A six mois de l’élection présidentielle, le débat politique se focalise de plus en plus sur la candidature ou non des opérateurs économiques. Certains compatriotes, à tort ou à raison, se posent des questions sur l’opportunité de ces candidatures dans la mesure où c’est un phénomène nouveau qui s’observe sur l’échiquier politique depuis l’avènement du renouveau démocratique.
Mais nous devons rester serein face à cette situation qui, de façon légitime, taraude l’esprit de nos concitoyens, ce qui est un indicateur de grand intérêt que nous portons tous à un meilleur avenir pour notre pays. Nous devons surtout nous poser la question de savoir pourquoi ce phénomène et pourquoi il survient en ce moment du déroulement de notre jeune processus démocratique.
Qui a suscité les potentiels candidats du secteur privé?
Point n’est besoin de consulter les pages de l’histoire récente du Benin pour comprendre pourquoi et comment des opérateurs économiques qui se positionnent comme de potentiels candidats à la présidentielle de février 2016 en sont arrivés à cette intention. Il suffit de revisiter les “hauts faits” de la gouvernance actuelle, ponctuée par des menaces incessantes et réelles sur les activités, l’intégrité physique et le patrimoine économique de ceux qui, aujourd’hui se décident à aller au charbon. Il faut surtout se souvenir, que faiseurs de Rois, ils ont mis des œufs dans le panier des prétendants à la magistrature suprême, toutes tendances confondues par le passé. Ce sont des opérateurs économiques et non des philanthropes-nés, attachés à l’esprit du profit, mais surtout aux résultats. Mais ce sont surtout et avant tout des hommes et des citoyens jouissant de mêmes droits et appelés aux mêmes obligations que tout le monde. Comme nous tous, ils sont attachés à la paix, à la stabilité du pays et sa conduite de manière républicaine et ordonnée, toutes choses qui conditionnent la prospérité de leurs affaires. Ont-ils obtenu ces conditions? Nous avons tous assistés à des cabales contre ces personnalités dont les entreprises créent la richesse pour l’économie nationale. Entreprennent-ils d’entrer en politique pour régler des comptes ou se faire justice? On ne saurait le dire, à moins de leur prêter de mauvaises intentions sur leur propre pays.
Il est donc clair qu’en revisitant le film des relations et interactions entre le Gouvernement de la République et ces opérateurs économiques majeurs au cours de la décennie passée, il y avait de quoi s’interroger sur la vision du gouvernement et de son Chef, des conditions de la croissance économique et du développement tout court. A la conférence des forces vives de la nation de février 1990, les choses ont été clairement définies et les rôles repartis entre l’Etat, les citoyens et les groupes organisés, qu’ils soient de la société civile ou opérateurs du secteur privé. Ces rôles sont consacrés par la Constitution du 11 décembre 1990. Le respect de cette convention nationale doit créer les conditions idoines pour le progrès économique et social de notre pays. Mais cette constitution, la même n’a pas fait une démarcation entre les catégories socio-professionnelles s’agissant de l’accession de leurs membres à la magistrature suprême. Le faire ne se résume-t-il pas à une stigmatisation d’une catégorie ou d’une autre au sein de notre société?
La responsabilité de la “classe politique” elle-même
Il faut avoir un grand respect pour les citoyens de notre pays qui ont fait l’option noble de militer dans les partis politiques pour apporter leur temps et leur énergie à l’animation de la vie politique telle que prescris par notre constitution. De nombreuses tentatives opérées depuis l’avènement du renouveau démocratique ont visé l’assainissement de la vie politique nationale. La charte des partis politiques est l’une de ces tentatives. Avons-nous réussi à mettre en œuvre cette charte? En outre le statut de l’opposition, véritable instrument permettant d’équilibrer un tant soit peu le jeu démocratique a été considéré par le régime actuel comme un cadeau que l’opposition doit quémander. Le décret pris en ce sens il y a quelques années pour mettre l’opposition dans son rôle de force de proposition alternative a été vite tourné en ridicule par les potentiels bénéficiaires en raison d’une part du manque de dialogue qui a entouré son adoption et de l’autre part, du peu de crédibilité et de sérieux dont font preuve les auteurs dans leur relation avec l’opposition.
