A six mois de la présidentielle de février 2016, les candidatures s’annoncent à la pelle. Des plus sérieuses aux plus insolites, on peut compter une cinquantaine, voire une soixantaine. De quoi donner du Bénin à l’extérieur l’image d’un pays où la fonction présidentielle, la plus digne et la plus exigeante ailleurs, est galvaudée, voire dévaluée. Pourtant ceci pouvait être évité si la classe politique avait mis les garde- fous nécessaires pour éviter cette pagaille.
L’exercice de comptage des potentiels candidats pour l’élection présidentielle serait un des plus malaisés pour tout Béninois aujourd’hui. Chaque jour, un quidam vient grossir le lot, un autre peut- être se rebiffe sans trop de tapage cette fois-ci. Cette instabilité dans les engagements et cette croissance exponentielle du nombre des potentiels candidats rendent la comptabilité difficile. Une cinquantaine ? Une soixantaine ? C’est selon. D’autres n’hésitent même pas à pousser le ridicule à l’extrême en parlant de candidature par commune, soit au moins soixante -dix -sept. Et rien ne prouve qu’on n’aille pas à ce niveau. Dans le lot, on retrouve un peu de tout. Petit commerçant ayant amassé fric et briques, jeune médecin exerçant en contractuel à Paris, pétrolier fortuné, communicant prolixe au service de dictateur d’Afrique central, ancien député ayant des cadavres dans les placards, conseillers techniques du Chef de l’Etat, hauts fonctionnaires des institutions internationales, ministres au gouvernement, universitaire londonien, milliardaires décidés à faire aussi la politique, fonctionnaires corrompus ayant fait la bagne, généraux en mal de popularité…la liste n’est pas exhaustive. Dans le lot, beaucoup d’aventuriers et de candidats solitaires dont le seul souci est de profiter de cette période pour se tailler un prestige ou une popularité qu’ils monnaient après dans divers secteurs d’activités. On y trouve très peu d’hommes politiques crédibles ayant une base électorale et un mandat politique. Seuls les candidats à la candidature unique au sein de l’Union fait la nation (Un) se montrent actifs sur le front médiatique afin de s’attirer la faveur des pronostics. Jusqu’à ce jour donc, aucun candidat d’un grand parti n’est connu. Le Prd l’annonce pour novembre. Idem pour les Fcbe qui entend désigner un candidat unique durant le même mois. A la Rb, Lehady Soglo n’a pas encore annoncé sa candidature, occupé à gérer les querelles intestines au sein du parti. Les alliances Soleil, Fdu et And ne semblent pas être entrés encore dans le processus de désignation d’un candidat. Le compte bien fait, la classe politique joue encore au spectateur dans le débat sur la désignation des candidats pour la présidentielle. Si donc malgré que les grands partis et alliances de partis n’aient pas encore choisi leurs candidats il y a cette floraison de candidatures, c’est bien parce qu’il n’y a aucune contrainte à être candidat à l’élection présidentielle au Bénin et que n’importe quel quidam peut bien s’aventurer sur cette piste.
Trop facile !
Le Bénin est l’un des rares pays au monde si ce n’est le seul où il est si facile d’être candidat à l’élection présidentielle. Il suffit d’avoir ses 40 ans révolus, d’être en bonne santé et de jouir de ses droits civils et politiques pour prétendre à être candidat. Ni la constitution du 11 décembre 1990, ni le code électoral n’ont fait une exigence particulière aux postulants à ce poste. Chose incompréhensible, au même moment où le code électoral prescrit que pour accéder à n’importe quel poste électif, même celui de conseiller local, il faut être sur la liste d’un parti politique, aucune obligation du genre n’est faite aux potentiels candidats à l’élection présidentielle. Ce qui fait qu’aujourd’hui, postuler pour l’élection présidentielle est la chose la plus aisée au monde. La seule contrainte est la caution que le candidat doit verser au trésor public. On ne devrait donc pas s’étonner de voir plusieurs personnalités ne provenant pas des partis politiques postuler pour ce poste. Cette ouverture donnée est la cause principale de la prolifération et constitue en même temps une grande erreur d’appréciation dans la mesure où la fonction présidentielle est éminemment politique.
Solution
La solution à ce problème devrait provenir des acteurs politiques. Surtout des députés à l’Assemblée nationale, qui en légiférant, ont omis de mettre dans le code électoral une disposition qui fait de la fonction présidentielle la seule chose des politiques. En le faisant, ils harmonisent les critères à remplir par tous les potentiels candidats à toutes les élections au Bénin. Mieux, pour rendre la fonction présidentielle plus sérieuse, le législateur pourrait faire intervenir d’autres critères pour les candidats à la présidentielle. Par exemple, on peut mettre dans les textes que seuls les partis ayant un nombre de députés peuvent présenter de candidats. Ce nombre peut aller être situé entre 10 et 20. Ensuite, on peut ajouter l’originalité des projets de société de candidats. Enfin, il y a une réforme fondamentale à faire pour assainir le microcosme politique béninois. Il s’agit de la réduction des salaires politiques. Aujourd’hui, la politique est devenue une filière et une carrière que tout le monde veut embrasser car elle offre beaucoup d’avantages et ceux qui s’y engagent réalisent leurs vies. Beaucoup d’hommes d’affaires ayant compris cela sont entrain de délaisser progressivement les affaires pour la politique. En réduisant les avantages liés au poste politique, on réussirait à décourager ceux qui se forcent à faire la politique juste pour assouvir leurs intérêts égoïstes. Ceux qui n’ont aucune conviction, aucun esprit de sacrifice et qui ne voit pas les postes politiques comme un service qu’on rend à son peuple devraient normalement aller faire autre chose. Tout est alors dans les mains de la classe politique qui affiche une certaine complicité dans ce désordre en ayant pas le courage d’opérer ces réformes et en laissant le système politique gangrené par le règne de l’argent. Un tel laxisme serait préjudiciable pour la classe politique elle-même et pour la démocratie dans le futur.