Les interrogations et inquiétudes suscitées par les propos de Talon

Conçue sur un petit format de 30 mn, l’interview de Patrice Talon continue de faire le buzz de l’actualité. Pour une première sortie médiatique après les affaires Pvi, empoisonnement et coup d’Etat, ce fut un coup de maître.

Publicité

Seulement l’éloquence de Patrice Talon, la pertinence de ses propositions n’ont pu dissiper les interrogations et les inquiétudes de bon nombre de béninois restés prudents et sceptiques  sur quelques déclarations de l’homme d’affaires.

Voici la 2è saison de la série Yayi-Talon. Depuis 2011, le premier accuse le second de vouloir attenter à sa vie. Mais avec le temps, l’assassin présumé a fait progressivement sa mue. Il a pris de l’étoffe. Aujourd’hui, on le sent dans la peau d’un sauveur venu pour sortir le peuple des griffes et des turpitudes du premier, le même qui accuse l’autre de vouloir attenter à sa vie. Et alors, l’interview n’avait donc qu’un seul but : vendre aux Béninois du « Patrice Talon ». Pour y parvenir, il faut polir cette pièce attaquée par les salissures et la rouille. C’est la raison du choix de cette sortie médiatique. L’opération a semblé marcher au regard de la sophistication de l’interview et des talents de grand politicien démontrés par le principal acteur. Tout était si beau, si propre, si raffiné. Mais comme aucune œuvre humaine n’est parfaite, on a pu déceler des insuffisances, des couacs et des inquiétudes dans son discours. Première interrogation : Talon était-il « un compétiteur né » ? Cela surprendrait maints Béninois. Longtemps durant, il est apparu comme un opérateur économique égoïste, allergique  à la concurrence qui ne souffre pas de voir un autre mener la même activité que lui. Pour ceux- là, il n’était pas un compétiteur mais quelqu’un qui recherchait sans cesse le monopole sur la filière coton. Il a réussi ainsi à éjecter d’autres opérateurs comme Francis da Silva et Martin Rodriguez de la filière. Deuxième interrogation : « Talon n’a-t-il pas vraiment sollicité une faveur des gouvernants pour la promotion de ses affaires » ? Là, il doit mieux expliquer aux Béninois comment a-t-il pu gagner le Pvi et comment a-t-il réussi à prendre le contrôle entier de la filière coton en y extirpant les autres acteurs s’il n’a pas le soutien ou la faveur du gouvernement ?  «  La fortune n’est pas mon leitmotiv », dit Talon. Cela suscite une troisième interrogation : pourquoi a-t-il abandonné dans les années 90 son premier métier d’enseignant pour se lancer dans les affaires ? Sur les raisons du choix porté sur Boni Yayi en 2006, Talon parle de soucis de modernisation de la gouvernance qui le pousse à aller chercher un technocrate. Si ce n’est que cette unique raison, le profil de plusieurs autres candidats, technocrates bons teints, pourrait mieux retenir son attention. Dans certains milieux, il se susurre que le soutien de Talon à Yayi en 2006 avait été consécutif à un accord qui lui permet de contrôler certains leviers économiques du pays.

Economie de vérité

La cohérence notée globalement pendant cette interview a fléchi lorsque Patrice Talon parle du 2è mandat de Yayi. « Il faut avouer qu’au terme du premier mandat, le bilan n’était pas élogieux ». Pourtant cela ne l’a pas empêché de financer la campagne de Boni Yayi pour faire le K.o. Autre économie de vérité, le néo politicien semble s’enorgueillir du bilan du premier mandat. « On peut reconnaître que le premier gouvernement du régime a été à la hauteur des attentes avant que les choses ne se dégradent au fil du temps », dit-il. Ceci ne reflète pas forcement la réalité. On se rappelle que c’est au cours de ce quinquennat qu’on a connu les affaires Icc, Cen Sad et la chute abyssale du taux de croissance de notre économie que Boni Yayi a pourtant promis amener à deux chiffres. Au regard de tout ceci, on a des raisons de dire que le premier mandat aussi n’a pas été une réussite.

Réformes malaisées

En dépit de sa casquette de néophyte en politique, il a réussi à ravir la vedette à ses aînés en proposant des réformes profondes et pertinentes du système politique béninois. Il devient ainsi un pionnier dans ce sens dans la mesure où les hommes politiques nous ont habitués à la misère intellectuelle. Mais si toutes ces réformes sont pertinentes et judicieuses, on peut bien s’interroger sur leur faisabilité. Avec qui va-t-il mettre en œuvre ses réformes ? Au sein de la classe politique et de l’administration, le marchandage politique et la corruption sont les maîtres mots. Comment peut-il réussir à réviser la Constitution et à mettre en œuvre ces réformes si on ne règle pas en amont le problème du marchandage politique. Sur cette préoccupation, on peut bien s’étonner de voir Patrice Talon rester muet sur la pratique alors même que très fortuné, on le soupçonne déjà de vouloir acheter les leaders des partis et de déstabiliser les partis politiques pour gagner la présidentielle. Sur l’influence de l’argent dans le jeu politique, on peut bien s’étonner de ne pas voir Talon opérer de réformes dans ce sens

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité