Quand les historiens se pencheront demainsur les dernières années de la fin du second et dernier mandat de Boni Yayi, ils pourraient sans conteste mettre en bonne place le discours de Bopa comme le vrai tournant, l’élément déclencheur du changement du destin ou de cap du régime comme les jours et mois prochains ne manqueront pas de nous le prouver.
Un régime que le président Nago, de son propre aveu a servi corps et âme «au prix de sa santé», expression maintes fois répétée dans son intervention historique de l’autre jour à Bopa. Et, comme l’histoire, ainsi que nous l’ont enseigné nos maîtres d’école, est le récit des évènements passés, nous retiendrons avec les spécialistes de la narratologie qu’il faut toujours un élément «perturbateur» pour provoquer le rebondissement nécessaire à la progression normale d’un récit. Sans élément perturbateur, le récit ressemble à un long cours d’eau qui dort. Or l’histoire de l’idylle enflammée entre le Docteur Boni Yayi et le Professeur Mathurin Nago a commencé en 2006 et s’est poursuivie jusqu’au discours de Bopa comme un long fleuve tranquille rarement perturbé par ce que l’opinion percevait comme une mise au pas de la deuxième institution de contre-pouvoir et la volonté publiquement affichée par son président de ne rien faire pour contrarier l’hyper-président qui voulait tout contrôler. C’est l’époque où l’Assemblée Nationale était perçue comme une caisse de résonnance, le 31ème ministère, disait-on et son Président, Mathurin Coffi Nago, comme « la voix de son maître », avalant beaucoup de couleuvres. L’époque où le Président Yayi lui-même, pince-sans-rire, a déclaré publiquement en mettant les rieurs de son côté : «quand je dis pin…in in, le Président Nago disait pan…an an !», deux onomatopées symbolisant le siffement du train. Tous ceux qui avaient connu le Président Nago comme un brillant Professeur titulaire de la chaire d’agronomie devaient constamment se déciller les yeux pour savoir si c’était toujours le même homme au caractère bien trempé et pétri de l’esprit cartésien qui fait la force des hommes de sciences. Ils ont dû se convaincre que la politique a ses raisons que la raison elle-même ignore.
Or à Bopa, nous avons entendu des proposd’une rare gravité sur la gouvernance Yayi et les menaces graves qui pèsent sur le processus démocratique qui auraient fait pâlir de jalousie les quelques opposants encore présents dans le microcosme politique. Les entreprises de déstabilisation menées contre lui sont des faits marquants de la méthode Yayi maintes fois dénoncée dans ces colonnes, méthode qui consiste à souffler le chaud et le froid, à dire une chose pour faire son contraire. Venant de la bouche de la seconde personnalité de l’Etat, ces propos ont une résonnance et une signification particulières. On ne peut pas balayer d’un revers de la main les péripéties rocambolesques du bitumage de la bretelle de 1Km 200 comme de simples propos de politiciens devant des militants d’un parti. Cinq ans pour construire une portion de route sur le tronçon du carrefour Zougbonou à Bopa, ce n’est pas peu ! Il en est de même des propos sibyllins sur le vote du budget exercice 2014 et ceux relatifs au rejet de la proposition de loi sur le retrait du droit de grève aux magistrats. Désormais plus rien ne devrait être comme avant. Nago a cette fois-ci rompu les amarres avec sa mouvance et son message est bien passé dans son camp, à en juger par le cafouillage des interventions tous azimuts dans les médias d’ici ou d’ailleurs ces deux derniers jours.
Les démocrates devraient se frotter les mains et éviter de bouder leur plaisir de voir la deuxième plus grande institution de la République se retrouver dans son costume de contre-pouvoir. Il faut mettre fin ici et là aux critiques sur les errements passés de Mathurin Nago. Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! Un grand révolutionnaire avait déjà prévenu qu’il faut savoir distinguer la contradiction principale des contradictions secondaires qui trouveront toujours solution, lorsque la contradiction principale aurait été résolue. Il faut donner acte au président Nago de cette déclaration importante relative à la préservation des acquis démocratiques du peuple béninois que nous citons in extenso : «Je dois donner l’exemple parce que la nation béninoise a besoin que sa démocratie soit préservée, soit consolidée. Nous devons nous battre pour ça. Si quelqu’un ne l’a pas encore compris, si certains ne l’ont pas compris, nous devons continuer de les informer, de les sensibiliser, de leur montrer que c’est dans leur intérêt de respecter les principes et les règles démocratiques que le peuple béninois s’est librement donnés parce que on peut être pris de certaines envies, ça peut se comprendre. Donc il faut pouvoir aider les uns et les autres pris de certaines envies, il faut les aider à comprendre que ce n’est pas dans leur intérêt». Du haut de son fauteuil de président de la Représentation nationale, Nago a un rôle capital à jouer pour faire échec aux velléités de 3ème mandat, comme il l’a fait pour le vote du budget et la proposition de loi scélérate sur le retrait du droit de grève aux magistrats. Et pour toutes ces raisons de veille citoyenne, il ne doit plus reculer.
Laisser un commentaire