Mais plus grave, il faut se souvenir de là où nous avons trébuché et non regarder avec une étonnante vacuité, là où nous sommes tombés. Ceux d’entre nous qui ont encore le souvenir vivace doivent se référer aux négociations de la coalition dite “Wologuèdè” qui a porté son choix quasi unanime sur le candidat Boni Yayi au soir du 17 Mars 2006 pour le second tour de l’élection présidentielle du 19 Mars 2006. C’est par ce choix que ces partis ont introduit “le loup” dans la bergerie. Malgré la nuance du Psd de Bruno Amoussou et de Force Clé de Lazare Sehoueto qui ont estimé que ce n’était pas le choix idéal, le peuple dans sa large majorité a suivi les consignes de vote et la suite on la connait aujourd’hui. Il est important que nous apprenions de nos erreurs pour prendre de bonnes résolutions pour l’avenir de notre pays. Mais, cela nous le comprendrons peut-être demain, sinon en 2011 comment avons-nous géré le KO? La classe politique est-elle restée solidaire face à ce défi crapuleux lancé à notre démocratie par la volonté d’un homme de s’accrocher au pouvoir malgré un non bilan et une gouvernance à la limite de la médiocrité? La réponse apportée à cette provocation par la Renaissance du Bénin, Parti fondateur de l’Union fait la Nation, on la connait et inutile d’y revenir.
Face à ces atermoiements et aux hésitations de la classe politique de s’affirmer ensemble contre l’arbitraire qui a cours depuis une dizaine d’années et défaitiste devant la machine mise en place pour la détruire et consacrer la disparition des ténors de cette classe proclamée dès avril 2006, a quels résultats devions-nous nous attendre? Qu’est-ce qui avait empêché la classe politique en mars 2006 de conduire à la Marina celui d’entre eux qui était parvenu au second tour? Les querelles politiciennes et les crocs-en-jambe font la vie dure au Bénin. Les conséquences sont là aujourd’hui avec un système qui est presque devenu tantôt leur bourreau et tantôt prêt à les instrumentaliser, tantôt à les ridiculiser ou encore à les vilipender.
Il faut cependant, rendre un hommage bien mérite à ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, continue de porter avec courage et abnégation, la lutte contre le mépris de la classe politique traitée par moment de médiocre par le Chef de l’Etat lui-même et qui ont, sans les moyens médiatiques confisqués par l’Etat Fcbe pour faire entendre leur voix. Qu’il s’agisse du Députe Eric Houndete de Force Clé (Union fait la Nation), véritable légende du contrôle de l’action gouvernementale au cours de la 6e législature, de Candide Azannaï de Restaurer l’Espoir qui, tout en demeurant membre théoriquement de la majorité ou encore du Prd (le plus grand parti actuellement sur l’échiquier politique national), ils ont essayé de s’offrir en bouclier contre les velléités du gouvernement d’écraser ceux qui n’ont pas la même opinion que le gouvernement et qui ont dit non à la pensée unique. Leur travail a porté ses fruits.
Une mentalité nouvelle face à la question de l’accession à la magistrature suprême de notre pays
Nous devons évoluer dans nos mentalités et rejeter la haine et la jalousie qui embrasent notre pays. Le monde change, les mentalités évoluent partout y compris dans les pays Africains. A Haiti, un chanteur est devenu Président. Au Guatemala, un humoriste a accédé au second tour de la présidentielle et pourrait conduire aux destinées de son pays. On peut être plus ambitieux pour son pays mais stigmatiser une catégorie socio-professionnelle est à proscrire de nos mœurs et si c’est des manœuvres politiciennes, elles sont de mauvais goût et ne serviront qu’à conforter ceux qui, au cours de ces dix dernières années ont instrumentalisé le peuple avec du mensonge et qui ont fait de la tricherie et du non-respect des textes de la République, leur mode de gouvernance. On entend le Chef de l’Etat demander à ses futurs successeurs de préparer leur projet de société. Quel a été le sien? Et comment l’a-t-il mis en œuvre et pour quels résultats ? Auront-nous droit à un bilan des dix années de gouvernance avant le 6 avril 2016 ?
