Président du Cadre de Réflexions Prospectives pour le Développement du Bénin(Crpd), Stanislas Houngbédji est membre et l’un des jeunes les plus en vue du Parti Social Démocrate (Psd), membre de l’alliance l’Union fait la Nation (Un).
Dans cette interview, il revient, de façon sommaire, sur la participation de l’alliance politique aux élections législatives et communales des 26 avril et 28 juin dernier. Il évoque le rôle qu’il y a joué avant de jeter un regard sur des enjeux de l’élection présidentielle de 2016.
La Nouvelle Tribune : Bonjour Monsieur Houngbédji. Vous avez pris part, dans divers rôles, aux élections législatives et communales passées. De façon sommaire, qu’est-ce qu’on peut retenir de votre participation à ces scrutins ?
Par rapport aux législatives d’abord, je peux dire que nous avons fait une bonne performance dans Cotonou et en l’occurrence dans la 16ème Circ dirigée de main de maître par le Pdt Candide Azannaï à qui je rends un vibrant hommage au passage. Peu s’en fallait, on allait avoir un député dans la 15è circonscription où j’ai été directeur de campagne pour la liste UN conduite par Monsieur Tognibo Idelphonse. Pour celui qui connaît les réalités de cette circonscription électorale, notre liste n’a pas démérité. On a une différence de 2500 voix entre nous et le candidat ayant remporté le siège en ballottage selon le verdict final de la Cour constitutionnelle. Dans l’ensemble et sur toute l’étendue du territoire, nous avons quand même fait de notre mieux aux regards des moyens financiers colossaux déployés par le pouvoir en place au profit de la liste Fcbe. Ces résultats nous ont permis de jouer un rôle déterminant dans le rassemblement des autres forces de l’opposition pour porter le Président Adrien Houngbédji au perchoir même si cela est intervenu suite à un long moment d’intenses frayeurs.
Au niveau des communales, moi-même j’ai été deuxième titulaire sur la liste de l’Un dans le 2è arrondissement de Cotonou. Je crois que la population a bien reçu le message de l’Union fait la Nation et a voulu que nous envoyions nos représentants comme conseillers communaux dans l’équipe qui va diriger la ville prochainement. On n’a pas eu la majorité écrasante comme on l’a souhaité mais, on fera partie de l’équipe de la ville si tout va bien.
Ces élections législatives et communales ont constitué pour certains acteurs politiques un test pour la présidentielle à venir. Quelle lecture faites-vous des deux scrutins par rapport aux enjeux de la présidentielle de 2016 ?
Je crois que nous avons déjà réveillé la base. La base est déjà en état d’alerte, il suffit maintenant de passer le message des présidentielles et puis ça va prendre. Ces élections nous ont permis de roder nos différentes bases et je crois que les populations ne veulent plus de l’équipe de Yayi ou bien d’un dauphin de Yayi. Ça, c’est déjà perceptible.
Vous parlez d’un candidat de l’opposition ou d’un candidat de Yayi. Mais on constate actuellement une pléthore d’intentions de candidatures.
Je constate que nous sommes en train de perdurer dans une anomalie démocratique. Partout où ce système politique qu’est la démocratie s’expérimente, on n’a pas à la tête des Etats un allogène ou un intrus. C’est de politiques bon teint qui conduisent les affaires. Prenons la France que nous aimons citer si tant comme exemple. Depuis le Pdt Giscard d’Estaing jusqu’à ce jour, s’ils ne sont pas des acteurs politiques de la droite, ils sont de la gauche. Même les individualités comme celle de Mélenchon, ne prospèrent pas. Regardez au niveau des Usa, malgré les compétences d’Obama, il a été obligé de quitter la société civile pour rejoindre le rang des démocrates. Regardez aussi dans certains de nos pays africains où la démocratie marche. Regardez le Ghana, après la période de la révolution menée par le Président Rawlings, il s’est converti, a créé le National Democratic Congress (Ndc) et a été élu président en tant que politique. Après lui, beaucoup d’autres sont venus, mais toujours issus des partis politiques. Regardez aussi le Nigéria, après Obassandjo, vous avez eu Umaru Yar’ Adua puis Goodluck du People’s Democratic Party(PDP), et maintenant Buhari du All Progressives Congress(APC), tous issus de partis politiques. Donc, c’est pour dire que la fonction présidentielle est et doit être réservée avant tout à ceux qui sont formés, préparés et outillés pour l’exercer. La question est de savoir où est-ce qu’on trouve ceux-là. On les trouve au sein des formations politiques ; seul creuset idéal à la préparation de leaders politiques digne du nom.
