Les mots de nos maux politiques

C’est sûr : la démocratie égalitaire est l’une de nos plus belles trouvailles. Un homme, une voix, sans autres considérations, c’est l’affirmation, dans le principe et dans les faits, que nous sommes égaux en droit et en devoir. Dans l’urne, par exemple, nous sommes censés avoir le même poids.

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La voix du milliardaire ne vaut pas plus que celle du dernier de nos miséreux. Devant la justice, nous sommes tous des justiciables. La loi ne veut pas savoir l’épaisseur de notre compte en banque. La loi ignore si notre poche est trouée. La loi, c’est la loi. La loi est dure, mais c’est la loi.

Voilà pour le principe. Avec lequel et par rapport auquel nous trichons constamment. L’égalité est ainsi constamment violée, insultée, piétinée. On ne peut refuser à un milliardaire béninois, dès lors qu’il en remplit les conditions, de vouloir conduire les destinées de son peuple. Mais s’il pose un tel acte à la seule raison qu’il est milliardaire et qu’il a capacité de faire remplir les urnes à son profit, autant dire qu’il a tout faux, qu’il fait du faux, qu’il est dans le faux. Sa motivation première, ne serait pas le bien-être d’un peuple qu’il doit se faire l’obligation de servir. Mais il chercherait plutôt à rebondir, en solo, sur son matelas de milliards. Il voudrait plutôt, à son avantage exclusif, accomplir des exploits olympiques : plus vite, plus loin, plus haut, plus fort.

Tout candidat à une élection présidentielle, qu’il soit riche ou pauvre, doit avoir un parcours politique. Autant que possible, sur place, dans son pays, un parcours connu de tous. Il doit justifier d’un engagement politique au quotidien, sur le terrain de l’action. Il doit avoir pour référence ses réalisations, appréciables et appréciées par tous, témoignant de son impact spécifique. Il n’est donc pas un atome libre qui n’en fait qu’à sa tête ou qui n’est mu que par le vertige de sa fortune. Mais il s’identifie à un groupe, à une communauté, à un parti politique dont il porte les espérances, dont il traduit les rêves, dont il se fait le décrypteur rigoureux des aspirations. Il est donc tout, sauf une fleur sauvage et solitaire, surgit par hasard et sans raison, à la faveur d’une averse de saison de pluie. A l’image de tous les autres mythes qui peuplent le ciel présidentiel béninois, ceux du banquier, du diplômé, de l’oiseau rare ou du messie.  

En fait, la confusion, souvent sciemment et savamment entretenue, vidant la politique de tout sens, est à mettre au compte de l’ignorance et de l’inculture. Voilà la source de tous nos maux politiques. Evertuons-nous d’en citer quelques unes, égrenant quelques mots du long chapelet de nos maux politiques.

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Il y a la politisation de tout et de rien. Ainsi, la politique politicienne a tué le mérite dans tous nos examens et concours, pour ne prendre que ce seul exemple. Affichez une couleur politique et vous pouvez vous dispenser de composer. L’admission vous est assurée. Vous pouvez prendre fonction.

L’improvisation est le sport politique le plus pratiqué, la pratique politique la mieux partagée. Tout le monde est politicien. Tout le monde est magicien. Personne ne veut aller à l’école de la politique. Mais tout le monde veut s’illustrer dans l’arène politique. Les partis politiques se multiplient comme des jacinthes d’eau. Mais ils ont renoncé, depuis longtemps, à leur devoir constitutionnel d’animer la vie politique, de former leurs militants, de contribuer à construire une conscience citoyenne responsable. En lieu et place de quoi, ils excellent dans la distribution du riz et du fric, dans la fraude et la transhumance sans frontières.

La désertion des arènes de la pensée et de la réflexion par les intellectuels. C’est la sècheresse totale autour des idées qui doivent irriguer notre vie politique. Souvenez-vous de cette expression lapidaire d’Aimé Césaire : « Et les chiens se taisaient ». Car le silence de nos intellectuels, à couper au couteau, est un cancer qui nous ronge et qui nous mine. Là où l’on est en droit d’entendre la voie souveraine de l’esprit, éclairant les débats, frayant à l’audace des voies innovantes et novatrices, c’est à une chape de silence, voire d’indifférence, que nous avons affaire. Ceux qui ont le devoir de parler ne parlent pas. Ceux qui ont le droit d’écouter parlent à tue-tête. Oui, ne nous y trompons pas : nous sommes, bel et bien, au pays de tous les paradoxes

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