Le Bénin devient progressivement une terre de grande criminalité. La fréquence des braquages et les actes de grande criminalité en donnent le ton. La police qui devrait s’occuper de la sécurité des béninois semble être dépassée par les évènements. Plus grave, elle donne l’impression d’être complice de la flambée de l’insécurité.
L’assassinat le lundi 12 Mai 2014 du gardien de paix de deuxième classe Sergio Dènon avait surpris plus d’un. Jamais jusqu’ à ce jour, on avait vu un flic tomber sous des balles d’un gangster. Les Béninois étaient habitués aux braquages depuis celui historique de Financial Bank en 1997. Mais toujours, on compte les victimes parmi les personnes braquées qui tentent de tenir tête aux malfrats. Jamais donc, ces malfrats à la quête de l’argent ne s’en sont pris aux forces de l’ordre. Et d’ailleurs les rares heurts entre les deux corps ont toujours tourné à l’avantage des policiers. Ce jour, ce fut la première fois qu’ils s’en prenaient à un policier qu’ils abattent de sang froid alors que ce dernier tentait de les liquider pendant qu’ils attaquaient la Clcam de Mènontin. On croyait à un évènement passager, vu que le flic en question s’était trop imprudemment comporté. Et que les policiers vont rependre bientôt la main. On était à mille lieues d’imaginer que les malfrats venaient d’inaugurer une nouvelle ère. Ils avaient dû comprendre, après avoir commis plusieurs braquages au Bénin, que les Béninois n’étaient plus leur problème. Que peureux qu’ils sont, ils ne résistaient pas à la présence des armes et les laisser facilement prendre les butins et partir. Mais les seuls qui leur tenaient tête et les liquidaient sont les forces de l’ordre. Et alors, ils ont décidé de s’en prendre à eux. Ils venaient ainsi de déclarer la guerre à la police. Un peu plus d’un mois après, deux malfrats sur moto, revenant d’un braquage bien réussi, tirent à bout portant sur un policier en faction sous le passage supérieur non loin de l’église Notre -Dame. Ce dernier n’a pas eu le temps de réagir avant qu’ils ne l’abattent de sang froid. Depuis, l’attaque de la police est systématique. Le jeudi 21 août, un comptable de la société Cdpa a été abattu, le policier censé le sécuriser n’a eu la vie sauve qu’en prenant la poudre d’escampette. Il s’en est sorti avec quelques blessures. Lors du braquage de Jericho par contre, trois policiers ont été froidement abattus.
Un problème d’abord de formation
Mardi dernier sur les lieux du braquage à Jericho, le mécontentement de la population contre les agents de police était total. De ça et de là, on entendait les injures proférées par des populations qui crient leur ras-le-bol face à une police qui non seulement n’arrive plus à la sécuriser mais devient trop persécutrice à son endroit. Sur les lieux, les témoins déplorent le manque de professionnalisme dans l’intervention des policiers. « Ils sont entrés dans la rue sans aucune précaution et se sont retrouvés nez à nez avec les malfrats qui ont tiré sur eux les premiers. Ce qu’ils ont fait est trop bête. Même moi qui suis ici je n’allais pas me comporter ainsi », déplore un témoin du braquage. Ils n’ont même pas cherché à savoir la manière dont ils racontent comment un seul braqueur a réussi à descendre comme dans un western trois des quatre policiers venus pour l’abattre lui. Chose plus grave, déplore-t-on, les policiers abattus proviennent d’un corps d’élite, les Raid dont on connaît les faits d’armes dans le pays. C’est comme si au jeu de cartes, un joueur sort son joker. En outre, il y a le fait que les policiers tués avaient porté les gilets par balle. Si à arme égale, à nombre égal, les malfrats prennent le dessus sur nos policiers, on peut bien douter de leur compétence pour affronter ces criminels. Il ne s’agit pas là d’un problème de manque d’équipements comme le chantent partout les responsables de la police mais d’un problème de formation. Tout porte à croire que les policiers ne sont pas formés pour affronter cette nouvelle forme de braquage en vogue actuellement. Et là, il y a nécessité de les recycler.
Une maison divisée contre elle-même
L’autre chose qui plombe l’efficacité de la police c’est la division interne. Lors de la prise de service du nouveau ministre de l’intérieur, le secrétaire général de la Synapolice, le commissaire Akodjènou Waidi a averti le ministre Simplice Dossou Codjo qu’il vient dans une maison divisée. Il n’avait fait que dire la vérité. On sait que les relations entre le Dg Louis Philippe Houndègnon et le Directeur de cabinet du ministre de l’intérieur Jean Tozé ne sont pas cordiales. On ne peut également pas citer ces nombreux autres commissaires qui n’osent pas afficher leur désamour publiquement contre Houndégnon. La police ne fonctionne plus comme une équipe, un système. Chacun y crée son système pour sauvegarder ses intérêts. On travaille les uns contre les autres. Le torpillage marche bien et on se demande même si le ver n’est pas dans le fruit ?
Trafics, corruption, complicité…
Le Dg Houndégnon ne cesse de spéculer sur le problème de l’adoption de nouveau statut pour les policiers afin que leurs salaires soient améliorés. En attendant cela, ils continuent allègrement de raqueter, de brimer et de vivre de l’argent de la corruption. On peut bien pointer du doigt la police dans la prolifération des armes. D’où viennent les armes utilisées par les braqueurs ? Si à nos frontières, les contrôles étaient rigoureux et si le dispositif sécuritaire efficace, les braqueurs ne pourraient pas avoir autant de facilité pour se déplacer avec les armes. On peut dire donc que la police a failli. On ne peut pas faire de sécurité sans renseignements. La police a-t-elle les moyens pour ? S’est-elle aussi donné le temps pour ? On a l’impression que les raquettes ne donnent plus assez de temps aux policiers pour fouiller, investiguer, vérifier, surveiller, espionner. Elle s’écarte progressivement de sa mission première et on se demande bien si elle n’est pas complice de la situation.