Candidatures tous azimuts au Bénin : le combat vital qui s’impose aux acteurs culturels

A six mois du premier tour du scrutin présidentiel de 2016, une multitude de candidats s’annonce en fanfare avec pour caisses de résonnance, des artistes musiciens très inspirés dans chants élogieux en soutien à certains prétendants à la magistrature suprême.

Pourtant, plus que jamais, c’est le moment  pour les acteurs culturels, toutes tendances confondues, de  contribuer à faire le casting  pour le choix d’un président capable de  s’investir entre autres, pour l’émergence culturelle du Bénin.

Que de chants à la gloire des candidats en lice pour la présidentielle, n’entendrons-nous pas sur les  ondes et dans les coins et recoins du Bénin jusqu’au mois d’avril 2016 ? Les vieilles habitudes d’artistes compositeurs de morceaux de campagne ont repris de plus bel déjà. A six mois de la présidentielle de février 2016, les rassemblements de soutiens ou d’appels à la candidature de présidentiables organisés les week-ends sont rythmés par des prestations d’artistes ou pseudo-artistes musiciens  avec des morceaux d’incitation à des votes massifs en faveur de leurs clients. A cette foire au tintamarre, certains parmi ces artistes réussiront à se faire  vachement payer leurs prestations, d’autres charmeurs se contenteront de quelques billets qui leur seront occasionnellement donnés pour haranguer les foules. Devenus donc des partisans malgré eux, ces artistes passent souvent à côté de l’essentiel concernant ce qu’il adviendra de leur  carrière musicale, une fois le candidat élu. Ils ne cherchent guère à, tout au moins, savoir si le candidat en faveur de qui ils chantent a des ambitions pour le développement du secteur culturel qui végète dans une léthargie déconcertante au Bénin. Pourtant, là devrait se résoudre tout le combat à ce grand rendez-vous électoral quinquennal.

Des formules incantatoires

A écouter les présidentiables ou ceux qui se déclarent candidats, on a l’impression du « déjà entendu ». Les discours se résument à de vagues énoncés indiquant des actions  à mener avec pour domaines privilégiés, l’économie, l’éducation, la santé, l’agriculture. A peine le sport est évoqué. La culture encore moins en dépit du fait qu’aucun rassemblement politique ne se tienne sans animation culturelle relevant de la comédie, de la musique, de la décoration… Quand la  culture est abordée, elle ne l’est qu’à travers des formules « il n’y pas de développement sans la culture », « la culture est un maillon important du développement économique »  ventilées comme des incantations pour avoir la faveur des électeurs.  Des hommes politiques avancent ces formules sans pour autant en connaître la quintessence. Résultat, trop de discours et peu d’actes pour l’émergence de la culture béninoise. Plus tôt que de se fier à ces formules incantatoires, les artistes et les acteurs culturels  béninois ont à rechercher les programmes de développement culturel que chaque  candidat qu’ils soutiennent à la présidentielle de 2016 envisage de mettre en œuvre, une fois élu.

Des défis culturels immenses

Quoi qu’on dise, l’importance de la culture dans le développement des nations développées est connue. La Chine, Les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et les pays européens en donnent éloquemment des exemples et l’illustrent à travers leurs tentatives d’impérialisme culturel en Afrique. A six mois d’un changement de régime, de nombreux défis sont à relever dans le secteur culturel béninois. Profondément dominée par les productions des pays voisins, la musique béninoise a besoin d’une véritable industrie musicale pour valoriser et exporter les riches variétés du pays. Autant pour le cinéma qui est encore dans un état embryonnaire malgré les talents de d’acteurs et de comédiens dont regorge le pays. Tout comme la musique, les productions cinématographiques  béninoises sont peu distribuées comparativement aux films étrangers déversés sur le marché par des pirates. Leurs participations à de grands rendez-vous comme le Fespaco se soldent par des échecs en absence de réels appuis politiques. Sur le champ littéraire, les écrivains béninois produisent sans être valorisés et le niveau de langue des apprenants rase le  sol. Il y a nécessité de multiplication des initiatives comme  le prix littéraire du Président de la République, d’organisation des salons du livre et de la lecture. Le théâtre aussi, reste un terrain de défis à relever pour lequel les acteurs culturels doivent dès à présent commencer à batailler par la suscitation de débats autour d’éventuels projets culturels de candidats à la présidentielle. L’organisation du plus grand festival de théâtre d’Afrique de l’Ouest, le Fitheb donne régulièrement lieu à des tiraillements sur fond de querelles intestines provoquées et entretenues par les autorités politiques à la recherche de leurs parts du gâteau. Il y a lieu  de rechercher en l’homme de 2016, la qualité de Louis XIV, un grand Mécène qui a œuvré au rayonnement culturel de la France. Dans le secteur du tourisme, la conservation des vestiges du passé qui draineraient des visiteurs étrangers reste un véritable problème. Les musées et sites d’attraction touristique sont dans des états peu reluisants. La politique du développement du tourisme interne reste inexistante. L’artisanat qui est rattaché à la culture souffre d’un désintérêt des responsables politiques à la consommation de produits locaux au profit des produits exportés.

Du départ de Yayi

Le départ de Boni Yayi est aussi une occasion de revisite des initiatives sous celui-ci et de ce qu’il en adviendra. En dépit de son bilan qui visiblement sera décevant, Boni Yayi aura marqué les acteurs culturels avec son fonds d’aide à la culture qu’il a crédité d’un milliard puis de trois milliards désormais. Ce qui a  donné lieu au slogan du « triple milliard culturel ». La période de précampagnes et de campagnes électorales à laquelle participent les acteurs culturels béninois avec des créations est le moment idéal pour savoir ce qu’il adviendra de cette initiative.  Ce fonds dont la gestion cavalière est régulièrement dénoncée par des artistes fera-t-il l’objet d’audit ? Repensera-t-on la gestion de ce fonds ? Ce sont autant de questions à poser aux prétendants à la succession de Boni Yayi. Aussi faut-il demander si le ministère de la culture de l’alphabétisation, de l’artisanat et du tourisme (Mcaat) sera l’un des fauteuils ministériels où comme le  finissant président, on positionne qui on veut pour des satisfaire des soutiens politiques sans tenir compte de la capacité à tenir un tel département. L’enjeu est donc de taille et pas question pour les acteurs culturels de sacrifier l’intérêt collectif du monde culturel en se confondant à la foule de démarcheurs électoraux au service des présidentiables.

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