Savoir, avoir, pouvoir

Exactement six mois nous séparent de l’élection présidentielle. Il ne sera pas nécessaire de consulter le Ifa ou le marc de café pour le dire et pour le certifier : le débat politique national va se focaliser et va se cristalliser sur trois thèmes majeurs : savoir, avoir et pouvoir.

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Le savoir, c’est en rapport avec la toute prochaine rentrée scolaire et universitaire. Avec les grèves à répétition, la baisse généralisée du niveau des apprenants, les résultats catastrophiques aux divers concours et examens, l’école est et reste un enjeu politique de tout premier ordre. Si rien n’était fait dans ce domaine pour redresser la barre et pour mettre en routes des mesures correctives, le Bénin hypothéquerait son avenir. Non à la langue de bois. Non à la diarrhée verbale. L’école s’invite dans un débat national ouvert et franc.

Où allons-nous si l’école doit libérer, chaque année, sur le marché du travail, des fournées entières de têtes qui ne sont ni bien remplies, ni bien faites ? En somme, des éléments médiocres, dangereux pour eux-mêmes et pour autrui. Aucun pays conscient, à travers ses forces vives, ne peut montrer de l’indifférence face à cette grave dérive de l’école, synonyme de saccage systématique et programmé de son avenir.

Voilà pourquoi l’école doit tenir une juste place dans le débat électoral qui s’amorce. Tout candidat à l’élection présidentielle doit clairement se prononcer, doit être impérativement interpellé. Les idées vagues, les spéculations abstraites sur l’école, basta ! Ca suffit. Que le candidat incapable de proposer l’architecture convaincante, pertinente d’une école béninoise rénovée, renonce à son rêve présidentiel. Qu’il aille cultiver son jardin. Qu’il aille au diable !

L’avoir, c’est, sans détour, l’argent. Par rapport à la place qu’il prend dans l’espace public. Par rapport au rôle qu’il ne cesse de jouer dans nos différentes élections. Par rapport à son poids dans les décisions qui engagent notre présent et notre avenir. L’avoir, l’argent, depuis vingt-cinq ans, contribue à faire des rois. La nouveauté, aujourd’hui, c’est que l’argent, déjà fort gradé, veut encore prendre des grades. Il ne se contentera plus de faire des rois. Il veut être roi. Il veut se faire roi.

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C’est ainsi qu’il faut décrypter et comprendre les dernières déclarations de l’opérateur économique Patrice Talon. La leçon qu’il tire de ses démêlées avec le pouvoir le conduit à s’interroger. Pourquoi celui qui s’ingénie à faire des rois ne s’aviserait-il pas à devenir roi lui-même ?

Ce début d’engagement de l’intéressé, en attendant une toute prochaine confirmation, introduit une donnée neuve dans nos élections. L’argent quitte la périphérie, d’où il a jusqu’ici opéré, pour le centre où il entend désormais prendre pied. Celui qui tenait les cordons de la bourse et qui envoyait les autres au charbon veut aller lui-même au charbon. Il veut devenir lui-même charbonnier.

Comme on le voit, l’avoir va monopoliser l’essentiel du débat de la présidentielle. Il va déterminer les choix des uns et des autres. Sur la plate-forme politique nationale, les lignes vont ainsi bouger. Le débat de clarification sur l’argent et le pouvoir aveuglera certains. Ils se détermineront alors à jeter par-dessus bord tous les principes, au motif que l’argent n’a point d’odeur. Ce même débat révèlera, sinon enracinera d’autres dans la conviction que tout ce qui brille n’est pas or. Chacun fera ainsi son expérience, notre vie n’étant que la somme de nos expériences et de ce que nous en faisons.

Enfin, le pouvoir. Il est à tenir pour l’embouchure. C’est là où les cours d’eau viennent mêler leurs eaux avant de se jeter dans la mer ou dans un lac. Parce que le pouvoir, c’est le centre, c’est le cœur vivant de nos préoccupations de citoyens. Et c’est parce qu’il en est ainsi qu’on n’a pas le droit de plaisanter avec la politique. Nos petits intérêts égoïstes ne sont rien en comparaison avec l’intérêt général. On peut comprendre la faim et la soif d’aujourd’hui. Mais on ne peut, pour autant, s’autoriser de sacrifier demain sur l’autel d’aujourd’hui. C’est en cela que l’élection présidentielle prochaine, suite à notre expérience vielle d’un quart de siècle sous le renouveau démocratique, doit être pour chacun de nous un rendez-vous de vérité. Nos choix, incertains et hasardeux, nous ont souvent rattrapés. Le discernement frappe à coups redoublés à la porte de nos consciences. Et le cri de détresse poussé pas le Dr Basile Adjou-Moumouni, dans son tout dernier ouvrage, a valeur d’une grave interpellation : « Ho klo ho ! Les coqs chantent de travers »

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