2016 : le Bénin au test des mythes

Avant toutes choses, qu’est-ce qu’un mythe ? La définition au plus près de notre propos, la voici :  » Image simplifiée, souvent illusoire, que des groupes humains élaborent ou acceptent au sujet d’un individu ou d’un fait et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou dans leur appréciation ». (Fin de citation)

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Les Béninois, à quelques mois de l’élection présidentielle, se soumettent au test des mythes relatifs à l’image de l’homme ou de la femme le mieux à même de conduire les destinées de leur pays. L’exercice révèle les méandres de leur inconscient. Il trahit leur conception du pouvoir d’Etat. Il situe sur l’idée qu’ils se font de la personne qui peut l’incarner le mieux. Cinq « images simplifiées, illusoires », émergent. Examinons-les l’une après l’autre.

1- Le milliardaire. Depuis que les Béninois ont fait du milliard leur unité de compte, la plupart d’entre eux pensent que le salut de leur pays viendra d’un Crésus. Quelqu’un qui a plein d’argent et qui peut, chaque fois et toutes les fois, ouvrir large son porte-monnaie pour soigner les bobos du pays.

C’est normal que l’on pense ainsi dans un pays où, en quelques décennies, l’argent a impacté négativement les mentalités, malmenant les rapports humains, fracassant les valeurs, désacralisant tout. Dans ces conditions, l’homme riche a tôt fait de germer dans l’imaginaire de plus d’un. Il est tenu pour  un magicien, un faiseur de miracle, le maître du ciel et de la terre.

2 – Le banquier. C’est un mythe ancien. Un mythe tout usé à force d’usage. Car « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». On peut savoir bien gérer l’argent des autres et ne pas savoir gérer la première richesse d’un pays : l’homme.  

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3- Le diplômé. Le mythe du diplôme, toujours à l’honneur dans notre pays, assorti de grands et gros titres, a enfanté le diplômé omniscient et omnipotent, à la dent longue. Le diplôme, croit-on, ouvre toutes les portes, en particulier, les portes du pouvoir d’Etat. C’est ainsi que plus d’un se voit déjà gravir les marches du palais de la Marina ou trôner sous les lambris dorés des appartements présidentiels.

Grosse confusion entre le diplôme qui situe sur un niveau de connaissance dans un secteur donné et la capacité d’un individu à conduire le destin de tout un peuple. Autant le dire ainsi : il n’y a, au monde, aucune institution qui délivre un diplôme pour conduire les destinées d’un peuple. S’il devait en être autrement, l’université, qui concentre le plus de haut diplômés au mètre carré, serait le centre du pouvoir d’Etat.

4 – L’oiseau rare. Est rare ce qui, dans un environnement donné, n’est pas de l’ordre du commun, sort de l’ordinaire. Dans ce qui est rare, l’étrange et l’étranger se télescopent. Qu’on pense à l’expression fon « Zo dja gué ». Ainsi les nôtres désignèrent les premiers Blancs qui accostèrent les plages de Gléhoué (Ouidah). Aller chercher l’oiseau rare pour administrer la cité, c’est reconnaître qu’aucun oiseau, ici, n’est bon pour l’emploi. Cela vaut un aveu d’impuissance et d’incapacité. « Je remets mon destin aux mains et au compte de celui-là que je connais à peine. Je prends le risque de lui délivrer un chèque en blanc ». La sagesse des nations nous aura pourtant prévenus : « A beau mentir qui vient de loin ».

5 – Le messie. Pour rester au plus près des origines hébraïque et latine du mot, le messie, c’est le libérateur désigné et envoyé par Dieu. Transféré en politique et dans un espace laïc comme le nôtre, le messie, c’est le sauveur. C’est cet être extraordinaire attendu par tout un peuple. Lequel avouerait son impuissance à trouver en son propre sein les semences de sa renaissance. Lequel confesserait son incapacité à forger les armes miraculeuses pour assurer son propre développement. Le salut viendrait ainsi d’ailleurs et des autres. Un peu comme pour reconnaître qu’on a rien, qu’on n’est rien. Avouez que c’est un déni d’identité.  A comprendre comme un déni d’humanité. Parce qu’on refuse d’assumer sa condition d’homme en répondant à la seule question qui vaille. Celle, dans la parabole des talents, du maître à son serviteur, sinon du Dieu créateur à chacun des hommes, ses créatures : « Qu’as-tu fait des talents que je t’ai confiés ? »

Trêve de mythes. Il n’est que temps de nous réveiller. Il n’est que temps de prendre possession de notre esprit pour penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Car personne ne sauve personne. On se sauve soi-même. A nous donc de décider. Avec discernement et en toute lucidité.

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