise, demandent au gouvernement de convoquer des assises nationales mais ce dernier s’y oppose parce que, selon lui, il n’y a pas crise au Bénin. Depuis ce temps, le président Yayi ne manifeste aucune volonté. Il reste sourd à toutes les jérémiades du peuple en souffrance, banalise les appréhensions des uns et des autres et fonce la tête baissée. 

Un seul être vous manque et…

La tâche la plus urgente ici ce n’est ni de crier urbi et orbi que ça ne va pas, c’est d’arriver à trouver des personnalités politiques ou religieuses de grande notoriété qui peuvent parler à Yayi et être écoutées par celui-ci. Malheureusement pour lui, il n’en existe plus. Le président Yayi a travaillé tout le temps pour affaiblir ou discréditer ces personnalités.  Sous le président Kérékou et même au début du premier quinquennat de Yayi, c’est le cardinal Bernadin Gantin qui était, au dernier ressort le recours dans la république. Il exerçait sur le Chef de l’Etat une fascination terrible. Cet ancien doyen du sacré collège des cardinaux avait eu à désamorcer plusieurs bombes sociales  par sa carte de visite impressionnante mais aussi par l’humilité qui caractérise ses propos. Aujourd’hui, il n’est plus là. Monseigneur Antoine Ganyè, président de la conférence épiscopale, avait mollement tenté de le faire sans grand succès. Mais il n’a pas forcément le charisme de Gantin et est confronté depuis quelques années à une crise interne de l’église. Depuis 2010, année au cours de laquelle deux évêques ont démissionné pour des rasions encore obscures. L’église doit aussi faire face  à un schisme qui ne dit pas son nom. Mieux, elle est estampillée par Yayi comme un chantre de l’opposition et de coterie pro-Talon depuis qu’il a signé, au nom de la conférence épiscopale une lettre demandant au Chef de l’Etat d’écouter son peuple et de surseoir aux poursuites judiciaires contre Patrice Talon pour des affaires supposées d’empoisonnement et de coup d’Etat. Quid des rois et autres têtes couronnées.  Ils sont tous corrompus.  Il n’y a pas de semaine où ils ne se rendent à la Marina pour proclamer allégeance au Chef de l’Etat et recevoir de l’argent.  Et qui encore ? Les anciens présidents ? Yayi n’en veut pas. Depuis la dernière élection présidentielle  où ils sont intervenus pour demander le vote d’une loi de dérogation pour enrôler ceux qui ont été laissés sur le carreau, Yayi s’en méfie. Tous sont déçus par les performances de YAYI et ont décidé de le laisser faire. Il reste le médiateur de la république. En plus du fait qu’il est trop limité par la loi, il est nommé par le Chef de l’Etat qui peut le révoquer à tout moment.  Il ne peut donc pas être écouté par Yayi qui est son patron. Le bilan bien fait, il ne reste plus personne. Yayi lui-même a travaillé tout le temps pour discréditer et dévaluer toutes les personnalités morales qui puissent lui tenir tête après ou qui puissent l’influencer. Ce faisant, il n’a plus en face quelqu’un  qu’il peut écouter, qu’il peut respecter. Le boulevard de la dérive permanente lui est ouvert. Doit-on aller chercher un médiateur à l’étranger pour régler note crise ? Grande question qui se pose aujourd’hui.

Laisser un commentaire