Tension sociale au Bénin : reprise de l’autorisation sélective des rassemblements politiques

Depuis quelques semaines, le Bénin retombe dans une déplorable situation qu’il avait connue en 2012-2013. Les meetings prévus par les forces politiques opposées au régime sont interdits. Pendant ce temps, les manifestations pro-gouvernementales se tiennent sans anicroches un peu partout dans le pays. Et le président Boni Yayi doit y mettre fin. Au nom des principes démocratiques et de la préservation de la paix et la cohésion nationale.

Ces derniers mois, le Bénin revit une vieille situation qu’il faut vigoureusement déplorer. Autorisés pour les groupes pro-gouvernementaux, les marches et autres meetings politiques sont interdits quand ils sont organisés par des creusets critiques vis-à-vis du régime.  L’évènement qui va sans doute attirer l’attention de plus d’un observateur de la vie politique béninoise est la marche des femmes dites « Bulldozers » à Parakou le week-end écoulé. Griottes dévouées de Boni Yayi, ces ferventes défenseures des actions du Gouvernement ont battu le macadam à Parakou ce dimanche 19 octobre pour marteler leur fidélité au chef de l’Etat. Après Cotonou, elles ont donc pris d’assaut le chef-lieu du département de Borgou ; cette ville géographiquement du centre et politiquement du nord Bénin. Pourtant, dans ce même Parakou, il y a quelques semaines, le meeting d’un autre groupe de femmes a été simplement interdit.

Liberté à double vitesse

C’était le 30 septembre. Les amazones, un groupe de femmes en rupture de ban avec le régime Yayi avait prévu un grand meeting d’échanges avec leurs « sœurs » de Parakou. Prévus pour se tenir à la salle d’alphabétisation de la ville, ces échanges devraient porter sur le thème « analyse critique de la gouvernance actuelle de notre pays». La manifestation -en salle close- a été interdite par les autorités municipales. Et ce, sous prétexte que ce mouvement des «femmes amazones du Bénin» n’est pas un «parti politique» ni une «association» enregistrée. Les autorités, rapportées par les femmes elles-mêmes, ont ajouté que les propos des Amazones ne pouvaient pas être encadrés. Le groupe de femmes bulldozers est-il un parti politique ou une association enregistrée ? Question ! Les femmes Amazones se sont alors rabattues sur un hôtel de la ville pour y tenir une conférence de presse. Elles l’ont fait. Mais l’hôtel a été militarisé. Tout avait donc été mis en œuvre pour empêcher cette rencontre qui prônerait un langage contraire au discours propagandiste, hypocritement ressassé par les pro-Yayi.

Parakou n’était pas un cas isolé. Dans le nord du Bénin, c’était la troisième fois, dans le même mois de septembre, qu’un rassemblement politique fut interdit. Les deux premières fois, c’était à Bemberêké et Nikki. A Bembereké, une rencontre politique des Fcbe (alliance politique pro-gouvernementale) de la localité qui a été interdite. Le comble ! Simplement parce que l’initiateur, le député Djibril Débourou est soupçonné d’avoir des atomes crochus avec le général Robert Gbian, probable candidat à la présidentiel de 2016. Le meeting de Nikki a été également interdite parce qu’organisé en son honneur. Pendant ce temps, les pro-Yayi multiplient marches et meetings de soutien et de remerciement  partout dans le pays. Et ce, presque tous les week-ends.

Comme au temps de la paranoïa et la « complotite »

Des maires et préfets, serviteurs zélés en mission commandée ou pas méprisent les principes de liberté d’opinion et de manifestation garantis par la Constitution béninoise. La situation fait penser à celle ayant prévalu au Bénin du second semestre de l’année 2012 au 28 décembre 2013. Pendant toute cette période, prétextant d’un certain plan des « ennemis de la République » contre la sécurité nationale, les autorités (préfet et ministère de l’intérieur) interdisaient systématiquement toute manifestation publique de groupes critiques vis-à-vis du régime. Ce cercle infernal a été brisé par les organisations syndicales avec leur marche pacifique et forcée du 28 décembre. Sur ordre du préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, le très « Placide » Azandé, cette marche de protestation a été sévèrement réprimée par les forces de l’ordre. Conduisant le Bénin dans plusieurs mois de crise « sociale d’intérêt politique». Ce temps d’autorisation sélective des grands rassemblements publics et politiques est visiblement de retour! 

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