La question devrait donc être, qu’est-ce que les personnes qui se découvrent un destin de Chef d’Etat se préparent à faire de leur pays? La question est aussi, sont-elles capables de répondre à nos aspirations et non tel ou tel ne doit pas être candidat. Sur le plan purement intellectuel, de telles prises de position quelles que soient les autres raisons qu’on pourrait évoquer manquent de rigueur. Que fait la classe politique pour identifier les meilleurs d’entre elle pour faire face aux autres qui ne sont pas dans les appareils politiques et leur donner la leçon d’une meilleure efficacité? Les réactions à fleur de peau et les diatribes quelle que soit leurs auteurs ne suffisent à venir à bout de la détermination et des ambitions des uns et des autres à participer à la gestion des affaires publiques, si telle est leur motivation. Sont-ils animés de bonnes intentions? Ont-ils une vision? Ont-ils les moyens de mettre en œuvre leur vision? Avec qui veulent-ils y parvenir? Ce sont ces questions qui doivent nous préoccuper dans un monde civilisé ou les autres peuples élisent leurs leaders sans jérémiades et ses derniers passent la main à leurs successeurs sans qu’il n’y ait de débat pour savoir si le Président va quitter ou non. Il faut absolument évoluer et entrainer notre peuple vers une mentalité nouvelle, celle de conquérir son Président parce qu’il voit en ce candidat la possibilité de répondre à ses aspirations et non laisser le futur Président le conquérir et ensuite lui imposer la terreur, la médiocrité, le régionalisme, les invectives d’un autre temps, la gabegie et toutes ses tares que nous avons déjà rejetées et qui malheureusement sont revenues au galop par la grande porte ouverte par l’inconnu ou “l’intrus” du 06 avril 2006 ne doivent pas prospérer. Le rôle d’un leader politique, c’est de travailler pour tirer les populations vers le haut et de leur offrir des opportunités d’épanouissement économique et social à travers le travail. Or, à quoi avons-nous assisté au cours des dix années passées? A l’instrumentalisation des populations surtout les femmes qui mettent des uniformes pour offrir le bain de foule dont le Président raffole et qui n’est qu’un gâchis du temps qui devrait été consacré à produire la richesse pour les familles et la nation. Il faut mettre fin à ces pratiques aliénantes.
Quelles approches pour nos futures réformes politiques et institutionnelles?
Des reformes et rien que des reformes disons-nous. Il nous faut porter à la tête de notre pays, des citoyens courageux et responsables, capables d’initier, dans un dialogue franc avec toute la classe politique et la société civile, des reformes susceptibles de contribuer à l’amélioration du fonctionnement des institutions. Mieux, il nous faut en avril 2016, un Président capable d’engager ses compatriotes dans la réinvention de l’Etat. Qu’il provienne de la classe politique traditionnelle ou du secteur privé n’est pas un problème car avoir une vision claire des questions de développement et de la gestion des affaires publiques et conduire un pays vers la modernité n’est pas l’apanage des seuls politiciens. A l’étape actuelle de notre processus démocratique et même de développement en général, il n’est pas exclu que les meilleures reformes qui doivent consolider nos acquis et projeter notre pays vers la vraie émergence soient inspirées par le secteur privé comme dans les grandes démocraties ou certains leaders, bien avertis de l’efficacité des approches du secteur privé quand à l’atteinte des résultats attendus, utilisent des personnalités du secteur privé pour concevoir et conduire les reformes nécessaires avec les outils produits par le secteur privé.
La tâche la plus urgente du futur Président d’où qu’il provienne, sera de réconcilier les Béninois avec eux-mêmes, avec leur pays y compris l’amorce pour fermer les clivages nord-sud créées avec une grossièreté déconcertante par l’actuel Chef de l’Etat et ses complices. Il nous faut aller au dialogue national dont le projet proposé par diverses formations politiques et personnalités de notre pays a été accueilli par un silence méprisant par Mr Yayi Boni et son Conseiller politique Mr Amos Elegbe qui l’a tourné en dérision au motif que le pays n’en avait pas besoin. Il y a tant de choses à dire et à revoir car c’est à cette rencontre de la vérité et de la confrontation des idées que seront tracés, les sillons du Bénin nouveau et de l’Etat réinventé que la large majorité des béninois appelle de tous leurs vœux.