Dans son bureau au fronton duquel se lit, « aller au-delà des limites », Amoussou Charlemagne Andoche de son vrai nom, le Fashion-manager, promoteur de la marque Lolo Andoche depuis 1993, l’un des plus grands couturiers béninois en vue, a reçu La Nouvelle Tribune dans son atelier sis au quartier Vêdoko.
Il nous parle de « Vacances à tout prix », sa nouvelle collection, de son parcours, de la mode béninoise de celle africaine et de ses ambitions dans ce domaine où « savoir faire paraître » est le maître mot. Lisez plutôt.
Lolo Andoche, vous avez lancé une nouvelle collection « Vacances à tout prix » dont les affiches foisonnent dans Cotonou et sur les réseaux sociaux. Dites-nous de quoi il s’agit.
« Vacances à tout prix » s’inscrit dans notre perspective de toujours, valoriser la mode africaine, de prouver aux Africains, aux Béninois que le prêt-à-porter Africain peut être porté avec fierté et élégance. Nous avions rêvé, Il s’agissait pour nous de rendre le prêt- à – porter africain plus accessible et surtout plus pratique pour nos populations. Trop de pertes de temps à acheter du tissu, aller chez le tailleur, faire des aller et retour, faire plusieurs déplacements avant de pouvoir enfin s’habiller. Aujourd’hui, les prêts-à- porter Lolo Andoche, propose du « pré-fait ». L’idée c’est de permettre à ceux qui le désirent d’aller juste dans un de nos points de vente, de choisir son modèle et sa taille et quelques minutes après le tour est joué. C’est un gain de temps et d’argent énorme donc au final tout le monde y trouve son compte. Ceci a également l’avantage de faire découvrir, toucher le produit en lui-même, de l’essayer même avant de l’acheter et non de se fier à la simple imagination ou description d’un couturier dont on ne peut savoir exactement à priori le résultat final. « Vacances à tout prix » c’est également pour permettre aux jeunes de faire siennes les tenues africaines by Lolo Andoche.
Bien entendu, la marque Lolo Andoche, a une renommée qui dépasse les frontières du Bénin, de l’Afrique. Parlez-nous brièvement de comment vous êtes parvenu à ce niveau.
Hum (Soufflement) ! En quelques mots, déjà je dois vous dire que c’est vrai qu’on a fait du chemin, mais le chemin qui reste à faire est énorme. Nous avons connu nos hauts et nos bas comme toutes les petites entreprises en Afrique et au Bénin notamment. De 1993 à ce jour, pratiquement en 22 ans de métier, nous avons eu la chance de participer à de grands défilés au Bénin, et dans toute la sous-région, mais aussi en Afrique du Sud, aux Etats-Unis, en France et un peu partout dans le monde ou le devoir de porter, de représenter l’Afrique nous a appelé. Depuis longtemps nous proposons des collections périodiques à notre clientèle, c’est vrai ! Mais le rêve est beaucoup plus grand et nous y travaillons quotidiennement avec nos équipes.
Aujourd’hui, la mode africaine est en train de s’imposer dans le monde entier. Et grande est notre fierté de nous rendre compte que nous ne nous sommes pas trompé quand nous avions fait l’option du prêt à porter africain il y a 22ans.
Les résultats de vos travaux de valorisation de la mode africaine sont, on le sait, élogieux. On se demande comment Lolo Andoche qui est parti d’un simple atelier, travaille ?
Aujourd’hui nous travaillons avec une centaine de personnes, sous plusieurs formes. Que ce soient des prestataires, des fournisseurs externes et internes. Le petit atelier de couture aujourd’hui dispose de certains services dignes des grandes entreprises (rires), nous avons, avec le temps, progressivement des départements administratif, commercial, marketing et autres qui assurent le lien entre la production et le marché.
Parlons à présent de vos créations, qui malgré la sobriété, ont une certaine fascination, un éblouissement. On a envie de savoir comment vous travaillez la matière pour sortir d’aussi belles choses ?
Vous avez usé du bon mot, « sobriété » pour chacune de nos créations, nous avons à cœur l’élégance dans la simplicité, cela fait partie intégrante de notre marque. Ceci étant l’originalité ajoutée à la simplicité et au choix minutieux de chaque composante fait de chacune de nos créations portées, une expérience unique.
Nous travaillons pour que nos clients de très classiques ou de moins classiques, se retrouvent dans nos collections. La source permanente et inépuisable de notre créativité depuis toujours, c’est l’Afrique. Nous nous inspirons beaucoup de la culture, de nos habitudes vestimentaires, de notre paysage…. En gros l’identité africaine c’est notre touche différentielle.
A propos des thèmes, lesquels reviennent le plus souvent dans vos créations ?
