Les dix leçons d'un scrutin

Elles sont désormais derrière nous les législatives 2015. Quand le vin est tiré, il faut le boire. Les élections terminées, tirons-en des leçons. Pour faire court, limitons nous-en à dix.

1 – Un paysage politique éclaté. Le regroupement des forces politiques tarde à se réaliser. Le pays est morcelé en des fiefs auxquels s’identifient moins des hommes politiques que des seigneurs médiévaux. Ainsi, chacun chasse sur ses terres pour que vive et prospère, ici et là, le fils du terroir.

2 – La faiblesse célébrée. Les résultats proclamés par la Cour constitutionnelle ne consacrent pas un parti dominant. Les partis qui émergent du lot ont beau jeu de se prendre pour les meilleurs. Ils ne tiennent cette position que parce qu’ils sont des borgnes au pays des aveugles. FCBE qui arrive en tête n’est que le plus fort parmi les faibles.

3 – Le débat politique ajourné. Les idées étaient absentes de la campagne des législatives. Des injures, parfois grossières et indécentes, ont fait bon ménage avec des slogans et des déclarations d’intention. L’argent a circulé comme jamais. Les grands électeurs, tapis dans l’ombre, ont porté à la lumière des candidats. Incroyable pays où la politique se fait sans la politique et hors de la politique.

4 – Le marché des alliances contre nature est ouvert. Avec un paysage politique éclaté, l’inconsistance des groupes politiques en présence, l’absence de tout débat d’idées, l’autoroute s’ouvre pour des marchandages politiciens. A qui doit revenir le perchoir ? Qui va contrôler telle ou telle commissions ?  Comment doser le bureau de l’Assemblé ? Les magouilles de coulisses et de couvent prennent désormais le pas sur les soucis des populations. Comme pour dire à celles-ci : « Maintenant que vous avez voté, basta, oubliez-nous ».

5 – Le code électoral constamment violé. L’Etat de droit est encore une belle expression qui sert à enjoliver nos discours politiciens. Il tarde à s’inscrire dans nos réalités quotidiennes. Nous sommes, de ce point de vue là, des hors la loi qui s’ignorent. L’éducation à la loi pour une culture politique forte, voilà un chantier majeur et prioritaire.

6 – Les femmes hors jeu. On les attendait, pourtant, dans la foulée d’une campagne pour la parité qui a fait et qui continue de faire grand bruit. Mais, à l’arrivée, le constat fut amer : « Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ». Il ne peut en être autrement. Mal positionnées, au départ, sur les diverses listes, les femmes, à l’arrivée, ne pouvaient faire mieux.

7 – Les jeunes sur la pointe des pieds. Leur mobilisation, avant les élections, a pu faire établir une équation simple entre le démographiquement fort et le politiquement conquérant. Les moins de 30 ans représentent, en effet, plus de 60 % de la population du pays. Et il y a les exemples sénégalais avec « Y en a marre » et burkinabè avec « le balai citoyen ». Introuvable jeunesse béninoise. Est-ce exagéré de dire que la montagne a accouché d’une souris ?

8 – Le retard célébré. Ce fut la denrée la mieux partagée de ces législatives. Le Conseil d’orientation et de supervision (Cos-Lépi) a terminé sa mission dans le déshonneur. Retard dans la distribution des cartes d’électeurs. La commission électorale nationale autonome (CENA), nouvelle formule, a commencé sa mission dans le déshonneur. Retard dans la mise en place du matériel électoral. Retard dans l’ouverture des plusieurs bureaux de vote. Retard dans l’acheminement à son siège des résultats. Retard dans le démarrage de la conférence de presse convoquée pour annoncer les premières tendances. Oui, retard quand tu nous tiens !

9 – La guerre des technologies nouvelles a eu lieu. Face aux réseaux sociaux, l’Etat gestionnaire des élections a mordu la poussière. Le Nigeria voisin a eu à gérer 70 millions d’électeurs, contre 4 pour le Bénin, sur un territoire 15 fois plus grand. Le Nigeria a dégagé les premières tendances 48 heures plus tard, contre 5 jours pour le Bénin. Les réseaux sociaux nous ont livré, dès le soir du vote, ce qui n’était plus qu’un secret de Polichinelle.

10 – Rien de nouveau sous le soleil béninois. Les Béninois, sous le renouveau démocratique, ont participé à quatre élections présidentielles, à sept élections législatives. Qu’ont-ils appris et retenu de ce riche parcours ? Pas grand-chose.  Les élections se suivent et se ressemblent toutes. C’est dur à dire, mais disons-le quand même : « Qui n’avance pas recule ».

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