Politique et développement : duo ou duel ?

Ignorance ou simple jeu langagier ? Les Béninois, dans leur discours public courant, opposent deux concepts : politique et développement. Ils en font deux ordres de réalités, disposés en deux pôles opposés aussi bien dans le sens que dans la signification. Le développement serait l’incarnation de la vertu.  La politique serait la personnification du mal.

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Pour le Béninois, en effet, la politique est le champ clos de tous les coups bas. Tendres et enfants de chœur, s’abstenir. Et le politique, tout comme le politicien, l’un et l’autre étant mis dans un seul et même panier, c’est le diable, dans tous ses faits et méfaits, dans tous ses tours et détours.

Le développement, par contre, c’est le progrès, expression du bien être et du mieux vivre en actes. Un soupçon de lumière.  Un zeste de satisfaction. Une pincée de contentement. Pour le commun des Béninois, développement et bonheur se confondent. Le développement emprunte, en effet, les autoroutes qui conduisent vers la terre promise. Par le développement, on grandit, on se réalise, on s’accomplit.

Ainsi s’entretient entre politique et développement une réelle ambigüité, source de grande confusion. Quel beau et magnifique mot serait la politique si l’on s’en tenait à son sens   étymologique de « Construire la cité » ? « Polis », chez les Grecs.  « Politicus, chez les Latins. Cela ferait du politicien un bâtisseur, un être de devoir, au service des   grandes et nobles causes. Cela en ferait également, un « développeur » hors pair.

Comme on le voit, politique et développement ne s’opposent pas, ne doivent pas être opposés. Car la politique, bien comprise, mène au développement. Tout acte de développement est politique, la finalité en étant la cité, l’espace de partage des heurs et malheurs d’une communauté humaine. A cet égard, une bonne politique développe le Bénin, ouvre aux Béninois le chemin de tous les possibles.

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Il est donc erroné de croire ou de faire accroire que la politique, c’est l’enfer. Y règnerait en maître le politicien, vu comme un renard dangereux, rompu à toutes les formes de ruse et de traitrise. Dans la même logique, le développement, c’est le chemin ouvert aux vertueux. Ces gens de bien poseraient des actes qui, en s’additionnant, induisent progrès et avancées. Cette opposition factice, politique/ développement est à tenir pour un mal pernicieux. Nous devons nous en guérir. Mais quoi faisant ?

– La réhabilitation de la politique et la restauration de l’image du politicien. C’est vrai que la politique est d’abord et avant tout la gestion des intérêts contraires. Ce qui en rend la pratique difficile et délicate. Le politicien se sent ainsi vite acculer à marcher sur une corde raide et à faire feu de tout bois. Pour ne pas tomber, il n’hésite pas à faire tomber les autres, à marcher sur leurs intérêts. Machiavel n’est pas loin. Il urge de réhabiliter la politique dans son sens étymologique de « construction de la cité. » En ce sens, la politique est l’affaire de tous. Chacun y a sa place. Chacun doit y jouer sa partition. La politique s’affirme ainsi comme une mission, un service, à conduire en son âme et conscience, dans le respect des autres, dans la crainte de Dieu. Et revoilà le sacré, le « Gbè do su » qui a déserté nos élaborations. Non au vol. Non au mensonge. Non à la tricherie. Non à la transhumance, à toutes autres pratiques qui poussent à s’allier au diable, à signer un pacte avec lui.

– La débanalisation du développement. Le mot, à force d’usage, en sens et en contresens, est devenu un passe-partout, une sorte d’arôme magique destiné à accommoder toutes les sauces. C’est la panacée. A comprendre comme un remède universel, agissant sur toutes les maladies. C’est vrai : « il n’est de développement que d’homme ». Avec le développement, c’est l’homme qui grandit. C’est l’homme qui utilise les ressources de son esprit pour le meilleur, continuant ainsi l’œuvre de création de Dieu.

– La réconciliation de la politique et du développement. Il faut reconnaître que la politique est première. Car la politique, c’est la cité à travers son architecture institutionnelle, l »Etat, le cœur du pouvoir. Partent de là les grandes orientations stratégiques pour gérer l’espace publique, sécuriser l’espace privé. C’est de là que découle tout le reste, à savoir l’éducation, l’économie, la santé, la culture, le sport…Et ce tout le reste, positivement conduit, c’est le développement. Comme on le voit, il ne peut y avoir de développement sans une politique donnée et sans la politique tout court. Ce qui fait du développement la juste sanction d’une bonne politique. CQFD. Ce qu’il faut démontrer

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