L’image et les images du chef

L’image du chef. C’est, à la fois, le reflet d’une histoire personnelle, d’un parcours singulier, de visions et de choix strictement individuels. L’image du chef porte la marque de fabrique du chef. Les images du chef sont celles que lui fabriquent ses conseillers en communication. 

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Des images modulables, parce que adaptables aux divers contextes, circonstances et conditions de l’exercice d’une éminente charge : la Présidence de la République.

L’image du chef n’est pas à opposer aux images du chef. L’une peut s’ajouter aux autres et les compléter harmonieusement. Quand le Président Boni Yayi saluait d’un déférent « Papa » son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade, il sortait de toute disposition protocolaire. Il se laissait rattraper, tout simplement, par son éducation de base. Il a appris et compris, en effet, le respect dû à l’aîné dans les traditions africaines.

Les images du chef, aujourd’hui, au Bénin, privilégient deux principaux supports : la télévision, d’une part, la photographie, d’autre part. La télévision, à travers notamment l’Office de radio et de télévision du Bénin (ORTB). Les faits et gestes du Président sont filmés : ses audiences au Palais de la Marina,   ses déplacements, tournées et visites, à diverses fins, à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national. Les photographies, en grand format, sont affichées à des points stratégiques. Elles font poser le chef avec les femmes bénéficiaires de microcrédits. Elles engagent le chef dans diverses campagnes d’intérêt national : la journée de l’arbre par exemple. Elles montrent le chef en compagnie de ses homologues en visite officielle dans notre pays.

Intéressons-nous surtout à la communication d’images du chef à travers la télévision. Nous nous autorisons, ici, quelques remarques. On a compris l’importance de la télévision dans les stratégies de communication du chef. La télévision, dans notre contexte, c’est l’arme absolue. Mais une arme à double tranchant. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Profitons pour renouveler un de nos vieux souhaits : changer, sans délai, le canapé offert aux hôtes du chef de l’Etat, à des fins d’interview, au terme de leur audience avec ce dernier. Il n’est ni culturellement ni symboliquement heureux le détour que ce canapé nous fait faire. Franchement, il détonne. 

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L’utilisation quasi exclusive de la télévision nationale par le Chef de l’Etat a méchamment charcuté le statut de cet organe. Adieu le service public, ouvert à l’expression plurielles et équitable des forces vives de la nation. Bonjour le média d’Etat. Dans le silence assourdissant de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), institution de contre-pouvoir et de régulation. Dans l’enthousiasme empressé des responsables de l’office qui ne comprennent pas autrement leur mission.

L’utilisation quasi exclusive de la télévision nationale par le Chef de l’Etat rétrécit le débat national. « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ». (Fin de citation). Car c’est de la confrontation des idées, des visions, des projets que jaillira la lumière, synonyme du vrai savoir et de la vérité. Le discours d’un seul, dans le désert de toute parole, s’appelle un soliloque. Ainsi s’entend le discours d’une personne qui se parle à elle-même.

L’utilisation quasi exclusive de la télévision nationale par le Chef de l’Etat finit par surexposer l’image qu’il veut donner de sa personne à ses compatriotes. La surexposition, en communication, c’est ce qui arrive à celui qui reste sous les feux des caméras plus longtemps qu’il le faut, pendant un temps anormalement élevé. C’est le même personnage qui est vu et revu. Mais, au fur et à mesure, son image se décolore, se dégrade, s’use. La répétition et l’intensité ne sont bonnes et productives en communication que dans des proportions raisonnables.

L’utilisation quasi exclusive de la télévision nationale par le Chef de l’Etat pourrait, au finish, produire sur ses destinataires un phénomène de saturation, synonyme du trop plein qui fatigue, de l’overdose qui abrutit. A partir de cet instant, il n’y a plus communication, cette action dynamique entre des parties qui interagissent les unes sur les autres, en vue d’un résultat déterminé. La communication se nie et se renie, finit pas s’anéantir et à s’évaporer. Le rideau se lève sur un théâtre d’ombres. Heureux les privilégiés qui peuvent encore voir et comprendre de quoi il retourne. Comme on le voit, soliloque, surexposition, saturation, sont les trois « S » nuisibles à toute bonne communication. Que reste-t-il encore à faire ?  Zapper !

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