Election présidentielle : quand les valeurs sociales s’effritent

Une véritable crise des valeurs s’observe de plus en plus dans notre société, au fur et à mesure qu’approche la date fatidique de l’élection présidentielle. Au lieu d’être une véritable période d’allégresse pour les Béninois, on n’entend que calomnies, injures et dénonciations de scandales, plus ahurissantes les unes que les autres.

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Tout est désacralisé

Sinon, comment Candide Azanaï, député de la nation, notre député que tout le peuple de Cotonou avait défendu face à l’arbitraire des hommes du pouvoir, au lendemain des élections législatives, peut-il se permettre de demander à notre archevêque de se taire ? Même les bonnes dames du marché Dantokpa ont abandonné leur étalage cette fameuse journée de la tentative de son arrestation, pour aller se battre à mains nues contre les forces de l’ordre, qui fort heureusement ont toujours fait du professionnalisme et ne tirent pas sur tout ce qui bouge dès qu’il y a une crise dans la nation. Comme on le voit souvent sous d’autres cieux. Au Burkina Faso, la garde prétorienne de Blaise Compaoré n’a pas hésité à tirer sur la population, parce qu’elle manifestait son désaccord contre un coup d’Etat perpétré contre la démocratie en marche depuis son départ précipité du pays.

En parlant ainsi de l’archevêque de Cotonou, le député Azanaï sait-il qu’il a froissé la foi de beaucoup de Béninois, particulièrement  des femmes qui étaient nombreuses à le défendre, comme une tigresse protège son petit ? Les femmes sont les plus nombreuses à l’église, tous les jours de la semaine. « Les représentants de notre foi envers Dieu, on n’y touche pas », m’ont confié certaines parmi elles.

Que veulent de nous les politiciens ?

Vous voulez encore nous embrouiller, nous amener à l’abattoir avec quelqu’un que vous aurez choisi à notre place. Parce qu’il serait le meilleur, selon vous, et pour vous. Car vous y trouverez votre compte, en espèces sonnantes et trébuchantes. Alors, c’est des appels de pied pour Adjavon, Talon, Ake, ABT, Gbian, Amoussou, Moudjaïdou, Koukpaki… je me perds parmi tous ces candidats. Roger Gbégnonvi parle de « désespoir joyeux en ces temps d’élections ». On recherche l’homme providentiel, le Messie. Celui-là qui viendra nous sortir de tous les maux qui empêchent notre nation d’espérer un mieux-être social. C’est très bien ; mais gare à vous si vous vous trompez, une fois encore, en privilégiant votre homme au détriment de l’homme véritable qui, de par son profil est celui dont la nation a véritablement besoin pour sortir de la misère.

Tous des menteurs ! a dit l’autre. N’a-t-il pas raison quelque part ? On nous ment, on nous promet ciel et terre, de l’eau, de la lumière à profusion. Du travail pour tous nos enfants à la fin de leurs études. Au finish, nous les avons sur les bras et nos pauvres pensions servent encore à payer le lait et les couches de leurs nourrissons.

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Internet haut débit ! Microcrédits à toutes les femmes ! Et puis quoi encore ? Des mensonges ! Rien que des mensonges ! Des mensonges à profusion… Juste pour éteindre leur soif pantagruélique du pouvoir et de l’argent. On en a marre ! On ne veut plus qu’on nous vende des mirages, alors que l’individu sait en lui-même qu’intellectuellement, il n’a pas les aptitudes pour diriger ce pays. Du point de vue des capacités managériales, il ne peut gérer une entreprise familiale et il prétend prendre les rênes de notre pays. Et, une fois encore nous conduire dans le décor. Dans une gestion hasardeuse de la gouvernance. Gestion où les fondements même de notre nation, « Fraternité- Justice- Travail » sont battus en brèche. Sinon comment comprendre qu’on nous dise que sur soixante (60) forages à réaliser dans tout le pays, 58 ont été implantés à Matéri et environs. Qu’ont fait de si grave aux dirigeants de ce pays, les populations de Dodji, à quinze kilomètres de Ouidah, au Sud du Bénin, pour continuer à boire de l’eau sale d’un lac, après 55 ans d’indépendance ? Et la lumière alors ? Le vœu du Président de la République est que tous les chefs- lieux des Communes soient électrifiés avant son départ dans quelques mois, du pouvoir. Qu’en est-il en réalité ? Akassato, à peine à une vingtaine de kilomètres de Cotonou n’est pas éclairée. Même dans certains quartiers  de Calavi, les populations ne peuvent bénéficier de l’électricité, parce que n’ayant pas les moyens pour avoir le compteur à prix subventionné. Même le village de mon père, Savi Gankpè croupit dans l’obscurité depuis que les miens ont émigré de Sota à Bohicon, pour y déposer leurs baluchons. Voilà les réalités de la gouvernance qui nous a régis jusque-là.  Une gouvernance qui a occasionné une large déchirure du tissu social, que nous essayons de raccommoder peu à peu sous l’égide de notre chef, le président Boni Yayi. Il demande pardon et invite à la réconciliation, à l’union de tous les fils du pays, car sans union, aucun pays ne peut connaître le développement. Mieux vaut tard que jamais, si l’on sait que le pardon n’efface pas le passé, mais élargit l’avenir.

Appliquer à la lettre la trilogie « Fraternité – Justice – Travail »

Tous, nous devons comprendre que ceci est une vérité hic et nunc .Celui qui n’appliquera  pas à la lettre la trilogie « Fraternité, Justice, Travail », ne connaîtra jamais le succès, peu importe les milliards investis pour gérer le pays.        

