Municipales : un précieux baromètre de notre culture démocratique

Les élections législatives et surtout présidentielles ne donnent pas lieu chez nous à de violentes contestations postélectorales, sauf le cas compréhensible de 1991 ; mais c’était à Parakou, ville particulière placée arbitrairement par l’Administration coloniale dans la région septentrionale de notre pays, mais qui est géographiquement au Centre.

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C’était aussi au début du Renouveau  démocratique après 18 ans d’un règne sans partage du régime du PRPB. Mais  les élections communales et municipales ont été toujours suivies de violents rififis ; surtout après l’élection des conseillers d’arrondissement, des maires et de leurs adjoints. Trois lieux méritent d’être reconsidérés où nous devons dès l’abord déplorer la faible implication des OSC chargées des questions d’éducation civique et politique sur le chapitre très important de la connaissance et du respect strict des prescriptions du code électoral, à savoir :

1) le mode de désignation des conseillers élus ;

2) la juste compréhension du fameux article 400 différemment interprété selon que l’une ou l’autre des deux interprétations favorise ou non le pouvoir ;

3) la nécessité de renoncer aux voies de fait et autres manœuvres de blocage tant de la part des populations que des cadres et des représentants de l’Administration, de même que les manœuvres dilatoires de certains politiciens.

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Commençons par les deuxième et troisième points qui contiennent plusieurs rubriques. Avant tout, il s’agit d’attirer l’attention des préfets et de tous les agents de l’administration préfectorale sur le Préambule et l’article 35 de notre Constitution. Voyons donc ! A Bohicon, à Pêrèrè où ne sont en lice que des candidats d’une alliance de l’Opposition au poste de maire, en l’occurrence l’alliance  RB/RP ou l’Alliance Soleil, on a laissé se présenter deux candidats de la formation politique majoritaire ; ce qui n’a plus été le cas à Djougou et à Malanville quand la pluralité des candidatures au sein de l’alliance FCBE risquait de faire élire à la tête de la mairie, le candidat qui n’a pas l’onction du Boss ! Or, la loi ne nous dit que le maire est choisi au sein du parti ou de l’alliance qui a la majorité absolue des voix. Point ! Que se dégagent avant le vote un ou plusieurs candidats au sein d’un parti ou alliance de partis, c’est son problème. Cela pose un problème politique certes, parce que se trouvent questionnées la gouvernance et la discipline au sein de ce mouvement politique, mais il n’y a là aucun problème juridique ; à cause de ce principe de droit qui édicte : « qui peut le plus, peut le moins » ou « on ne discrimine pas là où la loi n’a pas discriminé » !  

Deuxième rubrique. Le niveau le plus important où la classe politique doit être informée pour sensibiliser à son tour les électeurs et les sympathisants, c’est le respect strict du code électoral, la proscription de voies de fait tendant à bloquer l’élection du conseil communal ou municipal. Sur les 77 communes, on n’a pas encore réussi à installer 10 conseils communaux ; c’est trop dans un pays félicité pour la qualité de son processus démocratique. Les gens doivent avoir la culture des recours devant les instances juridiques idoines et non tenter de se faire justice eux-mêmes, en avoir à l’esprit que ces recours ne sauraient être suspensifs !

Troisième rubrique. Le comportement de certains acteurs politiques prompts à recourir à des manœuvres dilatoires pour empêcher le déroulement  normal de l’élection des membres d’un conseil communal ou municipal est malsain. Ce disant, J’ai en mémoire les cas de mauvaise de foi et de tentatives de tricherie de la part de certains acteurs politiques des deux bords politiques, comportements choquants et indignes. Les alliances sont souvent négociées avec force grenouillages et coups-bas ; si bien que l’usage des procurations apparu en 2007 est devenu la règle ! Les négociations entre l’alliance RB/RP et l’UN et le PRD d’une part et les FCBE d’autre part pour le contrôle de l’exécutif municipal de Cotonou est un morceau choisi d’anthologie de sociologie politique. A ce sujet, j’en ai lu des verts et des pas mûrs dans les journaux ! De tous les titres des quotidiens, titres aussi extravagants les uns que les autres, celui de mon journal La Nouvelle Tribune m’a frappé : « la RB compose avec le « diable » pour conserver cotonou ». Voire !  C’est très simple d’avoir une juste compréhension des événements : il en est de l’action politique comme dans un duel au Far-West : en sort victorieux le cowboy qui réussit à tirer le premier ! Avant toute analyse, ayons à l’esprit ces éléments-ci :

  • Si avec ses 4 conseillers, les FCBE sont arrivées à arracher la moitié des membres du Conseil municipal, soit 2, ont pu caser les deux conseillers restants comme chefs d’arrondissement, c’est qu’ils ont monté très haut les enchères, avec la certitude qu’ils ont d’être les faiseurs de roi. Cela veut dire qu’ils ont été aussi approchés par le PRD et l‘UN tout prêts à leur concéder presque les mêmes avantages !
  • L’UN et le PRD ne veulent manifestement plus d’un Soglo et surtout LVS à la tête de la Mairie de Cotonou ; chacun bord avait son candidat et le tandem Azannaï-Djogbénou n’avait qu’une idée-fixe : propulser l’un ou l’autre des deux au poste de maire ! Dès lors, les exigences des amis d’en face étaient irréalistes et inacceptables dès le début des négociations :1) 3 postes dans l’exécutif municipal si LVS tient coûte que coûte à être maire, 2) 5 des 6 arrondissements de la 15ème circonscription électorale au PRD, 3 dans la 16ème à l’UN, 3) détention des postes stratégiques dans l’administration municipale (Départements des Finances, Département des Services techniques et Secrétariat Général). Koï ! A ce prix, LVS ne serait qu’un maire aussi dépourvu de pouvoirs que le Président d’Israël !
  • Lemed, un chanteur maintenant oublié, avait produit ce véritable tube avec ce leit-motiv : « Lorsque tu es en train de cueillir les feuilles de l’arbre, sache que quelqu’un d’autre a déjà cherché les racines !

