Le Bénin à l’école de la présidentielle

Incontestablement la fonction présidentielle, au Bénin, a un fort pouvoir d’attraction. Le législateur en a été pour beaucoup. Il a, en effet, taillé au Président de la République, constitutionnellement parlant, un grand boubou.

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Un boubou coupé dans un tissu d’une rare beauté, finement et richement brodé. C’est là la cause profonde de la pléthore, tous les cinq ans, de candidats à la candidature. Embouteillage monstre assuré sur les voies menant au Palais de la Marina.

La Constitution du 11 décembre 1990 a établi un régime présidentiel fort, concentrant dans les mains du Chef de l’Etat d’énormes pouvoirs. C’est quasiment Jupiter en son Olympe, maître du ciel et de la terre. Ne parlons ni des honneurs qui lui sont dus ni des privilèges et des avantages qui lui sont conférés. La course au pouvoir, à la fonction présidentielle, révèle ainsi plusieurs groupes d’intérêt, plusieurs ambitions en solo. Nous les regroupons, pour les besoins de la cause, en différentes républiques.

Il y a eu la république des banquiers et des fonctionnaires internationaux. Cette république était portée par quelques figures marquantes de notre histoire politique contemporaine. Citons Moïse Mensah, ancien haut fonctionnaire de la FAO à Rome ou Albert Tévoedjrè, ancien haut fonctionnaire du Bureau international du Travail à Genève. L’un et l’autre, mais sans succès, ont eu à tutoyer la fonction présidentielle. D’avoir eu à conduire une carrière internationale et d’avoir eu à servir le monde entier leur avait conféré, aux yeux d’une frange de l’opinion, la capacité de diriger le Bénin. Qui peut le plus ne peut-il pas le moins ?

Les banquiers ont eu plus de succès. En plus d’être des gestionnaires de coffres-forts, ils sont aussi des fonctionnaires internationaux. Ce fut le cas de Nicéphore Dieudonné Soglo, premier Président de l’ère du Renouveau démocratique (1991-1996). Il nous revenait de Washington, plus précisément de la Banque mondiale. Ce fut également le cas de Boni Yayi, troisième Président du Renouveau démocratique (2006-2016). Il a fait ses classes et fourbi ses armes à Lomé, au Togo, dans les antres de la Banque ouest africaine de Développement (BOAD). Entre les deux Présidents, s’intercale le général Mathieu Kérékou, le deuxième président du Renouveau démocratique (1996-2006) Ni banquier ni fonctionnaire international, il aura été un élément tampon, une parenthèse accidentelle dans la république des banquiers et des fonctionnaires internationaux.

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La république des opérateurs économiques et des milliardaires est en train de se formaliser et de prendre pied. Séfou Fagbohoun est à tenir pour un précurseur, un vieux de la vielle comme on dit. Il est inclassable. Cette république a d’abord eu à compter avec des éclaireurs. Ceux-ci, opérateurs économiques de calibre moyen, étaient préposés à ouvrir le chemin. Ils ont d’abord pris d’assaut les travées de l’hémicycle, s’honorant du titre d’honorables députés. Parmi leurs éminents représentants on retient Issa Salé, promoteur d’une société de téléphonie mobile et d’une chaîne de télévision, Rachidi Gbadamassi, ancien maire de Parakou, Eustache Akpovi, gestionnaire d’un parc de véhicules d’occasion…ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale. Les éclaireurs ont travaillé dur, tant et si bien que la lutte pour le fauteuil présidentiel s’anime déjà des bruits de gros sabots de quelques grosses pointures qui pèsent plusieurs milliards de nos francs. On annonce Patrice Talon, le roi du coton. On entend venir Adjavon, le roi des produits congelés. On dit être sur le départ un Crésus qui s’est fait sur les terres du peuple arc-en-ciel. Pointe ainsi à l’horizon un combat de titans sans précédent. C’est la première fois, en effet, que l’argent déjà omniprésent dans le débat politique, sort de ses laboratoires de faiseur de roi. Il clame désormais, haut et fort, sur la place publique, sa volonté d’être roi à son tour. Si ce n’est pas une révolution, avouez que cela y ressemble.

Terminons par la république des rêveurs et des plaisantins. Il s’agit de la masse folklorique qui accompagne chacune de nos élections présidentielles. On y distingue ceux qui veulent juste se voir dans le miroir national, l’espace d’une campagne électorale. Il y a ceux qui n’attendent que de surcharger leur curriculum vitae et leur carte de visite de la mention « Ancien candidat à la Présidence de la République ». Il y a enfin des fous, des paranoïaques qui ont perdu tout contact avec la réalité et les réalités. Aussi flottent-ils, quelque temps, dans l’air, avant leur atterrissage forcé sur le sol dur des illusions perdues. Terminus, tout le monde descend !

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