Pitié ! Pitié ! Pitié pour ce peuple meurtri… Pitié pour les femmes que vous aimez tant, que vous adorez tant et dont vous chantez les vertus à longueur de journée. Quand on aime quelqu’un, on recherche son bonheur, pas son malheur. Au Bénin, les femmes sont trop malheureuses. Elles me parlent beaucoup de leur misère ; elles me disent, de la plus lettrée à la dernière analphabète : « Parle aux gouvernants de nos problèmes. Toi au moins, ils t’écouteront. Ils te croiront… ». Je ne sais pas. Une chose est sûre, je répercute leur cri de douleur, leurs souffrances à gérer le quotidien, leur désespoir, leurs rêves, leurs espérances. En un mot, leur misère. J’ai dû, le cœur meurtri, demander à une veuve à qui j’assure quelque peu le «  minimum social commun »,  – une histoire de bonimenteur là aussi – de retourner au village afin que la famille leur assure, à elle-même et ses trois enfants de quoi se sustenter au quotidien. Elle baissa la tête et, les larmes se mirent à couler. Deux jours qu’ils n’avaient pas mangé, elle et sa progéniture. Au village la situation ne se présente pas mieux.

– J’étais retournée à la mort de mon mari ; j’y suis restée quelques mois, car là-bas, c’est pire. Ni eau, ni électricité. Et manger relève d’une œuvre surhumaine. Ici, à Calavi, au moins, il y a toujours une âme de bonne volonté pour voler à notre secours.

Son village est situé dans un arrondissement de Glo-djigbé, à quelques encablures de Calavi. C’est vous dire, chers présidentiables, que voici ainsi résumée la situation des personnes dont vous allez conduire la destinée. Des personnes comme ma veuve de Calavi, il y en a à profusion au sein de notre population. Ce sont elles qui seront vos électeurs. Et encore elles qui espèrent trouver l’oiseau rare qui viendra les sortir de l’indigence. Celui-là qui sera préoccupé véritablement par le service à rendre à la nation et à notre peuple. Sachez qu’une société qui ne protège pas ses femmes de la misère n’évolue pas et est donc sans avenir. Les Juifs disent que Dieu ne pouvant être partout, alors, il a créé la femme. C’est très profond. A méditer donc…

Se servir non ! Servir la Nation, oui !

Tel  devrait être le mot d’ordre de tous les présidentiables, sinon, jamais ils ne connaîtront le succès. On ne trompe pas impunément tout un peuple. Vous sillonnez tout le pays, car vous allez à l’assaut du palais de la Marina. Est-ce pour calmer votre égo ou pour aider ce peuple, le bas peuple à sortir de la misère ? Posez-vous cette question chaque jour jusqu’au dépôt de votre candidature. Il ne s’agit point comme l’a si bien écrit mon confrère Florent Couao-Zotti dans son article « Devenir président du Bénin en dix points » :

«  Il n’est nullement question d’être seulement la star de sa famille, de son village, ni de son fan club, mais d’une bonne frange de la population … ». Mais là ou je ne suis pas d’accord avec lui, c’est quand il donne l’humilité comme quatrième critère. « Etre humble : se présenter au peuple comme un rase-mur, un homme humble, tellement incliné vers la terre qu’on peut en récolter une bosse de chameau dans le dos…  que le peuple béninois aime les dirigeants qui s’aplatissent devant lui, même si bien après, ces dirigeants se révèlent être tocards ». C’est peut-être vrai, mais faudrait-il généraliser ceci comme critère de mérite, jouer au faux humble. Alors qu’on ne vous y trompe plus, peuple béninois. Le futur président doit être jugé sur ses aptitudes, ses compétences, et sa sociabilité. Tout le reste ne serait que subterfuges.

L’église est notre repère

Pour nous le peuple d’en- bas, l’église et les hommes de Dieu représentent nos repères. Qu’on parle mal à notre archevêque nous déstabilise et peut créer des inimitiés à l’auteur de ces propos. Notre philosophe national, Candide Azanaï serait vraiment honorable s’il fait désormais attention à tout ce qu’il dit, et comment le dire. Pour ne pas heurter toutes les sensibilités. Moi, je ne suis du côté d’aucun « Nationaliste » à qui est confiée la mission de ravitailler le pays en  carburant pour  les stations services, et du gaz domestique pour nos foyers. Mais en ces moments de vive tension, où tout le monde crée son fan club, et où les « wagbêmi, wagbêmi » (viens me cueillir-viens me cueillir!) sont chantés à longueur d’antenne, il s’agit de ne pas mettre de l’huile sur le feu. Que chacun reste dans son couloir et qu’il n’y ait point de collusion entre le politique, le religieux et autre. L’archevêque pour notre peuple est une institution crédible qui ne doit pas prendre parti pour un individu mais pour une cause noble ; celle du peuple tout entier. Et si la hiérarchie du prélat se démarque de sa lettre publique, ça n’élève pas le clergé dans l’esprit des Béninois. Nous avons besoin de la parole de notre clergé pour rester en communion avec notre nation. Une défaillance dans le comportement  spirituel  laisserait libre cours à tous les débordements.

 De grâce, laissez nous gérer la misère dans nos assiettes et non les départs précipités sur les routes de l’exil. Nous n’avons qu’une Nation. Et nous aspirons à y vivre en paix. En attendant que le prochain Elu de la Nation apporte de quoi manger en suffisance dans nos gamelles. Et que toutes les valeurs qui nous sont chères redeviennent la chose la mieux partagée de notre peuple. « Tel le droit des peuples à être bien gouvernés… c’est maintenant  ou jamais qu’il faut l’exiger, mes chers compatriotes. » dixit PIK

Adélaïde FASSINOU ALLAGBADA (Ecrivain)

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