Au lendemain des élections

Qu’on ne s’y trompe pas : la période post électorale va bruire pendant quelques temps encore des rumeurs et de la fureur des élections. Tel Zinsou qui rit et Sagbo qui pleure, les élections laissent certains dans la joie et certains autres dans la désolation.

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Le succès s’accompagne des ingrédients de la fête. Les héros du jour sont portés en triomphe. La défaite, dit-on, est orpheline. Celui qui la subit s’oblige à la mâcher, telle de la kola amère, tout seul dans son coin.

L’armée de tous ceux qui ont mordu la poussière, à la suite des deux élections que nous venons de vivre, est plus grande, plus vaste que nous ne le pensons. Nos défaits éplorés vont devoir accepter de quitter la scène violemment éclairée de l’actualité. Ils sont désormais promis aux cachots obscures de l’oubli. Et personne n’aime point lâcher la proie pour l’ombre.

C’est plutôt commode de ranger sous un seul et même étendard ceux qui, à divers titres et à divers niveaux, ont perdu les élections. La vérité, c’est que ceux-ci ne doivent pas être logés à la même enseigne, quant à leur état d’esprit, quant à leurs motivations. Sous la couverture unique de la défaite, chacun égrène ses sentiments et ses ressentiments, chacun y va de ses   déterminations.

Certains sont à étiqueter « Frustrés ». Et le frustré, c’est celui qui se sent privé d’un bien, d’un avantage escompté, promis ou attendu. C’est normal que le frustré aille crier sur tous les toits qu’il a été volé, qu’il a été truandé au détour d’un scrutin biaisé pour dire les choses ainsi.

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Certains autres sont des révoltés. Ils pensent moins au scrutin qui, selon eux, ne serait pas des plus catholiques. Ils se désolent d’avoir ouvert large leur porte-monnaie pour des résultats plutôt étroits. C’est une autre manière de se faire voler, de se faire truander. Au départ, beaucoup d’argent dépensé. Mais, à l’arrivée, c’est « Adieu veau, vache, cochon, couvée ». N’avoir plus que ses yeux pour pleurer. C’est une expression française. Elle signifie « avoir tout perdu ».

D’autres, enfin, s’affichent « aigris ». Parce qu’ils sont fâchés. Fâchés contre tout le monde. Fâchés contre toute la terre. Fâchés contre eux-mêmes. Ils digèrent mal leur défaite. Ils tentent d’en faire porter le fardeau à tous. A commencer par la République bananière que serait notre pays, un pays peuplé de pingouins que nous serions tous.

Que dégager, comme enseignements, de ce vacarme post électoral vu sous l’angle de la défaite des uns, sous le rapport de la déroute des autres ? Comment devons-nous interpréter les comportements divers, bien souvent atypiques, qu’affichent tous ces candidats recalés de nos dernières élections ? Pourquoi nombre d’entre eux, plutôt que de se taire et de digérer calmement leur défaite, choisissent d’étaler leur état d’âme et de se répandre en propos qui accusent et qui dénoncent ?

D’abord, on fait du bruit, plus pour se défendre, défendre ses intérêts que pour défendre les intérêts de tous. Nous sommes, ici, dans une logique individualiste, personnelle, voire égoïste. On règle ses comptes avec toute la terre parce qu’on a perdu une élection. N’aurait-il pas été plus utile de s’interroger sereinement sur les raisons d’une défaite, d’interroger la qualité d’un scrutin, à travers ses différentes phases, et de chercher à apporter, sur la foi de son expérience, des corrections qui s’imposent ? On illustrerait bien, en cela, l’adage selon lequel à quelque chose malheur est bon. On validerait l’idée selon laquelle la défaite d’un seul peut présager le succès de tous.

Ensuite, on fait du bruit pour exister. Parce qu’on estime que le silence exhale presque toujours une idée d’absence, de faiblesse, de mort.  Et personne ne voudrait se faire enterrer vivant. Alors, plus on crie, plus on se donne le sentiment d’exister. On se croit ainsi présent sur la scène publique, malgré la défaite. On se voit ainsi faire l’actualité, bien qu’étant hors de l’actualité.

Enfin, on fait du bruit, parce que c’est ainsi qu’on conçoit la politique au Bénin. Du reste, on aime faire du bruit partout. Dans les mariages comme dans les baptêmes. Au cours des obsèques, dans toutes nos célébrations. Plus on agresse les tympans des gens, plus on se convainc de faire bien ou de faire du bien. Autant nous ranger à la sagesse de ce proverbe arabe :  » Ta langue est un lion : si tu l’attaches, il te gardera ; si tu le laisses échapper, il te dévorera »

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