Comme l’UN et le PRD étaient manifestement de mauvaise foi, il ne restait donc pour la RB que l’alliance ponctuelle et tactique avec les 4 conseillers FCBE. Il ne fut pas aisé de convaincre le Président-Maire Nicéphore Soglo d’accepter cette perspective ; il en était littéralement traumatisé : grand sentimental, il tenait à ce que la RB soit toujours fidèle à ses anciens partenaires avec qui elle avait été aux élections législatives et présidentielles en 2011 et avait été la cheville ouvrière de la conquête du perchoir par Maître Adrien Houngbédji en 2015; malgré le coup de poignard dans le dos de 1996 ! Les considérations suivantes tant de stratégie politico-électorale qu’historiques arriveront, espérons-le, à convaincre les plus sceptiques de la bonne foi de l’alliance RB/RP :

Un proverbe fon dit qu’on ne connaît pas bien le gaucher et le laisser manger plus que vous. Léhady Vinagnon Soglo et tous ses conseillers  connaissent bien Candide Azannaï et se doutent bien que « le samouraï de Jonquet » n’aurait eu lui dans sa volonté farouche de conquérir la Mairie de Cotonou, aucun scrupule à favoriser l’alliance des 10 conseillers de l’UN, des 13 du PRD et des 4 conseillers de FCBE ; d’où 27 conseillers, la majorité absolue ! Ce philosophe que j’ai côtoyé longtemps d’abord à l’ancien Département de Philosophie-Sociologie de l’ex-UNB et pendant 20 ans au Bureau Exécutif de la RB se défie de la Philosophie morale et politique, préférant les idées du florentin machiavel, auteur du Le Prince !

LVS n’a fait donc que devancer d’une courte coudée les manœuvres machiavéliques du tandem Azannaî-Djogbénou auquel curieusement s’est joint raphaêl Akotègnon. En politique, est un niais celui qui se laisse devancer par l’adversaire !

Dans l’Histoire contemporaine de l’Afrique et du monde, de telles alliances ponctuelles sont monnaie courante. Plus près de nous, souvenons-nous qu’Abdoulaye Wade et son PDS n’auraient jamais conquis la magistrature suprême au Sénégal s’il ne s’était pas allié à un moment donné avec d’Abdou Diouf ! En France en 2002, pour barrer la route au FN dont le Président d’alors Jean Marie LEPEN était arrivé second au premier tour de la présidentielle, toutes les forces républicaines s’étaient liguées contre lui. C’est souvent le cas dans toutes les élections lorsque l’alliance PS, RPR, UMP et maintenant Les Républicains peut faire battre le candidat du Front National !  Et il y a les alliances tactiques de Mao avec le Kouo-Min-Tang de Tchang Kai Tchek, les Viêt-Cong et le FNL avec le Gouvernement pro-occidental du Général Thieu.

Ce n’est pas un Mur de Berlin qui sépare les FCBE et les partis de l’Opposition, c’est le jugement à porter sur le régime Yayi. A part cela, il n’y a aucune raison qu’ils se regardent en chiens de faïence.

La troisième rubrique de ces deux  points concerne la mauvaise foi et les manœuvres dilatoires. Certes, malgré toutes  ses insuffisances, notre culture démocratique est en marche ; mais prenons garde de ne pas laisser s’accentuer ces travers pour que les élections de 2020 ne connaissent pas les mêmes insuffisances. Un député n’est pas un pestiféré mis en quarantaine ; au cours de son mandat, peuvent se présenter à lui plusieurs opportunités comme être appelé par le Chef de l’Etat à être ministre dans son gouvernement, avoir envie lors des élections municipales de tester sa popularité en se présentant comme conseiller communal ou municipal et de se faire élire maire. Rien là d’anormal et si la Constitution et Code électoral l’avaient interdit, la Cour Suprême dans le cas d’un député voulant devenir conseiller communal puis maire et la Cour Constitutionnelle dans le cas d’un maire se présentant aux élections législatives, se seraient opposées à l’amont. Rien de tout cela dans notre pays en avril et en juin 2015.  D’où vient alors le ramdam agité par certains  le jeudi 30 juillet 2015 ? Le plus curieux est que les élus d’un parti aussi respectable que le PRD aient suivi le tintouin!  Sursum corda ! Notre pays comme un vieux matelas dont tous les ressorts sont en train de se casser, connait un grave affaissement systémique dans les comportements classiques d’une formation sociétale : les organisations de la société civile, la classe politique, l’Etat, le Chef de l’Etat. Ne continuons pas à battre notre coulpe sur la poitrine de Boni Yayi dont le leadership est certes questionné, mais nous sommes au premier chef tous coupables de la situation actuelle de notre pays, nous ses élites vingt-cinq ans après la Conférence Nationale. Nous n’avons plus apparemment aucune once de patriotisme quand des détournements en milliards sont monnaie courante et n’émeuvent plus personne. La clase politique est totalement déboussolée et complètement absente des grands débats nationaux, plus médiocre que devant. Aussi parmi le quarteron de candidats à la présidentielle de 2016 (qui est dans 6 mois) aucun ne nous  présente un programme crédible

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