Nous nous inspirons souvent de la morphologie de la personne humaine, je dirai de l’être humain africain. Au-delà de la morphologie, il y a également les teints. Ce qui revient le plus souvent, ce sont les broderies. Chacune de ces broderies est créée à partir de la culture africaine. Ce n’est pas que du Bénin. Nous nous inspirons du Mali où vous avez des broderies créées à partir des masques du pays. De même, avec le Burkina- Faso et ses masques. Au Bénin, nous nous inspirons de tous nos emblèmes d’Abomey, de Kétou, de Banikoara ou de Boukoumbé…. ensuite nous y apportons « La touche Lolo Andoche ».
Alors ce qu’on retient en filigrane de cette explication que vous venez de donner, c’est qu’il y a un lien intangible entre la haute couture et les réalités culturelles endogènes.
Exactement ! Pour ne pas faire du copier-coller de l’Europe, d’autant plus que nous avons assez de matières culturelles en Afrique et particulièrement au Bénin, nous travaillons avec tout ça afin d’aller au-delà des limites que les autres nous donnent, que l’Occident donne à l’Afrique.
Pour qui connaît un peu les créations de Lolo Andoche, on remarque que votre particularité, ce sont les broderies à la poitrine. Qu’est-ce qui vous intéresse au niveau des poitrines ?
C’est le fait que c’est la partie la plus visible du corps. Que la personne soit assise ou debout, cette partie se laisse apercevoir plus aisément.
Nous avons appris que Lolo Andoche est dans une démarche de valorisation du coton béninois. Quand on sait que le coton produit au Bénin est destiné à l’exportation, on se demande si vous en trouvez réellement pour votre travail.
Parlant de ça, aujourd’hui, c’est vrai que nous travaillons aussi avec du tissu venu d’ailleurs. Nous n’allons pas développer ni l’Afrique ni notre pays en travaillant avec ces tissus importés. Nous nous sommes dit mieux vaut commencer à travailler avec le coton béninois. Et je pense qu’avec le temps, ça va être à un moment donné, l’élément déclencheur. Quand nous allons commencer à travailler davantage avec notre coton, ça va impacter le développement de notre pays. Si tout le coton du Bénin qui est l’un des meilleurs cotons au monde, va à l’étranger, c’est parce que ça ne se transforme pas au Bénin. A l’étape où nous en sommes, c’est vrai que c’est très difficile de travailler avec. Nous travaillons de temps en temps avec Sitex et d’autres chez qui nous prenons le produit brut que nous retravaillons pour pouvoir améliorer la qualité et faire de la teinture dessus afin de l’utiliser. C’est à ce stade-là que nous sommes aujourd’hui et nous souhaitons vivement allez au stade où ça va être directement industrialisé, produit, fini avant d’aller dans la confection. C’est dans cette optique-là que nous travaillons le coton béninois et nous pensons que forcément, le moment viendra où une bonne partie du coton béninois sera vendu sur le territoire national.
La mode béninoise à présent, comment vous la trouvez ?
La mode béninoise et en général la mode africaine prend aujourd’hui. Il y a un engouement autour. Ça prend suffisamment et le Bénin a commencé par devenir, la deuxième plateforme de la mode africaine en Afrique de l’Ouest en dehors de la Côte d’Ivoire. Donc je pense que c’est en bonne voie. Beaucoup de jeunes viennent à la mode et s’investissent corps et âme, j’encourage fortement cet engouement pour la mode africaine. De toute façon plus on est fou plus on rit dit-on.
Malgré votre attachement, votre engagement, votre détermination à valoriser la mode africaine, on remarque une influence du style européen dans vos créations. Pourquoi cette hybridation ?
En fait, notre défi est de vendre l’Afrique à travers nos tenues au monde et pour le faire, il faut qu’on aille au-delà qu’on sorte de nos pays et avec la mondialisation, il y a plus de frontière. Du coup, ce métissage de la culture européenne et de la culture africaine, nous permet d’aller au-delà de l’Afrique. Et comme vous le savez, il y a plusieurs Africains qui ne sont pas encore prêts à porter du cent pour cent africain. Donc nous usons de ce métissage afin que chacun se retrouve, que tout le monde se retrouve. Le constat est que notre collection se porte de plus en plus en Europe. C’est une manière de moderniser aujourd’hui où on parle de la mondialisation. Notre ouverture sur le monde ne peut que passer par là.
Je voudrais pour finir cet entretien, demander à Lolo Andoche, quelles sont ses relations avec les autres couturiers de la place et quelles sont ses perspectives ?
Autant que nous sommes dans la mode au Bénin, en Afrique, nous ne pouvons pas finir de satisfaire les besoins de la population qui en demande tous les jours. Nous parlons de la mode qui varie chaque jour et change. Avec les collègues, je garde de très bonnes relations puisque même si sur des terrains, nous sommes des concurrents, nous sommes des amis-concurrents. Nous sommes obligés de travailler ensemble afin de mieux maîtriser ce réseau et de le développer davantage. A propos des projets, le plus cher, je l’ai dit au départ, c’est de rendre accessible le prêt-à-porter à l’Africain. En technologie nous sommes à l’ère de la 3G, il faut qu’on aille également aux 3G, 4G dans la mode africaine