Non ces expressions ne nous trahissent pas, mais font notre particularité

C’est avec un sentiment mitigé que j’ai lu ce matin dans les colonnes de La Nouvelle Tribune, une chronique du doyen Jérôme Carlos, sur les expressions béninoises censées révéler nos comportements, montrer notre paresse, notre esprit de revanche, notre fatalisme, notre dédouanement constant, notre retard habituel.

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Qu’il soit clair, ce billet ne constitue pas un rejet de la pensée de l’émérite journaliste, mais une simple note pour signifier qu’il ne faut pas toujours peindre en noir notre culture ou nos actes. Pour rester dans le ton de la chronique, nous allons reprendre les expressions citées et les présenter d’une différente façon. Mais avant il convient de préciser que ce que le doyen a évité de mentionner c’est que toutes ces expressions découlent en premier lieu d’une traduction littérale de nos langues nationales. Il n’ya pas de mal à s’approprier une langue, les ivoiriens le font, les québecois, les belges et les suisses également le font avec la langue française. Pourquoi pas nous? 

« Tu as fait un peu ? » découlant du fon « A blo Kpédé a? » cette expression tient plus d’une interprétation d’une langue nationale qu’une volonté de limiter les efforts de la personne questionnée. Il ne s’agit donc absolument pas d’être « partisan du moindre effort » comme le dit le doyen, mais d’une simple traduction d’une expression, qui dans le fond n’a pas grand chose à voir avec la paresse.

« Dieu fera »  du fon « Mahou nan blo » : Même si dans le fond, nous approuvons le fatalisme religieux décrit par M. Jérôme Carlos, il faut toutefois noter que celui-ci (ce fatalisme) n’est pas un propre du béninois, mais de l’Africain en général qui est souvent empêtré dans une recherche permanente d’un Dieu censé le sauver des méandres de la vie. 

« Je ne suis pas dedans »  du fon  » Gnin dé man an » : Même si cette phrase peut être utilisée par des béninois toujours soucieux de tirer leur épingle du jeu, même si ils sont coupables, elle est, une fois encore, une traduction littérale du Fon. Elle peut être utilisée par n’importe qui, soucieux de défendre son innocence. Dire donc que cette expression montre que les « chefs ne savent ni démissionner ni engager leur responsabilité morale quand les circonstances l’exigent. Ils préfèrent s’accrocher bec et ongles, avec l’énergie du désespoir » est un raccourci un peu tendancieux…

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« Il s’est levé » du fon « E tchi té blé oun » Même remarque que la précédente. Elle peut être utilisée par quelqu’un voulant informé un visiteur de l’absence momentané de son hôte. 

« Tu va voir ! »  du fon « A nan mon » Cette expression traduit bien évidemment une menace. Mais quel peuple ne menace t-il pas? La menace est-elle une particularité du béninois? En France, l’expression similaire peut être : « ça ne se passera pas comme ça » ou encore  » je m’en souviendrai  » Pourquoi donc réduire cette expression à l’esprit de revanche légendaire du peuple béninois?

Dans le fond les réalités décrites par M. Carlos peignent effectivement la société béninoise. Les tares dénoncées sont bien réelles. Mais le choix porté sur des expressions nées de l’envie de s’approprier une langue, plutôt que de la parler comme le colon est plutôt fantaisiste. Bien que nous respectons le chroniqueur, nous nous inscrivons en faux contre le fait qu’il faille peindre en noir ces expressions, bien qu’elles soient utilisées parfois par les adeptes de la « béninoiserie« .

Tout comme l’expression  » A fon gan dji a » qui veut normalement dire tu t’es bien réveillé utilisée pour dire bonjour peut être mal comprise, il convient donc de resituer l’essence de ces expressions françaises sans verser dans le négatif. 

PS: Ces traductions peuvent également trouver leur essence dans d’autres langues béninoises (autres que le fon). Le choix du fon est fait pour gagner du temps.

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