Présidentielles 2016 : pourquoi les économistes rêvent tant de nous diriger

On a assisté au Bénin, depuis 1990 à une prise en otage progressivement de la classe politique par les hommes d’affaires. Mais depuis quelques années, une nouvelle saison s’ouvre avec les banquiers et les économistes.  Sortis des facultés et grandes écoles d’économie ou d’études bancaires, ils rêvent tous de diriger le pays. Pour 2016, une demi-douzaine parmi eux s’apprête déjà. Pourquoi ?

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Leurs métiers ne les prédestinent pas trop à la politique et à ses intrigues. Habitués à rester dans le calme olympien des bureaux feutrés pour compiler les chiffres et compter les espèces sonnantes et émettre des analyses sur les activités économiques, ils se sont gardés pendant longtemps d’entrer dans ce monde grouillant et suspicieux où tribuns, roublards et beaux parleurs s’affrontent à qui mieux mieux. Ces dernières années, la donne a commencé à changer. Beaucoup parmi eux, ont pris goût à la chose politique et ont fait leurs entrées dans les formations politiques. Beaucoup d’ailleurs y ont parfois bien réussi et ont pion sur rue dans l’échiquier politique.  A eux, d’autres jeunes, ont emboîté progressivement les pas et c’est ainsi que ces professionnels, jadis très timides, ont commencé à émerger dans le milieu. Au Bénin, cette tendance a été très remarquée. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le tableau  des hommes politiques qui aspirent à diriger le pays pour s’en convaincre. On peut parler de Marcel de Souza, Pascal Irénée Koupaki, Abdoulaye Bio Tchané, Emmanuel Golou et aussi Robert Gbian – il est avant tout un intendant militaire – qui n’est pas moins un « financier » bien qu’il soit appelé pompeusement « Général » en référence à son dernier grade dans l’armée. Komi Koutché, lui aussi économiste, devrait faire quelques années en rade, le temps de boucler ses 40 ans constitutionnellement requis pour briguer la magistrature suprême. Mais ses ambitions sont en marbre. Qu’ils sont donc nombreux ces économistes qui rêvent de nous diriger. Les trois premiers cités sont issus de la très prestigieuse Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest(Bceao) qu’ils ont intégrée après des études en économie. Il s’agit des candidats potentiels qui prennent cette posture en attendant que d’autres se déclarent.

Sur les traces de 2 pionniers

Qu’est-ce qui peut alors expliquer ce subit engouement des économistes à la fonction présidentielle ? La première raison semble bien s’attacher à la volonté de faire comme d’autres collègues. Rappelons qu’en 1960 déjà, le premier homme politique qui a émergé est Sourou Migan Apithy, un expert comptable qui a passé le clair de son temps en politique qu’à compter de l’argent. Sous l’ère démocratique le meilleur exemple qui apporte crédit à cette thèse est le  président Soglo. Pendant son seul quinquennat, cet ancien fonctionnaire de la Banque Mondiale a réussi à ressusciter  économiquement un pays qui mourrait de sa propre mort. Il est évident que les économistes ne peuvent pas avoir l’estime dont ils bénéficient aujourd’hui si cet homme d’Etat n’avait pas réussi aussi extraordinairement son mandat. Mais plus proche de nous, il y a les exemples de Boni Yayi et de Alassane Ouattara, respectivement président du Bénin et de la Côte d’Ivoire. Tous deux sont issus de la Banque centrale. Le second ayant eu plus de succès que le premier. Il est donc évident que les exemples ont pu contribuer à ces ambitions. « Si cela a pu marcher pour lui, pourquoi pas moi », doivent-ils murmurer. Ainsi, lorsqu’en 2006, Yayi tentait de briguer la magistrature suprême, beaucoup parmi ses collègues de la banque centrale ne vendait pas trop sa peau. Son élection a dû faire un « tic » dans la tête des uns et des autres. En 2011, Abdoulaye Bio Tchané s’était déjà lancé dans la course, sans trop grand succès hélas. En 2016, on pourrait bien avoir entre cinq et six. Dans la plupart des pays africains et surtout au Bénin, il y a une grande affection pour les économistes. Dans l’imaginaire populaire, on les prend comme des thaumaturges à la limite. Un économiste, ça passe vite d’un juriste ou qu’un médecin. On croit qu’ils ont connaissance les circuits et les réseaux à l’international pour transfuser abondamment notre pays en ressources financières nécessaires pour déclencher les choses. Ils bénéficient donc d’un capital de considération appréciable. En 2005, plusieurs sources racontent que la propagande avait fait passer Yayi dans certains villages et hameaux où règne l’ignorance pour un fabricant de millets de banque, donc capable d’en partager assez s’il devient président.

A chacun…

Mais il y a une autre raison qui explique cette naissance de la vocation politique chez les économistes. Souvent, les économistes sont épaulés ou cooptés par des groupes financiers internationaux. Ces groupes passent par leurs bras politiques pour atteindre le cœur des pouvoirs. Une fois au pouvoir, ils gèrent avec eux, les problèmes de prêts, de dettes. Il s’agit d’une filière rentable pour les créanciers à cause des taux d’intérêts pratiqués. Ces présidents aussi en tirent leurs comptes. La gestion d’un Etat  n’est pas forcément une affaire d’argent. Souvent, plusieurs paramètres échappent aux économistes qui devraient être un peu embarrassés ces dernières années. Autant la brillante élection de leur collègue Boni Yayi les flattent et les encourage, autant son bilan peu séduisant, les amène à mettre un bémol à leurs différentes ambitions.

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