Bénin : des étudiants poussés à bout et livrés en chairs à canon

Des véhicules de guerre, des hommes en treillis armés  dans  des courses poursuites après des étudiants armés de projectiles réclamant contre gaz lacrymogène et bastonnades, le maintien de la seconde session que les autorités décanales de la Faculté des  lettres arts et sciences humaines (Flash) veulent leur arracher  du jour au lendemain. L’Université d’Abomey-Calavi passe  d’inquiétantes heures  troubles qui visiblement, sont la conséquence  d’une gestion rigoriste du haut lieu du savoir au Bénin.

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L’Université d’Abomey-Calavi est en ébullition. Le temple par excellence du savoir au Bénin est transformé  en champ de batailles rangées entre des forces armées et étudiants. Le bras de fer qui oppose les étudiants, notamment ceux de la Faculté des  lettres arts et sciences humaines (Flash) à leurs autorités décanales, a pris une tournure explosive depuis ce samedi 06 mai où les premiers sont passés plutôt que prévu, à l’action en déclenchant l’opération « campus mort » qu’ils avaient annoncée pour ce lundi 08 mai 2015.  Et comme d’habitude, les autorités décanales et rectorales  n’ont eu de réflexe que d’appeler policiers et militaires à la rescousse comme si l’Université subissait une agression armée. Résultat, étudiants et forces dites de l’«ordre» s’affrontent, projectiles, pneus brûlés contre gaz lacrymogène et matraques.  Ce qui devait être une manifestation d’humeur à l’intérieur du campus d’Abomey-Calavi a débordé sur la  voie principale Godomey-Akassato et dans les quartiers environnants où forces militaires et étudiants s’adonnent à un jeu du chat et de la souris. Tout ça pour quoi ?

Suppression de la seconde session

A l’origine de ces scènes de violences qui paralysent l’Université d’Abomey-Calavi, la suppression de la seconde session de composition. Depuis des lustres, le système d’évaluation dans les universités publiques au Bénin dispose de deux  sessions de composition dont la seconde dite de rattrapage comme sa dénomination l’indique permet à de nombreux étudiants d’éviter l’échec. Mais depuis le mois d’avril de cette année, les autorités décanales de la Flash, faculté la plus pléthorique de l’université, ont décidé de la suppression de cette seconde session. Raison évoquée, selon les responsables étudiants et des notes d’informations, l’application des dispositions du système Lmd en cours au Bénin depuis  03 ans.

Goutte d’eau qui a fait déborder le vase

La suppression de la seconde session, en réalité, n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Autorités décanales et rectorales de l’Université d’Abomey-Calavi, ont en réalité, poussé leurs apprenants à bout.  En début d’année, la suppression de la gratuité d’inscription à l’Uac avait provoqué un bras de fer épique dans lequel un étudiant serait mort. Avec l’aide des forces militaires armées, l’équipe du recteur Brice Sinsin, avaient réussi ce coup. Ce succès engrangé, les autorités sont passées à un niveau supérieur. Par arrêté rectoral « N° 011-15/Uac/Sg/Vr-Aaru/Se » du 10 mars 2015 les autorités rectorales  fixent  à « 3500 F Cfa », le coût unitaire de reprise d’Unité d’enseignement (Ue) au premier et au deuxième cycle de formation dans le système Lmd à l’Université d’Abomey-Calavi. A cela s’ajoute à la Flash, « la suppression, cette année académique en cours, de la session de rattrapage qui donne une seconde chance d’admission à de nombreux étudiants ». Selon les responsables des organisations syndicales estudiantines, cette décision a été précisément prise le 23 mars 2015, en pleine année académique, par le Comité de direction (Codir) de la Flash présidé par le doyen de ladite faculté, le professeur Flavien Gbéto. « Trop c’est trop, c’est le comble de nos malheurs » disent les étudiants qui  ont décidé de réagir énergiquement pour dire « non ».

L’enfer des étudiants à l’Uac

Ce que vivent les étudiants à l’Uac est inouï pour leur époque. Ce que les autorités rectorales appellent système « Lmd » ne l’est pas. Du moins, au regard des conditions de son application dans cette université. « Tenez ! Pour me limiter à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines où j’exerce, je puis dire sans être démenti que face à la masse écrasante des étudiants (aujourd’hui plus de 40.000 soit 47,5% de l’effectif des inscrits à l’Uac au cours de l’année académique 2012-2013), nos conditions de travail à tout le moins dramatiques ne prévalent ni en Espagne ni en France où elles auraient entraîné la rébellion : pas assez d’enseignants qualifiés, pas assez de locaux, pas d’ordinateurs ni pour les enseignants ni pour les étudiants, pas de bibliothèques dignes de ce nom, pas assez d’outils pédagogiques… Faire un cours avec vidéo projecteur dans notre Faculté s’apparente à un parcours du combattant et pas seulement en raison de l’alimentation erratique en courant électrique…on travaille une semaine sur deux et, pendant la semaine travaillée, on fait asseoir les étudiants de 7h à 19h (sans interruption) pour leur dispenser des cours soi-disant. Samedi, dimanche et jours fériés y compris.  Le système en vigueur depuis quelques années est le Lmd, un système d’enseignements et d’évaluations semestrialisés. Sans donner les résultats d’un semestre, nous trouvons normal de nous engager, sans état d’âme, dans le semestre suivant… nous avons donc dû arrêter brutalement les cours sans avoir exécuté 50% du programme. La frustration est grande. « C’est  avec le cœur gros que personnellement j’ai dû annoncer aux étudiants que j’arrêtais tout alors qu’on se préparait à entrer dans la phase capitale de l’étude des œuvres au programme…» écrivait  l’an  passé, Guy Ossito Midiohouan, professeur Titulaire de lettres à l’Uac et par ailleurs nouvelliste, essayiste et critique littéraire connu pour son franc parler. Et quelques mois après, comme si c’était du –excusez l’expression- « le chien aboie la caravane passe-, c’est à la Flash où rien n’a changé, pour ne pas dire ça va de mal en pis, que l’on décide de supprimer la seconde session aux étudiants. Autant science conscience est ruine de l’âme, autant une gestion rigoriste des affaires académiques en marge des réalités, est ruine de l’avenir des étudiants et par ricochet de la jeunesse béninoise

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