Comment se gagnent les élections présidentielles au Bénin

La victoire aux élections présidentielles au Bénin n’a rien à voir avec le peuple et son vote effectif. Certes ce vote a sa fonction et son rôle formels. Mais l’issue des élections est ailleurs.

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Elle dépend des sommes mises en jeu. La probabilité de gagner les élections présidentielles au Bénin est une fonction du nombre de milliards consentis et investis par le candidat. La victoire à l’élection présidentielle sous l’ère du Renouveau Démocratique se paie rubis sur l’ongle. Cette donnée a commencé timidement et de façon artisanale avec l’élection de Soglo en 1990, et est allée crescendo en se sophistiquant et en se systématisant d’élection en élection.

Les deux élections de Yayi Boni ont porté cette logique à un niveau jamais égalé, au point que la méthode d’élection du Président, à mille lieues de la libre expression démocratique du peuple, est devenue un modèle déposé de transaction politico-pécuniaire. Les peuples votent certes, encore que pour une grande part la fiabilité de la liste électorale est sujette à caution. Mais au-delà de la fiabilité de la liste électorale, il y a l’achat du vote. L’achat de conscience des intermédiaires politiques régionaux et locaux, le contrôle social et politique des instances traditionnelles, les têtes couronnées, les notables régionaux, les relais d’influence politique, les personnalités religieuses, les députés et autres élus locaux.

Tous ces gens sont payés, et par leur intermédiaire, le candidat achète le vote du citoyen. Après avoir vendu leurs propres consciences — que ce soient les têtes couronnées  ou les honorables  — chacune de ces instances ont pour mission d’acheter à leur tour les consciences de leurs ouailles. Selon des estimations croisées émanant de candidats habitués au scrutin présidentiel, le coût d’un électeur tourne autour de 2000F, en dehors de la part des rabatteurs de voix et des membres éminents de la structure de contrôle social institutionnel. Or comme le nombres des électeurs béninois est d’environ 4,4 millions, pour gagner les élections présidentielles, il faut donc s’assurer le vote d’au moins 2,5 millions de citoyens. Ce qui revient à la bagatelle de 5 milliards ! Pour la rétribution en or des « grands électeurs » que sont les intermédiaires, et les personnalités de la structure de contrôle social, le candidat visant la victoire doit prévoir au moins 1 milliard. Ce qui amène la dépense électorale dans son volet formel à un coût minimal de 6 milliards.

Toutefois, comme indiqué plus haut, la dimension décisive de la victoire ne se situe pas dans l’assurance du vote populaire, qui est une condition formelle nécessaire mais pas suffisante. La dimension décisive du vote se trouve au niveau de l’achat pieds et poings liés des consciences institutionnelles. Les deux instances décisionnelles clés de l’élection que sont la CENA et la Cour Constitutionnelle doivent être coûte que coûte placées dans le caddy du candidat victorieux. Cet apprivoisement financier peut être — comme on a pu le voir lors des dernières élections législatives — l’objet d’une lutte féroce, et d’une surenchère digne d’une foire d’empoigne. Quoi qu’il en soit d’après la jurisprudence financière établie par Yayi Boni, l’aune d’achat des institutions est le milliard. Il ne faut donc pas moins d’un milliard pour apaiser l’appétit pécuniaire des Présidents des deux institutions clés dont dépend l’issue des élections ; sans compter quelques centaines de millions en lots de consolation aux membres de ces conclaves de supercherie institutionnelle. Cette étape décisive peut donc coûter au bas mot trois milliards au candidat victorieux.

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A tout cela, le candidat doit ajouter jusqu’à deux milliards pour tous les impondérables qui affectent les tractations et discussions avec la classe politique. Au total, le candidat qui veut la victoire aux élections présidentielle doit disposer au bas mot de 10 milliards de francs CFA, à payer rubis sur l’ongle. Cette somme ne comprend pas ses dépenses de campagne, le coût de sa publicité, la mangeaille des médias, journalistes, écrivaillons, journaleux, griots et autres louangeurs patentés dont les piaffements et vociférations tarifés sont si nécessaires à la légitimation symbolique de la victoire.

On comprend donc pourquoi les élections au Bénin sous le renouveau s’arrangent toujours pour ne rien avoir avec l’éthique, l’équité, la mémoire et le débat sur ce qu’il convient ou pas de faire, la nécessité de tirer les leçons des expériences du passé.

Au Bénin, les élections sont essentiellement une transaction pécuniaire au plus offrant, et c’est celui qui a le plus de milliards à y investir qui l’emporte. Ainsi la raison du plus gros milliardaire sera toujours la meilleure à l’issue de la joute présidentielle. C’est pour cela que, précédés par une clameur et une ferveur que rien a priori ne justifie politiquement ni moralement, les plus gros milliardaires de la place, sans vergogne ni scrupules s’avancent au milieu de l’arène présidentielle avec une si déconcertante certitude.

Telle est la finalité des mœurs politiques du Renouveau, qui consacre la neutralisation théâtralisée du rôle du peuple, et la force suprême de l’argent qui préside à nos destinés

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