Je pense qu’au Bénin, nous pouvons faire une rupture à partir de 2016. Nous avons toutes les conditions pour mettre fin à cela. Je pense que dans les jours à venir avec des amis, nous allons mettre en place un front pour sensibiliser les populations à cette fin, afin que « la politique soit aux politiques ».
Faudra-t-il exclure une partie des Béninois qui aspirent à la fonction présidentielle alors que la Constitution leur en donne le droit ?
Non. On n’exclut personnes. Mais les Béninois doivent se réveiller et guérir de ce mal, de cette illusion maladive qui voudrait qu’à chaque échéance présidentielle il faut recourir à un non partisan pour ratisser large sur toute l’étendue du territoire en termes de soutien afin de réaliser un hypothétique consensus dans l’opinion autour de la candidature d’un tel personnage. Les pays dont je vous ai cité la pratique démocratique tout à l’heure connaissent aussi des individualités qui s’expriment. Mais ces individualités ne vont pas au-delà de leurs ambitions ou d’un taux marginal en termes de suffrage exprimer lors du vote en leur faveur. C’est-à-dire que les populations bien informées savent qu’on ne peut pas confier la gestion d’un pays à des hommes providentiels. Des gens qui ne s’entourent que de collaborateurs dont ils peuvent se séparer à tout moment, dès lors que les conseils de ces derniers ne leur conviennent plus. Ces pratiques ont montré à suffisance leurs limites. Il faut qu’on y mette un terme. Je pense qu’au Bénin, la présidentielle de 2016 peut être le moment de cette rupture-là. La période des hommes providentiels, des messies est terminée. Le messianisme politique est terminé. En politique, il faut chercher le moindre mal parmi les acteurs politique. Il est temps de regarder en notre sein. Nous avons un mal au Bénin qui risque de devenir endémique si nous laissons le phénomène se reproduire en 2016.
Qu’est-ce qu’on y gagne en ayant les politiques purs à la tête d’un pays ?
Vous avez la constance dans le processus de développement et une progression nette dans les performances. Ça, il nous faut à tout prix l’avoir. Sinon, nous allons rester à traîner longtemps en arrière et ça serait très grave pour les générations à venir. Je pense que pour l’élection présidentielle à venir, il nous faut un politique qui soit le porte flambeau d’une équipe, qui a un projet de société dont il en a la maîtrise. On doit avoir un homme politique fédérateur et en plus, un homme d’expérience qui a une connaissance avérée des problèmes du Bénin.
C’est pour quoi, j’exhorte les acteurs politiques, toutes tendances confondues, à prendre une fois encore conscience du drame qui se joue et qui ne les honore point. Je les exhorte à soutenir l’un des plus représentatifs d’entre eux en vue de l’élection présidentielle de 2016 ; un peu comme ils l’ont brillamment réussi pour l’élection du président de l’Assemblée Nationale.
A l’endroit de la jeunesse du pays, je dis lève-toi, bats-toi et prends tes responsabilités afin que le mot d’ordre ‘’la politique aux politiques’’ soit une réalité à partir de 2016. Enfin, j’ajouterai comme l’a si bien dit Frantz Fanon « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission : l’accomplir ou la trahir.»