Bénin : comment Nago a sauvé la justice béninoise

L’examen en plénière de la proposition de loi portant suppression du droit de grève aux magistrats s’est soldé par un renvoi sine die par le président de l’Assemblée Nationale , faute de consensus. Une situation favorable aux magistrats.

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A la suite de la suspension formulée par le président de l’Assemblée Nationale au terme de la discussion du mardi dernier en plénière sur le premier rapport déposé par le groupe de travail ad’ hoc, les députés de la majorité parlementaire ont élevé de vives protestations. A en croire leurs propos, il n’y a pas lieu de transmettre le rapport à la commission des lois. En revanche, pour les députés de l’opposition, le président a bien fait d’affecter ce rapport à la commission des lois conformément aux dispositions du règlement intérieur de l’institution parlementaire. « Si on n’arrivait pas à un consensus, ç’aurait été un drame. Ce que nous faisons est nouveau. Je n’ai jamais vu de ma vieille vie de parlementaire qu’on cherche un consensus sur une proposition de loi. Une majorité veut de la loi, une minorité n’en veut pas, on passe au vote et dans un pays démocratique, la majorité l’emporte. En recherchant tout le temps le consensus, on permet  à la minorité de brimer la majorité. Monsieur le président, faites-nous voter la proposition de loi et la minorité se réfère à la Cour constitutionnelle. S’ils n’ont pas satisfaction, qu’ils s’adressent à la Cour africaine des droits de l’homme, s’ils n’ont pas satisfaction, qu’ils s’adressent au Bit, s’ils n’ont toujours pas satisfaction qu’ils s’adressent à New-York à la Cour internationale des droits de l’homme. Si cette Cour là tranche, nous reprendrons le processus  à zéro » s’indigne le député Sacca Lafia. Il sera appuyé dans sa logique par d’autres députés tels que Soulé Sabi Moussa, Sofiath Schannou, Grégoire Laourou, Djibril Débourou et d’autres. D’avis contraire, les députés Eric Houndété, Lazare Sèhouéto, Charlemagne Honfo, Jonas Gbènamèto, Kolawolé Idji, ont applaudi le président Nago pour avoir respecté les textes et recherché le consensus. A la suite de ces discussions sur le premier rapport du groupe de travail, le rapport a été finalement affecté à la commission des lois0. Mais le président Nago a pris soin de rappeler à ses collègues le contexte dans lequel le groupe ad’ hoc a été mis en place et la mission qui lui a été assignée. Après une suspension d’environ deux heures , les députés sont revenus en salle pour poursuivre les travaux. Ainsi, la commission des lois a donné lecture de son rapport avec un certain nombre d’appréciations. Mais les députés de la majorité parlementaire ont suggéré que ce rapport soit voté sans aucun consensus. Mais le président Nago, se fondant sur les dispositions de l’article 48.2 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, a dû exiger la recherche de consensus. Finalement, ne s’entendant pas et de l’analyse faite, il ressort qu’aucun consensus n’a été trouvé. Chaque partie étant restée sur sa position. Le président Nago a dû prendre ses responsabilités en renvoyant sine die la proposition de loi.

Rapport intégral de la commission ad’ hoc

Le rapport du groupe de travail ad ‘hoc chargé de faire des propositions consensuelles au blocage constaté lors de l’étude de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi N° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature.

La commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme s’est réunie immédiatement le mardi 05 août 2014 pour examiner ledit rapport. Après avoir pris connaissance du rapport, les membres de la commission ont constaté ce qui suit :

1-Une première proposition : assurer le maintien du droit de grève reconnu par l’article 31 de la constitution et l’encadrement par une loi de l’exercice de ce droit. Ce droit pourrait éviter le blocage et la paralysie du système judiciaire en préconisant la limite du temps de grève en période à déterminer.

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2-réestimer les dispositions des articles 15 et 16 de la loi N° 2002-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin qui consacre le service minimum obligatoire ainsi que le droit des autorités à procéder à la réquisition.

A cet effet, le droit d’aller en grève ne pourra être décidé que par la majorité absolue des membres composant l’assemblée générale des magistrats.

Cette décision pourrait être adressée au garde des sceaux qui disposera d’un délai de 45 jours à 60 jours pour rechercher les solutions au problème posé.

Si aucune solution n’est trouvée dans le délai, les magistrats saisissent le Conseil supérieur de la magistrature qui disposera à son tour de 45 à 60 jours pour la recherche d’autres solutions.

L’échec de toutes ses démarches peut amener les magistrats à aller en grève.

La deuxième proposition porte sur les trois points ci-après :

Le droit de négociation et le droit de syndiquer doivent être maintenus aux magistrats. Le droit d’appartenance des magistrats aux partis politiques reste interdit conformément aux dispositions de l’article 12 de la loi N° 2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature en République du Bénin.

Le droit de grève doit être retiré aux magistrats comme ce fut le cas pour les douaniers.

Poursuivant les discussions, les membres de la commission ont constaté que le groupe de travail n’a pu réussir la mission qui lui a été confiée. Ce rapport indique bien qu’aucune solution consensuelle n’a été trouvée, chaque partie étant restée sur sa position.

Certains commissaires ont rappelé que la deuxième proposition fait partie des amendements rejetés par la commission et qu’elle ne peut revenir sur sa décision.

Quant à la première proposition, n’ayant pas reçu le consensus recherché, ne peut faire objet d’aucune décision de la commission.

La commission constate alors qu’aucune évolution n’a pu intervenir, le statut quo ante  doit prévaloir.

Voilà monsieur le président, la substance du rapport adopté par 11 voix contre 2 voix, que la commission prie de soumettre à l’appréciation de la plénière.

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